CARACAS, mardi 20 mars 2012 (LatinReporters.com) -
"Notre
opinion est qu'il faut aller au sommet" des Amériques, les 14
et 15 avril en Colombie, a déclaré lundi le président
du Venezuela, Hugo Chavez. Mais, a-t-il ajouté, il faudra y dénoncer
"l'exclusion anachronique" de Cuba exigée par Washington et
proposer que ce soit la dernière réunion de ce forum sans la
participation de La Havane. Le président Barack Obama représentera
les Etats-Unis à ce VIème Sommet des Amériques, ouvert
aux 34 pays membres de l'OEA (Organisation des États américains).
Hugo Chavez est ainsi revenu sur la menace, maintenue toutefois pour le futur,
du boycott du Sommet des Amériques si Cuba n'y était pas invitée,
boycott
envisagé début février par les 8 pays de l'Alliance
bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (l'ALBA, qui réunit
Venezuela, Cuba, Bolivie, Nicaragua, Équateur, la Dominique, Antigua-et-Barbuda
et Saint-Vincent-et-les-Grenadines).
Même la Colombie...
Intervenant par téléphone sur la chaîne de télévision
publique vénézuélienne VTV, Hugo Chavez précisa
s'être entretenu avec les présidents des pays de l'ALBA et avec
d'autres gouvernements de la région, dont ceux de l'Argentine et du
Brésil. Il en a déduit l'existence d'un
"quasi consensus [sur la perception]
qu'il faut aller au sommet" malgré l'absence de Cuba.
Le "
quasi" se réfère
probablement aux réticences très marquées, mais non
décisives, du président de l'Équateur, Rafael Correa,
promoteur initial d'une politique de la chaise vide qui hypothéquerait
la réussite du sommet et réduirait le représentativité
de l'OEA, souvent jugée trop influencée par Washington où elle siège.
"Je crois que bon nombre d'entre nous signifieront que ce sera (...) l'ultime
sommet dit des Amériques sans Cuba. Le prochain n'aurait pas lieu,
car vraiment la majorité d'entre nous ne l'accepterait pas" a
poursuivi le président vénézuélien, semblant
s'exprimer, peut-être abusivement, plus au nom de l'Amérique
latine qu'au nom seulement de l'ALBA.
A cet égard, même la Colombie, allié privilégié
des États-Unis en Amérique du Sud, a souhaité par la
voix de son président, Juan Manuel Santos, que Cuba soit représentée
aux sommets continentaux postérieurs au VIème Sommet des Amériques,
qu'accueillera les 14 et 15 avril la ville colombienne de Cartagena de Indias
(simplement Carthagène en français).
Hôte du sommet, le président Santos avait fait le 7 mars un
voyage éclair à La Havane pour expliquer très diplomatiquement
au président Raul Castro qu'il ne pouvait pas inviter Cuba, faute
de consensus au sein de l'OEA. Juan Manuel Santos en avait également
débattu avec Hugo Chavez, alors en convalescence dans la capitale
cubaine après l'opération d'une résurgence de son cancer.
En échange de son soutien futur à la participation cubaine,
le président colombien réussissait à obtenir de Cuba
une attitude non belligérante. Poussée par l'ALBA, l'île
des frères Castro prétendait initialement assister au VIème
Sommet des Amériques malgré son refus de rejoindre l'OEA, qui
lui avait offert, en juin 2009, une réintégration conditionnée
à la reconnaissance de la Charte démocratique de l'organisation.
Washington a réitéré plusieurs fois ces dernières
semaines que Cuba, faute de démocratie, n'a à ses yeux aucun
droit de siéger au Sommet des Amériques. Le 29 février,
une semaine avant que le président Santos ne rende publique la décision
de la Colombie de ne pas inviter Cuba, la secrétaire d'État
américaine Hillary Clinton déclarait, au risque de donner l'impression
de dicter à Bogota la conduite à suivre :
"Je ne vois absolument
aucune base ni aucune intention d'inviter Cuba".
Débat aussi sur l'embargo américain et la
lutte contre le narcotrafic
Par ailleurs, la Colombie et la totalité des pays d'Amérique
latine, y compris d'autres partenaires privilégiés de Washington
tels le Mexique et le Chili, sont hostiles à l'embargo américain
qui frappe Cuba depuis 50 ans. Les Latino-Américains devraient le
rappeler au VIème Sommet des Amériques, comme ils le firent
au Vème, en 2009 à Trinité-et-Tobago, en présence
déjà de Barack Obama.
Que Bogota, comme l'ALBA si Cuba était à l'avenir encore ignorée,
boude éventuellement le VIIème Sommet des Amériques
prévu à une date indéterminée au Panama risquerait
d'inciter nombre d'autres capitales latino-américaines (le pire, pour
Washington, serait l'hostilité de Brasilia) à un boycott fatal
à ce forum continental et à l'OEA, déjà concurrencée
par la CELAC. (Communauté des États latino-américains
et des Caraïbes constituée, sans les Etats-Unis ni le Canada,
de tous les autres pays du continent américain, y compris Cuba).
Le dossier cubain bousculera donc en avril l'agenda du Sommet des Amériques,
convoqué sur le thème débonnaire
"Partenaires pour
la prospérité". Un autre motif d'inquiétude pour
le président Obama, contraint à la prudence pour assurer
sa réélection en novembre, est l'irruption probable au sommet,
à l'initiative notamment du Guatemala, d'un débat sur l'opportunité
ou non de légaliser à terme certaines drogues afin de remédier
à l'échec manifeste de la lutte contre le narcotrafic. Dans
le schéma actuel, les États-Unis, opposés à toute
légalisation, concentrent l'essentiel des acheteurs toxicomanes et
l'Amérique latine la quasi totalité des morts, quelque 50.000
rien qu'au Mexique depuis 2006.