La droite favorite des élections municipales et régionales
Espagne - "Indignés" en révolte : programme et effet électoral
MADRID, samedi 21 mai 2011 (LatinReporters.com) - Entre
60.000 et 100.000 "indignés" en révolte contre la crise, dont 25.000 à Madrid,
entraient avec ferveur dans l'illégalité dans des dizaines de villes
d'Espagne dès les premières minutes de ce samedi, bravant l'interdiction
de réunion et de manifestation lors de la journée dite de
réflexion précédant les élections municipales
et régionales du dimanche 22 mai. Quelle sera l'influence électorale
de ces contestataires de dizaines de mouvements qui tentent d'élaborer
un programme commun?
Manifestants dans la nuit du 20 au 21 mai 2011 à la Puerta del Sol, place emblématique du
centre de Madrid où les "indignés" ont établi leur campement principal. -
Euronews
Ce programme, débattu sur l'asphalte de l'emblématique Puerta
del Sol madrilène, transformée en campement au lendemain de la manifestation
initiale du 15 mai, est encore en pleine élaboration. Il devrait tracer les axes d'une
réforme globale d'un système politique et économique
dont la faillite se traduit en Espagne par 4,9 millions de chômeurs,
soit 21,29% de la population active. Ce taux grimpe à près
de 45% parmi les jeunes de moins de 25 ans.
Democracia Real Ya ! (Une vraie démocratie,
maintenant !), Spanish Revolution (Révolution espagnole), Juventud
sin Futuro (Jeunesse sans avenir), Toma la Plaza (Prends la place) et les
multiples autres plates-formes revendicatives qui mobilisent jeunes et moins
jeunes via les réseaux sociaux du web semblent déjà
d'accord sur des mesures qui pourraient être intégrées
dans un programme commun des "indignés" :
Proclamation de la Troisième République. La monarchie espagnole
devrait être abolie d'autorité ou pour le moins son sort devrait
être soumis à référendum.
Fermeture immédiate des centrales nucléaires.
Récupération des entreprises publiques privatisées.
Nationalisation des banques secourues par des fonds publics.
Fermeture des fabriques d'armes et refus d'intervention dans tout scénario
de guerre.
Adoption de la taxe Tobin sur les mouvements de capitaux.
Suppression et substitution de la Loi électorale, de la Loi sur les
partis et de la Loi sur les étrangers.
Suppression de revenus viagers d'élus politiques; listes électorales
ouvertes et débarrassées de candidats soupçonnés
de corruption.
Référendum sur chaque loi essentielle débattue au Parlement.
Réforme fiscale favorisant les revenus les plus bas.
Séparation totale de l'Eglise et de l'Etat.
Dépolitisation de la justice.
Salaire minimum de 1.200 euros (près du double du salaire minimum actuel).
Assemblée le 20 mai 2011 à la Puerta del Sol. (Photo Kadellar,
licence de documentation libre GNU)
Quoique les contestataires prônent l'abstention électorale
par mépris de la particratie, nombre de ces mesures, y compris la
restauration de la République, sont proposées depuis longtemps
par les écolos-communistes de la Gauche unie. Ce parti avait recueilli
5,54% des suffrages aux élections municipales de 2007 et 3,8% aux législatives
de 2008. La Gauche unie a soutenu ouvertement les révoltés,
allant jusqu'à déclarer "ce sont les nôtres".
En clôturant vendredi soir à Madrid la campagne électorale
de son Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), le chef du gouvernement,
José Luis Rodriguez Zapatero, a affirmé que les revendications
des manifestants "ne nous font pas peur, elles nous engagent, elles nous
obligent à offrir des réponses sociales".
Des analystes se demandent si cette sympathie soudaine du leader socialiste
pour des revendications habituelles de l'extrême-gauche l'éloignera
davantage de l'électorat centriste, qui est la clef de toute victoire
électorale en Espagne. Les sondages prédisent un triomphe du
Parti populaire (PP, droite) de Mariano Rajoy au scrutin municipal et
régional de dimanche, lui attribuant jusqu'à 44% des voix,
contre 36% aux mêmes élections en 2007. Les mesures extrêmes
proposées par les "indignés" amplifieront-elles ou non ce triomphe?
La durée et la sévérité de la crise économique
en Espagne valent aux manifestants une large sympathie. Mais l'élaboration
d'un programme communisant maintes fois rejeté par les urnes n'est
peut-être pas la solution souhaitée par la majorité
des Espagnols. En outre, la comparaison de l'Espagne, dans les médias
internationaux, avec les dictatures arabes agitées elles aussi par
des mouvements de contestation a suscité à Madrid des commentaires
irrités.
Lundi, lorsque seront soupesés les résultats électoraux,
les analystes devront nécessairement évaluer le poids réel
de 100.000 "indignés" en révolte face aux huit, neuf ou dix
millions de votes d'une droite probablement victorieuse. Si elle survit à
cet examen, la Spanish Revolution sera alors plus qu'un spectacle médiatique.
Manifestants le 17 mai 2011 à Valladolid. (Photo Rastrajo, licence de documentation
libre GNU)