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La Conférence épiscopale face aux législatives du 9 mars
Espagne - élections : l'Eglise contre les socialistes de Zapatero
MADRID, samedi 2 février 2008 (LatinReporters.com) -
Sans citer aucun parti ni personnalité politique, l'Eglise espagnole attaque clairement
le gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero, notamment à propos de
ses négociations avec les Basques de l'ETA. L'offensive de la Conférence
épiscopale est coulée dans une "note" destinée à
orienter le choix des électeurs aux législatives du 9 mars
prochain. L'appui implicite des évêques au Parti populaire (PP,
droite) provoque de multiples réactions.
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"Parler avec l'ETA est maintenant un péché" titrait à la une le 1er février 2008 le
quotidien espagnol de centre gauche Público |
"Une société qui veut être libre et juste ne peut pas
reconnaître explicitement ni implicitement une organisation terroriste
comme représentant politique d'un quelconque secteur de la population
ni ne peut l'avoir comme interlocuteur politique" affirme le document
épiscopal présenté le 30 janvier.
Les longues et vaines négociations dites de paix
de M. Zapatero avec les séparatistes basques de
l'ETA, officiellement
terroristes aux yeux de l'Espagne et de l'Union européenne, sont donc
fustigées moralement comme elles l'ont été par le PP
et le PPE (Parti populaire européen). On en déduit logiquement que
"l'exercice responsable du vote" invoqué par les prélats devrait,
selon eux, se détourner des socialistes de M. Zapatero.
Citant le Pape, les évêques mettent aussi en garde les électeurs
espagnols contre "le danger d'options politiques et législatives
qui contredisent des valeurs fondamentales et des principes anthropologiques
et éthiques enracinés dans la nature de l'être humain,
en particulier en ce qui concerne la défense de la vie humaine dans
toutes ses étapes, de la conception à la mort naturelle, et
la promotion de la famille fondée sur le mariage, en évitant
d'introduire dans l'ordre public d'autres formes d'union qui contribueraient
à la déstabiliser".
Sont ainsi à nouveau condamnés,
sans être cités, l'avortement, légalisé par les
socialistes en 1985 et que M. Zapatero est prié par sa base féministe
de faciliter davantage, l'euthanasie, en attente des résultats d'une
"réflexion" préalable du Parti socialiste ouvrier espagnol
(PSOE, gouvernemental), et le
mariage entre homosexuels avec droit à
l'adoption d'enfants en vigueur depuis 2005.
La conférence épiscopale s'en prend en outre à la nouvelle
matière scolaire appelée "Education à la citoyenneté",
devenue obligatoire au détriment du cours de religion, désormais
facultatif dans l'enseignement public, et aux "risques de manipulation
de la vérité historique" à des fins idéologiques,
allusion limpide à la loi socialiste dite de la
Mémoire historique.
Cette loi est censée réhabiliter les victimes de la dictature franquiste
et effacer ses vestiges architecturaux.
Mariage entre homosexuels, Education à la citoyenneté et loi
de la Mémoire historique étant le fruit de la législature
ouverte par José Luis Rodriguez Zapatero après sa victoire
inattendue aux législatives de mars 2004, les recommandations critiques
des évêques aux électeurs visent nécessairement
et particulièrement le dirigeant socialiste.
Les thèses épiscopales et celles du PP sont proches sur de nombreuses questions.
Dans les sondages, le PSOE de M. Zapatero n'a sur le PP de Mariano Rajoy qu'une avance non
décisive se situant généralement entre deux et quatre points. Les deux partis tournent
chacun autour de 40% des intentions de vote.
Les socialistes redoutent l'abstention. A cet égard, ils espèrent
que l'irruption de l'Eglise dans la campagne électorale contribuera
à mobiliser les électeurs de gauche.
Traduction de l'intégralité de la "note" épiscopale.
(Traduction ci-dessous de LatinReporters. Nous avons conservé les
références chiffrées apparaissant dans le
texte original.
Elles renvoient aux points correspondants des
"Orientations morales face
à la situation actuelle de l'Espagne" diffusées par la Conférence
épiscopale le 23 novembre 2006).
