MADRID, vendredi 5 novembre 2010 (LatinReporters.com) - Selon la signification
donnée par le Vatican et l'Eglise espagnole à la seconde visite
en Espagne du pape Benoît XVI, c'est en pèlerin que le souverain
pontife arrivera le 6 novembre à Saint-Jacques-de-Compostelle, ville
symbole des racines chrétiennes de l'Europe, puis c'est en défenseur
de la famille qu'il consacrera, le 7 novembre à Barcelone, le temple
de la Sagrada Familia.
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Le pape Benoît XVI et la Sagrada Familia qu'il consacrera le 7 novembre
2010. Affiche éditée par l'archevêché de Barcelone. |
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Handicapé par les scandales d'abus sexuels
au sein de l'Eglise de divers pays, Benoît XVI débarque dans
une Espagne dite progressiste, notamment en matière d'avortement, de
mariage homosexuel et de recherche sur des cellules souches, mais dont le gouvernement
socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero, victime de sa gestion catastrophique de la crise
économique, est aujourd'hui l'un des plus impopulaires en
35 ans de néodémocratie postfranquiste. Tous les sondages permettent
de croire que dans 17 mois, aux prochaines élections législatives,
les conservateurs du Parti Populaire (PP) reviendront au pouvoir. Leur leader,
Mariano Rajoy, envisage la révision de lois socialistes qui ont irrité
la curie romaine.
Selon son porte-parole, le père Federico Lombardi, le Vatican a une
"relation correcte" avec le gouvernement espagnol. "C'est une relation correcte,
dans laquelle le Saint-Siège ne cache pas ses préoccupations
face aux positions diverses concernant des thèmes fondamentaux, comme
la défense de la vie et la famille ou la liberté religieuse",
déclarait jeudi le père Lombardi au journal madrilène
de centre gauche El Pais. Dans cette relation, "il y a aussi de l'harmonie,
sur le travail pour la paix, pour le Moyen-Orient, et une attention partagée
dans d'autres domaines, comme Cuba", ajoutait le porte-parole.
Reconnaissant que "l'éloignement des racines chrétiennes est
négatif", le père Lombardi a estimé que "ces défis
existent en Espagne", mais également "en France, en Europe centrale,
en Italie" et "sous diverses formes dans tout l'Occident"
.
Contestation laïque : "Je ne t'attends pas"
Accueilli à Saint-Jacques-de-Compostelle par le prince héritier
Felipe et la princesse Letizia, puis à Barcelone par le roi Juan Carlos
et la reine Sofia, Benoît XVI ne sera salué par José
Luis Rodriguez Zapatero, président du gouvernement socialiste espagnol,
qu'à l'aéroport de Barcelone avant le voyage de retour à
Rome. Laïque,
M. Zapatero boudera les messes de la visite
du pape. "Nul n'est obligé à participer à une messe.
Les personnalités politiques (...) peuvent considérer plus
cohérent de ne pas le faire s'ils ne s'identifient pas personnellement
à la signification de la messe. C'est un choix parfaitement compréhensible
et respectable" affirmait le père Lombardi dans son interview à
El Pais.
Le quotidien de gauche Publico titrait lundi à la une : "Le
pape arrive dans une Espagne la moins catholique de toute son histoire".
Selon le Saint-Siège, les catholiques représenteraient 92,5%
des Espagnols. Un sondage publié début octobre
à Madrid par le Centre d'investigations sociologiques (CIS) ramène
cette proportion à 73,2%, contre 80% en 2002.
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Affiche hostile à la visite du pape. Editée par des laïques
catalans, elle porte en rouge le slogan "Je ne t'attends pas". |
Des médias espagnols et étrangers ont fait grand cas de l'opposition
de mouvements laïques à la visite du pape. Ils étaient
jeudi soir environ 3.000 dans la capitale de la Catalogne, Barcelone, et quelque
500 à Saint-Jacques-de-Compostelle, capitale de la Galice, à
manifester sous l'affiche antipapale "Je ne t'attends pas". Ce slogan a été apposé
sur des autobus. Des centaines d'homosexuels sont par ailleurs appelés à s'embrasser
sur la bouche le 7 novembre, sous les fenêtres de l'archevêché
de Barcelone qui hébergera le pape. Mais à l'audimat des adhésions,
la palme revient aux volontaires mobilisés pour l'organisation de
la visite de Benoît XVI et surtout aux centaines de milliers de fidèles
attendus dans les deux capitales régionales.
