CARACAS, vendredi 19 avril 2013 (LatinReporters.com) - Après quatre jours de tension, le Conseil national électoral
(CNE) a peut-être endigué la crise qui
agite le Venezuela, annonçant jeudi à Caracas l'audit
de toutes les urnes de la présidentielle du 14 avril. Le leader de
l'opposition Henrique Capriles s'est déclaré satisfait, espérant
que l'audit, étalé sur 30 jours, infirmera l'élection
contestée de Nicolas Maduro, dauphin de feu Hugo Chavez, néanmoins
investi à la présidence ce vendredi avec le soutien de l'Unasur.
L'annonce de l'autorité électorale s'est produite à l'heure
où le président élu Nicolas Maduro recevait à
Lima l'appui de ses pairs régionaux lors
d'un sommet extraordinaire des 12 pays de l'Union des nations sud-américaines
(Unasur) dédié à l'analyse de la crise qu'a provoquée
au Venezuela le rejet par l'opposition des résultats très serrés
de l'élection présidentielle.
Le CNE avait crédité le chaviste
Maduro de 50,78% des suffrages, à peine 1,78 point et 272.000 voix
de plus qu'Henrique Capriles (48,97%). Ce dernier a dénoncé
de nombreuses irrégularités présumées et revendiqué
sa propre victoire, invoquant le décompte parallèle de l'opposition
qui lui attribuerait un avantage de 300.000 voix.
La
déclaration finale du sommet extraordinaire
de l'Unasur "adresse ses félicitations
au peuple vénézuélien pour sa participation massive
à l'élection présidentielle du 14 avril dernier, qui
a ratifié sa vocation démocratique, et salue le président
Nicolas Maduro pour les résultats du scrutin et son élection
à la Présidence de la République bolivarienne du Venezuela".
La déclaration appelle en outre au "respect des résultats
officiels" émanant du CNE et à "l'abandon de toute attitude
ou acte de violence", les réclamations de "participants au processus électoral
devant être canalisées et résolues dans le cadre de l'ordre
juridique en vigueur".
L'audit permettra de "démontrer la vérité" croit Henrique Capriles
Le 15 avril, lendemain de l'élection
présidentielle, Henrique Capriles exhortait ses partisans à
manifester dans la rue pour obtenir la vérification de chaque vote,
"un par un", des électeurs vénézuéliens. Ces
manifestations se sont soldées par huit morts, apparemment des partisans
de Nicolas Maduro, une soixantaine de blessés et quelque 170 arrestations.
M. Capriles ne cesse d'appeler M. Maduro "l'illégitime". Le président
menace, lui, son adversaire de poursuites judiciaires et le traite de "fasciste"
aux ordres de Washington, tramant, comme en 2002, un coup d'État contre
le pouvoir chaviste.
"L'équipe de campagne de l'opposition
accepte ce qu'a annoncé le CNE au pays", a déclaré
M. Capriles, assurant lors d'une conférence de presse que la vérification
des urnes allait permettre de "démontrer la vérité".
"Je veux aujourd'hui féliciter notre
peuple, car ce fut une lutte de tous les Vénézuéliens
et des Vénézuéliennes" a-t-il poursuivi, attribuant
ainsi l'audit annoncé par le CNE à la pression, victorieuse à ses yeux,
des manifestations promues par l'opposition.
Reconnaissant qu'une "situation évidemment
particulière" a été prise en compte par le CNE, sa présidente,
Tibisay Lucena, a toutefois précisé
que l'audit "ne doit en aucun cas être interprété comme
un scrutin [...] Il n'implique pas un recomptage des votes, qui ne pourrait
s'obtenir qu'en contestant les résultats [de l'élection présidentielle]
devant le Tribunal suprême".
Concrètement, le CNE, qui avait déjà
audité, comme après chaque élection, 54% des urnes pour
corroborer les résultats du scrutin, va maintenant auditer de manière
exceptionnelle les 46% restants. Les urnes sont en fait les caisses de carton
dans lesquelles les électeurs ont déposé le récépissé
confirmant leur choix émis par les machines de vote électroniques.
Douze mille caisses sont concernées par le nouvel audit, ce qui ne
signifie pas, comme l'a fait comprendre Tibisay Lucena, que tous les récépissés
qu'elles contiennent seront comptés un par un comme le prétendait
initialement Henrique Capriles.
Risque de scénario catastrophe ?
Le président de l'Assemblée nationale,
Diosdado Cabello, a estimé que le nouvel audit confirmerait, comme
le premier, la victoire de Nicolas Maduro. Le gouvernement et divers observateurs
constatent par ailleurs que le CNE a tardé à peine 24 heures
pour donner satisfaction à la demande de vérification introduite
formellement mercredi par l'opposition.
C'est donc avant même de recourir à la voie légale en saisissant le CNE
qu'Henrique Capriles en avait appelé
dès lundi à la rue pour exiger dans une logique d'affrontement
un recomptage des votes. "C'est une réaction viscérale de l'opposition
face à la déception de la défaite, qui peut donner lieu
à l'émergence d'une guerre civile larvée ou à
une violence politique chronique. Ce scénario catastrophe reste envisageable,
car les tensions sont très fortes" a commenté Olivier Compagnon,
maître de conférence à l'Institut des hautes études
de l'Amérique latine (IHEAL, rattaché à l'Université
Paris III), interrogé le 17 avril par Le Monde.
Dans le sillage de l'opposition vénézuélienne,
les États-Unis soutenaient la demande d'un recomptage des votes,
également appuyée par l'Union européenne. Washington
et Bruxelles devront désormais s'en tenir à la satisfaction
exprimée par Henrique Capriles après l'annonce du CNE.
Confirmant la baisse de l'influence nord-américaine dans la région,
quasi toutes les nations latino-américaines ont déjà
reconnu l'élection de Nicolas Maduro. Boycottée par l'opposition,
son investiture solennelle ce vendredi pour un mandat de six ans, en présence de représentants
d'une soixantaine de pays, dont 17 chefs d'État, devait être
suivie d'un défilé militaire. L'armée parade chaque
19 avril, jour de l'Indépendance nationale. De quoi rappeler aussi
aux adversaires du régime que "la révolution est armée",
comme le clamait Hugo Chavez.