Note de la Commission Permanente de la Conférence Épiscopale
espagnole avant les élections générales de 2008
Madrid, 30 janvier 2008
1. Nous les Espagnols avons été convoqués aux urnes
pour le 9 mars prochain. Comme en d'autres occasions semblables, nous les
Évêques offrons aux Catholiques et à tous ceux qui souhaitent
nous écouter quelques considérations qui stimulent l'exercice
responsable du vote. Nous parlons comme bergers de l'Église qui ont
l'obligation et le droit d'orienter le discernement moral qu'il est nécessaire
d'avoir quand on prend des décisions qui doivent contribuer à
la pleine reconnaissance des droits fondamentaux de tous et à la
promotion du bien commun.
2. Dans un tel but nous pensons que c'est un moment approprié pour
lire et méditer à nouveau l'Instruction Pastorale approuvée
le 23 novembre 2006 par l'Assemblée Plénière de notre
Conférence Épiscopale sous le titre "Orientations morales face
à la situation actuelle de l'Espagne". Nous rappelons quelques idées
fondamentales de cette Instruction, qui doivent être comprises, par
conséquent, en fonction de l'ensemble de ce texte significatif.
3. Nous respectons ceux qui voient les choses d'une autre manière.
Nous demandons seulement liberté et respect pour proposer librement
notre manière de voir les choses, sans que personne ne se sente menacé
ni que notre intervention ne soit interprétée comme une offense
ou comme un danger pour la liberté des autres. Nous souhaitons collaborer
sincèrement à l'enrichissement spirituel de notre société,
à la consolidation de la tolérance authentique et de la coexistence
dans le respect mutuel, la liberté et la justice, comme fondement
indispensable de la véritable paix (n. 81).
4. Bien qu'il soit vrai que les catholiques puissent soutenir différents
partis et y militer, il est aussi certain que tous les programmes ne sont
pas également compatibles avec la foi et les exigences de la vie chrétienne
ni ne sont également proches et proportionnés aux objectifs
et valeurs que les chrétiens doivent promouvoir dans la vie publique
(n. 50).
5. Les catholiques et les citoyens qui veulent agir de manière responsable,
avant de soutenir par leur vote l'une ou l'autre proposition, doivent évaluer
les différentes offres politiques, en tenant compte de la considération
que chaque parti, chaque programme et chaque dirigeant accorde à
la dimension morale de la vie. La qualité et l'exigence morale des
citoyens dans l'exercice de leur vote est le meilleur moyen de maintenir
la vigueur et l'authenticité des institutions démocratiques
(n. 56). On ne doit pas confondre la condition d'aconfessionnalité
ou de laïcité de l'État avec le détachement moral
et l'exemption d'obligations morales objectives. En disant cela nous ne
prétendons pas que ceux qui gouvernent se soumettent aux critères
de la morale catholique. Mais bien qu'ils s'en tiennent au dénominateur
commun de la morale fondée sur la juste raison et sur l'expérience
historique de chaque peuple (n. 55).
6. "Il est nécessaire d'affronter -indique le Pape- avec détermination
et clarté d'intentions le danger d'options politiques et législatives
qui contredisent des valeurs fondamentales et des principes anthropologiques
et éthiques enracinés dans la nature de l'être humain,
en particulier en ce qui concerne la défense de la vie humaine dans
toutes ses étapes, de la conception à la mort naturelle, et
la promotion de la famille fondée sur le mariage, en évitant
d'introduire dans l'ordre public d'autres formes d'union qui contribueraient
à la déstabiliser, ternissant son caractère particulier
et sa fonction sociale irremplaçable" (n. 56). La législation
doit protéger le mariage, en commençant par le reconnaître
dans son être propre et spécifique (n. 41).
7. Il n'est pas juste d'essayer de construire artificiellement une société
sans références religieuses, exclusivement terrestre, sans
culte de Dieu ni aucune aspiration à la vie éternelle (n.
