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"L'OEA a-t-elle le droit d'exister?" se demande Fidel Castro
Sommet des Amériques: et si Chavez dynamitait l'OEA devant Obama ...
par Christian GALLOY, directeur de LatinReporters.com
Jeudi, 16 avril 2009 (LatinReporters.com) - Au moins verbalement,
par ses phrases chocs de prédicateur du "socialisme du 21e siècle",
voire en claquant la porte suivi de ses alliés régionaux, le
président vénézuélien Hugo Chavez pourrait dynamiter
l'Organisation des Etats américains (OEA), cette fin de semaine devant
Barack Obama lors du Ve Sommet des Amériques. "L'OEA a-t-elle le droit
d'exister?" se demande à Cuba Fidel Castro, en qui Hugo Chavez voit
un "père spirituel".
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BARACK OBAMA (photo Marc Nozell) et HUGO CHAVEZ (Prensa Presidencial) |
Du 17 au 19 avril à Port-d'Espagne (Port of Spain), capitale de l'île
caraïbe anglophone de Trinité-et-Tobago (Trinidad and Tobago), le
Ve Sommet des Amériques
réunira pour la première
fois le nouveau président des Etats-Unis et ses pairs de tous les
pays du continent, à la seule exception de Cuba, alliée privilégiée
du Venezuela bolivarien.
L'île des frères Castro fut exclue
de l'OEA en 1962, un régime communiste étant alors considéré
comme incompatible avec le système interaméricain. Or, l'institution
du Sommet des Amériques, lancée en 1994, est une émanation
de l'OEA. Celle-ci brandit désormais la
Charte démocratique
interaméricaine de 2001 pour n'accepter que des chefs d'Etat et de
gouvernement démocratiquement élus. A ce titre, Cuba ne siégera
pas à Port-d'Espagne.
Officiellement, le dossier cubain n'est pas à l'agenda du Ve Sommet
des Amériques, convoqué sur le thème épuré
"Assurer l'avenir de nos citoyens à travers la promotion de la prospérité
humaine, la sécurité énergétique et la durabilité
environnementale". Aucune trace du mot Cuba dans les 11 pages du
projet de
déclaration finale.
Mais défendues ou pour le moins souhaitées aujourd'hui par
la totalité des pays latino-américains, y compris les grands
fiefs conservateurs que sont le Mexique et la Colombie, la réintégration
de Cuba dans les instances continentales et la levée de l'embargo
américain contre l'île constitueront sans nul doute l'un des
plats de résistance du sommet de Port-d'Espagne. L'impact de la crise
économique globale sur la région et les problèmes d'immigration
en seront deux autres.
Le Venezuela de Hugo Chavez, la Bolivie d'Evo Morales et l'Equateur de Rafael
Correa, alliés régionaux du régime castriste, sont décidés
à imposer le débat sur Cuba. "Nous sommes en train de préparer
l'artillerie ... Pourquoi Cuba n'est pas au Sommet des Amériques?
Ce sera l'une des premières questions qui résonnera à
Trinidad", a averti Chavez.
L'administration Obama a réduit la pression en annonçant le
13 avril la levée des restrictions
sur les voyages d'Américano-Cubains
voulant visiter leur famille à Cuba et sur leurs transferts d'argent
vers l'île. Est-ce suffisant pour que s'impose à Port-d'Espagne
l'image des Etats-Unis nouant avec son sud continental, actuellement très
marqué à gauche, des relations enfin basées sur l'égalité
et le respect?
Cela dépendra de Barack Obama et aussi, notamment, de Hugo Chavez.
Le bouillant Vénézuélien sera logiquement tenté
d'utiliser son premier sommet avec le nouveau chef de la Maison blanche pour
consolider, selon ses propres critères, son statut autoproclamé
de leader de la nouvelle gauche latino-américaine. (Statut que Washington
et l'Europe préfèrent conférer au rassurant président
brésilien Luiz Inacio Lula da Silva).
A Cuba, le 10 avril, Hugo Chavez consultait longuement l'ex-président
Fidel Castro, toujours premier secrétaire du Parti communiste, sur
la tactique à suivre au Sommet des Amériques. Un article signé
le 14 avril dans la presse officielle cubaine par le Lider Maximo sous le
titre "L'OEA a-t-elle le droit d'exister?"
dévoile peut-être la philosophie de cette tactique.
"L'histoire de l'OEA est un recueil de toutes les ordures de 60 ans de trahison
des peuples d'Amérique latine ... La somme de toutes les agressions
dont elle fut complice se chiffre à des centaines de milliers de morts
... Cela nous offense lorsqu'on suppose que nous [les Cubains] souhaiterions
réintégrer l'OEA. Le train est passé depuis longtemps
... Un jour, de nombreux pays demanderont pardon de lui avoir appartenu"
écrit Fidel Castro.
Pour le Venezuela et ses alliés radicaux (Bolivie, Nicaragua,
Equateur, Paraguay, Honduras et île de la Dominique), défendre
Cuba à Port-d'Espagne pourrait donc signifier, suivant la pensée
de Fidel Castro, nier la légitimité de l'OEA, voire claquer
la porte de son Ve Sommet des Amériques. On parlerait alors de dynamitage,
d'éclatement de l'OEA.
L'hypothèse est aussi extrême qu'incertaine. Elle n'est toutefois
pas insensée, d'autant que 33 pays d'Amérique latine et des
Caraïbes, à nouveau tous ceux des Amériques, y compris
Cuba et à l'exception cette fois des Etats-Unis et du Canada, applaudissaient
le président cubain Raul Castro, successeur de Fidel malade,
le 17 décembre dernier à Costa do Sauipe (Brésil) en
jetant les bases d'une organisation parallèle à l'OEA incluant
l'île castriste.
Le président brésilien Lula da Silva et son homologue mexicain,
le conservateur Felipe Calderon, annonçaient alors à la presse
la décision de lancer dès 2010, "du Rio Bravo jusqu'à
la Patagonie", ce qui pourrait s'appeler
l'Union de l'Amérique latine
et des Caraïbes (UAC; mais le choix du nom n'est pas encore arrêté).
Le Groupe de Rio, qui a admis Cuba en son sein, pourrait se muer en structure
de lancement de l'UAC.
Les 33 pays réunis en décembre dernier à Costa do Sauipe
reconnaissaient en outre à "tout Etat", y compris donc à Cuba,
"le droit de construire son propre système politique". Cette étonnante
mise au placard de la Charte démocratique interaméricaine de
l'OEA pèsera-t-elle sur le Ve Sommet des Amériques?
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