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L'indépendant Alvaro Uribe favori grâce à sa fermeté à l'égard de la guérilla

Colombie: le droit à la vie, enjeu de l'élection présidentielle du 26 mai

Affiche électorale
du favori, Alvaro Uribe
BOGOTA, jeudi 23 mai 2002 (LatinReporters.com) - Le droit à la vie, à ne pas être massacré pour ses idées, séquestré contre rançon ou extorqué et ruiné sous la menace est l'enjeu réel de l'élection présidentielle colombienne du 26 mai. Malgré la violence de la guérilla et de paramilitaires, 24 millions de Colombiens, sur une population totale de 42 millions d'habitants, sont appelés aux urnes afin d'élire pour quatre ans le chef de l'Etat.

Dans l'espoir de mettre fin à plus de 30 ans d'une guerre civile larvée qui a fait quelque 200.000 morts et 2 millions de déplacés, les Colombiens avaient élu en 1998 le conservateur Andres Pastrana, qui proposait de négocier la paix avec la guérilla d'extrême gauche. L'échec dramatique de cette politique pourrait propulser à la présidence dès le premier tour, dimanche, l'indépendant Alvaro Uribe, favori grâce à son discours ferme à l'égard des insurgés. Ses adversaires le disent lié aux paramilitaires.

Dans une Colombie qui compte plus de 60% de pauvres et dont une tranche favorisée de 20 % de la population contrôle 62% du revenu national, le débat porte moins, ces dernières années, sur l'existence d'une rébellion que sur la façon dont elle est menée et combattue. Guérilleros, troupes régulières et paramilitaires sont évalués quotidiennement par une opinion publique nationale et internationale désormais sensibilisée aux droits de l'homme. A cette mondialisation de l'humanitaire s'ajoute, depuis les attentats du 11 septembre 2001 contre les Etats-Unis, la mobilisation planétaire contre le terrorisme.

Ces nouveaux paramètres ont pris à contre-pied les paramilitaires des AUC (Autodéfenses unies de Colombie, extrême droite) et les deux guérillas d'extrême gauche qu'ils combattent, FARC (Forces armées de libération nationale, marxistes) et ELN (Armée de libération nationale, pro-cubaine).

Guérilla et paramilitaires
ont vicié la campagne électorale

Paramilitaires et guérilla ont exercé des pressions sur les citoyens dans quelque 500 des 1098 municipalités de Colombie en vue de l'élection présidentielle du 26 mai a dénoncé l'argentin Santiago Murray, chef de la mission de 50 observateurs de l'OEA (Organisation des Etats américains).

Selon Santiago Murray, en de nombreux endroits la guérilla marxiste des FARC a "conseillé" de ne pas voter pour Alvaro Uribe, sans exiger un vote en faveur d'un autre candidat.

Quant aux paramilitaires des AUC, s'exprimant en faveur d'Alvaro Uribe, ils ont invité les électeurs à ne pas choisir le candidat libéral Horacio Serpa. Alvaro Uribe a condamné à plusieurs reprises ces pressions qu'il affirme ne pas avoir sollicitées.

Des observateurs colombiens notent que si ni paramilitaires ni guérilleros ne peuvent violer le secret du vote, par contre ils risquent d'exercer des représailles collectives contre des municipalités qui auraient plébiscité "le mauvais candidat".

Santiago Murray s'est toutefois déclaré opposé à une suspension de l'élection, car "ce serait faire une concession à l'ennemi commun qu'est le terrorisme".

Par ailleurs, la mission de l'OEA a réclamé la libération de la candidate écologiste Ingrid Betancourt, séquestrée par la guérilla des FARC depuis le 23 février.

Lors de rencontres avec des représentants de l'organisation humanitaire Human Rights Watch, en mai et juin 2000, plusieurs commandants des FARC estimaient n'être pas concernés par les normes du droit humanitaire international, car ils ne les avaient pas approuvées expressément et qu'en outre ces normes, non appropriées selon eux au contexte colombien,  représenteraient "des intérêts élitistes".

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Le massacre par les FARC, le 2 mai dernier à Bojaya (nord de la Colombie) de 119 vieillards, femmes et enfants réfugiés dans une église a symbolisé et consacré la perte de légitimité de cette guérilla aux yeux de la majorité des Colombiens. La justification historique et sociale de son combat est éclipsée par son mépris du droit humanitaire. Sa révolution "par tous les moyens" n'est plus tolérée. N'avoir pas perçu cette évolution des valeurs est une erreur qui risque d'être fatale aux FARC, malgré la sympathie dont la principale guérilla colombienne jouit encore au sein d'une partie de la gauche européenne.

Assumé comme "erreur" par les FARC, le massacre de Bojaya a été qualifié de "crime de guerre" par le représentant en Colombie du Haut commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, "d'acte terroriste" par le pape Jean-Paul II et de "génocide" par le président Andres Pastrana. Ce drame, le plus cruel en 38 ans de conflit intérieur, devrait aussi convaincre l'Union européenne d'ajouter les FARC aux AUC sur sa liste officielle des organisations considérées comme terroristes.

