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Assassinat en Colombie de l'archevêque de Cali

Il était l'un des critiques les plus en vue de la guérilla et des narcotrafiquants

L'archevêque assassiné, Mgr Isaias Duarte © Arquidiócesis de Cali

BOGOTA, dimanche 17 mars 2002 (LatinReporters.com) - L'archevêque de Cali, Mgr Isaias Duarte Cancino, a été abattu samedi soir de plusieurs coups de feu tirés par deux tueurs à gage. Mgr Duarte était connu en Colombie pour son opposition aux groupes armés illégaux et en particulier aux guérillas d'extrême gauche.

Il est le prélat de plus haut rang assassiné en près de 40 ans de conflit intérieur colombien. Avant les élections législatives du 10 mars dernier, il avait, sans citer de noms, dénoncé le soutien financier de narcotrafiquants à des candidats au Sénat et à la Chambre des représentants.

Provoquant une vive émotion dans le pays, l'assassinat de Mgr Duarte secoue la campagne pour l'élection du président de la République, le 26 mai prochain. Le favori du scrutin, Alvaro Uribe Velez, candidat indépendant d'une nouvelle droite démocratique, avait apprécié, à l'époque où il gouvernait le département d'Antioquia, la collaboration de Mgr Duarte dans le domaine de l'éducation. La police a déjoué au moins deux tentatives d'attentat préparées contre Alvaro Uribe par la guérilla marxiste des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie).

Le 23 février, les FARC avaient enlevé Ingrid Betancourt, candidate écologiste à la présidence. L'assassinat, le 2 mars, de la sénatrice libérale Marta Catalina Daniels et de deux de ses collaborateurs fut attribué par les autorités aux mêmes FARC, qui renvoyèrent néanmoins l'accusation sur les services secrets colombiens.

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Peu après le meurtre de Mgr Duarte, les deux tiers de la Colombie, y compris ses trois plus grandes villes -Bogota, Medellin et Cali- furent privés d'électricité pendant plusieurs heures. La gigantesque panne a été attribuée par la ministre des Mines et de l'Energie, Luisa Fernanda Lafourie, à une réaction en chaîne consécutive à la saturation d'une centrale secondaire. Les techniciens soulignent toutefois la faiblesse du réseau colombien après le dynamitage, par les guérilleros des FARC, de près de 150 pylônes de lignes de haute tension depuis la fin du mois de janvier. 

L'archevêque de Cali, cité de deux millions d'habitants, à 450 km au sud-ouest de Bogota, a été criblé de balles vers 20h30 par deux jeunes inconnus à la sortie de la célébration collective de cent mariages religieux dans l'église du Buen Pastor, dans un quartier populaire de la ville.

Les assassins ont pris la fuite. Atteint à la tête et à la poitrine, le prélat est décédé avant son arrivée à la clinique Carlos Holmes Trujillo de Cali, devant laquelle se réunirent des groupes de Colombiens en pleurs.

Le prêtre Gersain Paz, chef de presse de l'archevêché, reproche à la police de n'avoir pas donné suite à une demande de protection formulée quatre heures avant l'assassinat, lorsque des individus suspects avaient été aperçus par le curé du Buen Pastor à proximité de l'église. Mgr Isaias Duarte avait néanmoins toujours refusé une escorte policière.

Agé de 63 ans, l'archevêque de Cali fut l'un des opposants au processus de paix impopulaire mené en vain pendant trois ans par le Président conservateur colombien Andres Pastrana avec la guérilla des FARC. Face à la recrudescence des attaques des rebelles, le chef de l'Etat a rompu ce processus le 20 février dernier.

A la demande du président Pastrana et de parlementaires américains, le président George W. Bush pourrait, dans les prochains jours, proposer au Congrès de Washington une augmentation de l'aide militaire à Bogota. Il s'agirait d'un tournant marquant l'entrée de la Colombie dans le champ de la guerre internationale contre le terrorisme menée actuellement par les Etats-Unis en Afghanistan, en Géorgie, aux Philippines et au Yémen.

Le 30 mai 1999, lors d'une messe célébrée par Mgr Isaias Duarte dans l'église La Maria de Cali, 168 fidèles furent enlevés par la guérilla pro-cubaine de l'ELN (Armée de libération nationale). La libération progressive des otages, contre rançon pour la plupart, dura plusieurs mois. Mgr Duarte décréta l'excommunication des ravisseurs.

Un mois avant les élections législatives du 10 mars, l'archevêque assassiné dénonçait le financement de la campagne de plusieurs politiciens par "l'argent chaud" des cartels de la drogue. Prié par le président Pastrana de citer des noms, Mgr Duarte s'y refusait, précisant que son devoir se limitait à avertir les citoyens.

Au lendemain des élections, les paramilitaires des AUC (Autodéfenses unies de Colombie, extrême droite) affirmaient "contrôler 35% des élus" à la Chambre et au Sénat. Les AUC, la guérilla des FARC, ainsi que dans une moindre mesure celle de l'ELN, sont considérées aujourd'hui tant à Bogota qu'à Washington comme les véritables nouveaux cartels de la drogue en Colombie.

Les candidats à l'élection présidentielle du 26 mai ont été les premiers à condamner l'assassinat de Mgr Duarte. La candidate indépendante Noemi Sanin, ex-ministre des Affaires étrangères, souligne que l'archevêque de Cali "condamnait avec la même vigueur les extrêmes de gauche et de droite".