13). A cet égard, il semble que pointent, entre autres, les difficultés
croissantes d'incorporer l'étude libre de la religion catholique
dans les plans d'études de l'école publique, ainsi que le
programme de la nouvelle matière, à caractère obligatoire,
appelée "Éducation à la citoyenneté" (n.18),
qui blesse le droit des parents - et de l'école qui collabore avec
eux - à former leurs enfants en accord avec leurs convictions religieuses
et morales. Il est nécessaire de promouvoir un grand pacte d'État
sur la base de la liberté d'enseignement et l'éducation de
qualité pour tous.
8. Le terrorisme est une pratique intrinsèquement perverse, totalement
incompatible avec une vision morale de la vie juste et raisonnable. Non seulement
il nuit gravement au droit à la vie et à la liberté,
mais il est un signe de l'intolérance la plus dure et du totalitarisme
(n. 65). Une société qui veut être libre et juste ne
peut pas reconnaître explicitement ni implicitement une organisation
terroriste comme représentant politique d'un quelconque secteur de
la population ni ne peut l'avoir comme interlocuteur politique (n. 68).
9. L'Église reconnaît, en principe, la légitimité
des positions nationalistes qui, sans recourir à la violence, par
des méthodes démocratiques, prétendent modifier la configuration
politique de l'unité de l'Espagne (n. 73). En même temps, elle
indique que, dans ce cas aussi, il est nécessaire de protéger
le bien commun d'une société pluricentenaire et -selon les
mots de Jean Paul II aux évêques italiens- "de dépasser
résolument les tendances corporatives et les dangers du séparatisme
par une attitude honnête d'amour du bien de la nation elle-même
et par des comportements de solidarité renouvelée" venant de
tous. Il faut éviter les risques de manipulation de la vérité
historique et de l'opinion publique en faveur de prétentions particularistes
ou de revendications idéologiques (n. 74).
10. En ce moment que vit la société espagnole, quelques situations
concrètes doivent très particulièrement être prises
en considération. Il nous semble que les immigrants ont besoin spécialement
d'attention et d'aide. Et, avec les immigrants, ceux qui n'ont pas de travail,
ceux qui sont seuls, les jeunes qui peuvent tomber dans les réseaux
de la prostitution, les femmes humiliées et menacées par la
violence domestique, les enfants, objets d'exploitations et d'abus, et ceux
qui n'ont ni maison ni famille où se réfugier. Il faut travailler
aussi pour surpasser les distances injustes et les différences entre
les personnes et les communautés autonomes [l'Espagne, décentralisée,
compte 17 régions appelées communautés autonomes; ndlr],
en essayant de résoudre les problèmes les plus pressants,
tels que le travail, le logement accessible ou la jouissance équitable
de la nature, en partageant des présents aussi indispensables pour
la vie que l'eau et en veillant avec soin au patrimoine commun de la création
(n. 80). Sur le plan international, il est nécessaire de prêter
la juste collaboration au développement intégral des peuples.
Que le Seigneur illumine et nous fortifie tous afin que nous agissions
en conscience et conformément aux exigences de la coexistence dans
la justice et la liberté.
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RÉACTIONS
José Luis Rodriguez Zapatero, président
du gouvernement et secrétaire général du Parti socialiste
ouvrier espagnol (PSOE):
"Les évêques ont le droit de solliciter le vote en faveur du
PP [Parti Populaire, droite], mais ils sont tombés dans la tentation
d'utiliser le terrorisme pendant la campagne électorale. Cela, il n'en ont pas le droit... L'essence d'une
liberté profonde et authentique est que nul ne tente d'imposer sa
morale et ses croyances et que toutes soient respectées".
José Blanco, secrétaire à l'Organisation et nº2
du PSOE:
"Il ne manque plus que voir quelques évêques se présenter
[aux élections] sur les listes du Parti Populaire... Quand [José
Maria] Aznar [ex-président du gouvernement et du PP; ndlr] a négocié
avec l'ETA et envoyé un évêque [Mgr Uriarte, en 1998-1999;
ndlr], ce n'était pas un péché. Quand Zapatero le fait,
alors oui c'est un péché".
Comité exécutif du PSOE:
"S'il ne faut pas voter pour les partis qui ont dialogué avec l'ETA,
alors il ne faut voter pour personne" dit un communiqué du comité
exécutif du parti de M. Zapatero. Le communiqué note que tous
les gouvernements de la nouvelle démocratie espagnole ont dialogué
avec les terroristes séparatistes basques, José Maria Aznar
utilisant à cette fin "un évêque comme intermédiaire".