Cathédrale de Santiago et Sagrada Familia : monuments emblématiques
Pour raviver à Saint-Jacques-de-Compostelle ce que l'Eglise appelle
les racines chrétiennes de l'Europe, Benoît XVI sera, selon
ses propres termes, "un pèlerin qui parcourt le monde avec espoir
et simplicité".
Avec sa cathédrale du XIIème siècle, réputée
abriter les restes de l'apôtre Santiago (Saint Jacques), la ville était
considérée au Moyen Age comme le troisième lieu saint
du catholicisme, après Rome et Jérusalem. Les pèlerins
parcourent le chemin de Santiago depuis près d'un millénaire.
L'AFP relève que plus de 99.000 pèlerins ont été
recensés en 1993, une année jubilaire qui a lieu chaque fois
que la Saint-Jacques, le 25 juillet, tombe un dimanche. En 2010, également
année sainte, près de 260.000 personnes de multiples nationalités
ont déjà effectué le pèlerinage depuis janvier.
Le lendemain, à Barcelone, le pape défendra la conception chrétienne
de la famille et soulignera le dialogue entre l'art et la foi en consacrant
la Sagrada Familia (Sainte Famille), temple moderniste inachevé de
l'architecte catalan Antoni Gaudi, mort en 1926. Benoît XVI élèvera
au rang de basilique cet édifice le plus emblématique de la capitale
catalane. Sa construction, financée par l'aumône, se poursuit
depuis plus d'un siècle. La Sagrada Família est devenue en
2004 le monument le plus visité d'Espagne, dépassant l'Alhambra
de Grenade et le musée du Prado à Madrid. En 2008, elle a attiré
plus de 2,7 millions de visiteurs.
"J'irai à Barcelone, où j'aurai la joie de consacrer
le merveilleux temple de la Sagrada Familia, œuvre du génial architecte
Antoni Gaudi" disait le pape en s'adressant à des pèlerins
de langue espagnole, le 3 novembre au Vatican lors de son audience générale.
Très apprécié donc à Rome, Antoni Gaudi devrait
être béatifié à une date encore indéfinie,
au terme d'un processus ouvert en février 2000.
Dans la capitale catalane, Benoît XVI doit aussi bénir la première
pierre d'un nouvel établissement pour enfants souffrant de trisomie
et d'autres handicaps mentaux. Le 2 novembre, un porte-parole de la Conférence
épiscopale espagnole dénonçait "l'élimination"
d'un "grand nombre" de trisomiques par des avortements.
Nationalisme catalan et visite papale
Le pape prononcera quelques phrases en galicien à Saint-Jacques-de-Compostelle
et fera de même en catalan à Barcelone. Publié mardi
au tarif publicitaire par le journal italien Corriere della Sera, un manifeste
signé par 36 politiciens catalans, dont le nationaliste Artur Mas,
favori des élections catalanes du 28 novembre prochain, proclamait
les racines chrétiennes de la Catalogne, priait le pape de s'exprimer
en catalan et rappelait à Benoît XVI qu'il visitera une communauté
"ayant conscience de nation". Le porte-parole du Saint-Siège, le père
Federico Lombardi, a toutefois rappelé que "l'usage de diverses langues
n'a jamais, dans la bouche et l'intention du pape, une signification partisane".
Déjà accueilli en juillet 2006 à Valence lors de la
Vème Rencontre mondiale de la famille, le souverain pontife devrait
revenir en août 2011 en Espagne pour y présider à Madrid
la XXVIème Journée mondiale de la jeunesse. Benoît XVI
aura alors visité trois fois en six ans le royaume de Juan Carlos
Ier. Son prédécesseur Jean-Paul II le fit à cinq reprises.
Compte tenu peut-être de son influence culturelle et économique
en Amérique latine, l'autrefois très sainte Espagne semble
ainsi être la cible d'une tentative soutenue de réévangélisation.