Le statut de "terroriste", qui entraîne le gel des biens et avoirs financiers des personnes et organisations concernées, est attribué depuis longtemps par les Etats-Unis à la fois aux FARC, à l'ELN et à leurs adversaires paramilitaires des AUC, que soutiennent quelques officiers de l'armée régulière Ces trois groupes armés illégaux massacrent des villageois soupçonnés de soutenir le camp adverse, enlèvent des civils contre rançon (3041 enlèvements en 2001), extorquent sous la menace et se battent pour le contrôle de zones de culture de coca et de couloirs d'exportation de la cocaïne, échangée contre des armes.

Parfois enrôlés de force, des enfants âgés de 13 à 17 ans constituent près du quart (7.000 sur 30.000) du nombre global de combattants des FARC, de l'ELN et des AUC.

Les deux guérillas attaquent systématiquement l'infrastructure économique, dynamitant ponts, centraux téléphoniques, pylônes de lignes à haute tension, oléoducs et voies ferrées. On leur attribue également les explosions de voitures piégées qui sèment la mort et la terreur parmi la population des grandes villes.

Participant lundi dernier à Cali à un séminaire sur la Cour pénale internationale, le juge espagnol Baltasar Garzon, illustre persécuteur de l'ex-dictateur chilien Augusto Pinochet, considérait que "tant les FARC que les AUC utilisent des méthodes de terreur ou des mécanismes de destruction massive contre les populations civiles sans défense". "Leurs méthodes sont donc terroristes" concluait-il.

Dans ce contexte, les négociations de paix menées pendant plus de trois ans par le président conservateur Andres Pastrana avec les FARC ne tardèrent pas à devenir très impopulaires. D'autant plus que le président Pastrana avait offert à cette guérilla un territoire démilitarisé de 42.000 km2 -la superficie de la Suisse- rapidement transformé, en violation des accords conclus, en centre d'entraînement de guérilleros, en prison pour militaires, policiers et civils capturés ou séquestrés et en plaque tournante de l'exportation de cocaïne contre l'importation d'armes.

En février dernier, les pourparlers avec les FARC étaient rompus et le territoire démilitarisé reconquis par l'armée. Mais déjà une nouvelle étoile politique avait surgi de ce marasme: Alvaro Uribe, avocat et professeur d'université de 49 ans, qui fut successivement maire de Medellin, sa ville natale, sénateur et gouverneur du département d'Antioquia.

Son discours sans concession à l'égard de la guérilla, sa volonté de rétablir l'autorité de l'Etat sur tout le territoire permettaient à cet indépendant, dissident du parti libéral, de bouleverser le paysage politique colombien aux élections législatives du 10 mars dernier, grâce au succès de ses sympathisants et sans participer lui-même au scrutin. Lors de ces élections, les deux grands partis historiques colombiens, le Libéral et le Conservateur, perdaient pour la première fois leur contrôle du parlement, totalisant, ensemble, moins de la moitié des élus.

Mesurant l'ampleur du séisme politique, le parti Conservateur retirait son candidat à l'élection présidentielle et décidait de soutenir Alvaro Uribe. Celui-ci est crédité par le dernier sondage de 49,3% des intentions de vote, contre 23% à son adversaire le plus direct, le candidat du parti Libéral Horacio Serpa. Ce dernier accuse le favori d'être "le candidat des paramilitaires".

Alvaro Uribe promet néanmoins une "Colombie sans guérilla ni paramilitaires". Il prône la collaboration citoyenne avec l'armée, espérant "qu'un million" de Colombiens aideront la force publique, "essentiellement sur le plan de l'information, sans paramilitarisme". Il envisage de solliciter l'aval des Nations unies à certaines missions de l'armée colombienne contre la guérilla et souhaite une intensification du Plan Colombie, caractérisé jusqu'à présent par une aide militaire américaine contre le narcotrafic. Alvaro Uribe demandera l'extension de cette aide à la lutte contre les rebelles.

Le premier des 100 points du "Manifeste démocratique" d'Alvaro Uribe affirme: "Je rêve d'une Colombie où prédominerait une classe moyenne démocratique, tolérante, solidaire et respectueuse de l'environnement". Le coopératisme est l'un des principaux outils économiques mentionnés dans ce manifeste.

Au cours de sa carrière politique, Alvaro Uribe a survécu à quinze tentatives d'attentats, attribuées essentiellement aux FARC. Cette guérilla assassina son père, un grand propriétaire terrien, le 14 juin 1983. Cette précision lui permet de s'étonner et de regretter que des ONG européennes, à l'écoute des FARC, accusent son père d'être lié à un massacre de paysans commis... trois ans après sa mort.


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