Alfonso Guerra, député du PSOE et ancien vice-président
du gouvernement:
Les évêques "nous mènent à la dénonciation
des accords [de l'Espagne] avec le Saint-Siège".
Gaspar Llamazares, coordinateur de la Gauche Unie (IU, écolo-communiste):
"La manipulation du terrorisme par les évêques est scandaleuse
et pharisaïque... Qu'ils appellent à voter pour la droite qu'incarne
le PP est logique, quoiqu'immoral".
Emilio Olabarria, député du Parti nationaliste basque (PNV):
En tentant "de mobiliser les consciences pour les élections, l'Eglise
rétrograde jusqu'à ses moments les plus noirs".
Négociation politique ou non avec l'ETA?
par Christian Galloy
directeur de LatinReporters
MADRID, 2 février 2008 (LatinReporters) - Rappelant la thèse de son parti et donnant raison aux évêques,
Gabriel Elorriaga, secrétaire à la Communication du PP, affirme
que "le seul gouvernement de la démocratie à avoir négocié
politiquement avec l'ETA est celui de M. Zapatero".
L'expression "négociation politique" se réfère généralement,
dans le dossier de l'ETA, toujours considérée comme terroriste par l'Union européenne, à une négociation dont l'objet irait
au-delà d'une libération de prisonniers et de modalités
d'un éventuel adieu aux armes.
Selon le PP et selon son ex-président José Maria Aznar, l'unique
rencontre, en mai 1999 en Suisse, entre l'ETA et des émissaires de
M. Aznar, alors président du gouvernement, ne visait qu'à examiner
le pourquoi et la possibilité de prolonger une trêve observée
à l'époque par l'ETA. Cette dernière cherchait en fait, par le silence momentané des armes, à souder
un front commun du nationalisme et du séparatisme radical basques.
L'acte de la réunion de mai 1999, dressé par l'ETA et publié
notamment le 7 mars 2006 par le quotidien Gara, proche de l'organisation
terroriste, indique que ses porte-parole soulignèrent l'importance,
à leurs yeux, de la reconnaissance du droit des Basques à l'autodétermination
dans un Pays basque élargi à la Navarre et au Pays basque français.
Les émissaires de M. Aznar répliquèrent que ce dernier
n'avait pas "la capacité législative pour reconnaître
le droit à l'autodétermination de territoires déterminés".
Toujours selon l'acte rédigé par l'ETA, les émissaires
ajoutèrent que le gouvernement espagnol "ne peut pas faire un débat
politique avec une organisation armée".
Quant au processus dit de paix mené en vain
par le gouvernement socialiste de M. Zapatero, les actes dressés par
l'ETA et publiés partiellement dans Gara mentionnent de multiples
rencontres en 2006 et 2007, y compris donc après l'attentat perpétré
par les séparatistes contre l'aéroport de Madrid le 30 décembre 2006, comme le reconnaît
désormais M. Zapatero après l'avoir fait démentir maintes
fois par ses ministres.
Selon l'ETA, les contacts exploratoires avec les socialistes de l'équipe
de M. Zapatero auraient même débuté avant son arrivée
au pouvoir comme vainqueur des législatives de mars 2004. Contrairement
aux émissaires de M. Aznar, ceux de M. Zapatero, auraient, toujours
selon l'ETA, largement débattu, sans arriver à un accord, du
droit à l'autodétermination et d'une territorialité
basque débordant du cadre de l'actuelle région autonome basque.
Il faut souligner que M. Aznar, qui fit certains gestes en faveur d'etarras prisonniers, n'avait pas négocié la trêve
que l'ETA observa unilatéralement de septembre 1998 à novembre 1999 dans
le cadre d'une stratégie visant à unir le nationalisme dit modéré
à l'indépendantisme radical. Par contre, M. Zapatero négocia
avec les terroristes basques le cessez-le-feu qui lui permit d'annoncer en
2006 son "processus de paix" finalement frustré.
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