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Colombie-présidentielle: la campagne virtuelle d'Ingrid Betancourt, séquestrée par la guérilla

Elle reste candidate à l'élection du 26 mai

Ingrid Betancourt et ses enfants,
Mélanie et Lorenzo
© www.betancourt.info
BOGOTA, samedi 25 mai 2002 (LatinReporters.com) - Kidnappée il y a trois mois dans le sud colombien par des guérilleros marxistes des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie), Ingrid Betancourt a mené, par amis et parents interposés, une campagne virtuelle pour l'élection présidentielle colombienne de ce dimanche 26 mai. Une photo grandeur nature transportée par sa mère et son mari a assuré la participation symbolique d'Ingrid, candidate écologiste, à des tables rondes et meetings électoraux. Une loi permet aux Colombiens aspirant à une charge publique de continuer à la briguer en cas de séquestration.

Ex-parlementaire de 40 ans, controversée en Colombie pour son franc-parler contre la corruption et le clientélisme en politique, Ingrid Betancourt fut enlevée le 23 février dernier en tentant d'atteindre par la route, à 600 km au sud de Bogota, la zone neutre octroyée aux FARC en novembre 1998. De violents combats agitaient cette zone, le président Andres Pastrana ayant ordonné sa reconquête par l'armée trois jours plus tôt, le 20 février, date de la rupture de trois ans de pourparlers de paix avec les rebelles.

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Un détachement de guérilleros a intercepté la candidate présidentielle et sa collaboratrice Clara Rojas, candidate à la vice-présidence, à proximité de San Vicente del Caguan, chef-lieu de la zone neutre, où Ingrid Betancourt voulait saluer le maire local, élu de son parti écologiste Oxygène vert. Quelques heures plus tôt, Ingrid Betancourt avait sollicité une protection officielle pour ce voyage. Les autorités lui répondirent en lui déconseillant un tel déplacement, soulignant ses risques.

Pour réclamer la libération d'Ingrid Betancourt, de nombreuses voix se sont élevées en Europe, dont celle du président français Jacques Chirac. Ingrid jouit aussi de la nationalité française grâce à son premier mariage avec un diplomate de l'Hexagone, père de ses deux enfants, Mélanie (16 ans) et Lozenzo (13 ans), qui vivent hors de Colombie par sécurité.

Jacques Chirac a demandé à plusieurs présidents latino-américains, notamment au vénézuélien Hugo Chavez, d'intervenir auprès des FARC pour obtenir la libération d'Ingrid Betancourt. Les partis écologistes des cinq continents se sont également mobilisés.

Quant à la famille de l'infortunée, ses appels répétés aux rebelles n'ont pas eu plus d'effets que les démarches officielles. Prétendant échanger leurs otages politiques contre des guérilleros prisonniers, les FARC sont même restés insensibles à la mort du père d'Ingrid, Gabriel Betancourt, décédé à 83 ans dans la tristesse, un mois jour pour jour après l'enlèvement de sa fille. Il passa les dernières 48 heures de sa vie devant le téléphone, espérant un appel d'Ingrid, qui ignore peut-être encore aujourd'hui la mort de son père.

Ancien ministre de l'Education, Gabriel Betancourt fut aussi, à Paris, ambassadeur de Colombie auprès de l'UNESCO, puis sous-directeur de cet organisme culturel des Nations unies. Le français sans accent d'Ingrid et son diplôme de Sciences-Po de l'Institut d'études politiques de Paris datent de cette époque.

Aux législatives colombiennes de 1994, Ingrid Betancourt fut élue à la Chambre des représentants (députés), après une campagne très remarquée de distribution de préservatifs symbolisant, selon Ingrid, "le combat contre le sida de la corruption".

En 1998, elle devenait sénatrice avec 160.000 voix de préférence, soit le plus haut score personnel parmi les candidats aux législatives de cette année-là. Elle claquait rapidement la porte de la Chambre haute, la qualifiant de "nid de rats", et revenait à Paris pour y rédiger son best-seller "La rage au coeur".

Ecrit en français et traduit en espagnol plusieurs mois seulement après sa publication à Paris, ce que les Colombiens ont peu apprécié, le livre "La rage au coeur" a été vendu à 120.000 exemplaires en France. Il a aussi été favorablement remarqué aux Etats-Unis sous le titre "Until Death Do Us Part".

L'ouvrage dénonce la corruption du pouvoir en Colombie et notamment l'emprise de la drogue sur la politique. A ce propos, moins de trois semaines avant son enlèvement par les FARC, Ingrid Betancourt avait rencontré les chefs de cette guérilla marxiste avec lesquels le pouvoir négociait encore et leur avait reproché de financer leur lutte par le trafic de cocaïne, les enlèvements et l'extorsion sous menace.

Les derniers sondages n'octroient que moins de 2% des intentions de vote à Ingrid Betancourt. Sa personnalité semble plus appréciée en Europe qu'en Colombie même, où une partie de la classe politique et des médias attribuent à une soif de notoriété son imprudence qui a débouché sur son enlèvement par la guérilla.

Son mari, le publiciste colombien Juan Carlos Lecompte, et sa mère, Yolanda Pulecio, ont représenté Ingrid dans de nombreuses réunions de la campagne électorale. Il était habituel de voir la photo grandeur nature de la candidate écologiste mêlée, à la table des débats, à d'autres candidats à la présidence.

La mission d'observateurs de l'Organisation des Etats américains (OEA) veillant à la régularité de l'élection du 26 mai a réclamé vendredi "la libération immédiate" d'Ingrid Betancourt. Le coordinateur de cette mission, l'argentin Santiago Murray, souligne que c'est la première fois qu'à sa connaissance une personnalité séquestrée figure officiellement parmi les candidats d'une élection présidentielle.


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