Les socialistes veulent supprimer l'autorisation parentale pour les adolescentes mineures
Espagne : marée humaine contre la libéralisation de l'avortement
MADRID, dimanche 18 octobre 2009 (latinReporters.com) - Marée humaine
à Madrid, le 17 octobre, contre un projet de loi du gouvernement socialiste
de José Luis Rodriguez Zapatero devant libéraliser davantage
l'avortement. La mobilisation visait aussi l'avortement en soi, partiellement
dépénalisé depuis 1985. Les manifestants étaient
2 millions selon le Foro Español de la Familia, principal organisateur
de la protestation, 1.200.000 selon le gouvernement régional conservateur
de Madrid, 250.000 selon la police nationale. Le moindre de ces chiffres
reflète un pouvoir de mobilisation supérieur à celui
de tout parti politique ou syndicat espagnol.
Un tel succès de foule amène à se demander si
l'opposition à l'avortement transcende désormais en Espagne
les étiquettes politiques. "L'avortement n'est pas une affaire idéologique,
mais plutôt de conscience" a déclaré au lendemain de
la manifestation le notable socialiste José Bono, président
du Congrès des députés et ex-ministre de M. Zapatero.
A la fois catholique et socialiste, José Bono espère que les
débats parlementaires sur le projet de loi, dès novembre, déboucheront
sur un consensus. Cela revient à prôner implicitement l'abandon
de la disposition la plus controversée du projet, celle qui permettrait
aux adolescentes mineures d'entre 16 et 18 ans de recourir à l'avortement
sans autorisation parentale. A en croire les sondages, une majorité
d'Espagnols s'y oppose.
Au centre de Madrid, de la Puerta del Sol à la Puerta de Alcala, les
slogans "Non à l'holocauste silencieux", "Zapatero ne me tue pas.
Laisse-moi naître" et "Zapatero démission", ce dernier clamé
en choeur par la multitude à plusieurs reprises, ponctuaient le gigantesque
rassemblement convoqué sur le thème "Chaque vie compte". La
foule était constituée essentiellement de couples avec enfants.
Des groupes de jeunes côtoyaient des religieux et des élus conservateurs
venus, selon eux, manifester "à titre individuel". L'Eglise et le
Parti Populaire (PP, droite démocratique), que la crise économique
a propulsé en tête des intentions de vote, avaient néanmoins
proclamé leur appui à la manifestation.
"Pour m'inscrire à la bibliothèque municipale, on m'a demandé
l'autorisation de mes parents. Mais je n'en aurais pas besoin pour tuer mon
enfant. Quel déséquilibre!" s'exclamait une adolescente interviewée
en direct par TeleMadrid au sein de la multitude. "Cela dépasse toutes
les limites" commentait un manifestant célèbre, le conservateur
et ex-président du gouvernement José Maria Aznar, indigné
lui aussi de la prétention socialiste de lever en matière d'avortement
un veto parental qui peut par contre s'opposer à la publication de
photos d'enfants mineurs. [M. Zapatero utilise ce veto pour "protéger"
des médias ses deux filles, dont l'aînée à 17
ans; ndlr].
Abus d'aujourd'hui et de demain
La ministre socialiste de l'Egalité, Bibiana Aido, taxe d'hyprocrisie
M. Aznar et le Parti Populaire, relevant que pendant leur huit années
de pouvoir (1996 - 2004) plus de 500.000 avortements s'effectuèrent
sous couvert de la loi de 1985, toujours en vigueur.
Cette première loi socialiste autorise actuellement l'avortement jusqu'à
la 12e semaine en cas de viol, jusqu'à la 22e semaine en cas de malformation
du foetus et à tout moment de la grossesse si un médecin certifie
que la santé physique ou mentale de la mère est en péril.
Cette dernière catégorie englobe 90% des quelque 100.000 avortements
pratiqués chaque année en Espagne, reconnaît l'Association
des cliniques d'avortement accréditées. Une complaisance médicale,
idéologique ou financièrement intéressée, semblerait
donc permettre l'usage abusif de la dépénalisation partielle. Qu'en puissent
être victimes des enfants pratiquement sur le point
de naître relèverait, selon certains juristes, de l'"assassinat".
Le nouveau projet libéralise sans restriction l'avortement jusqu'à
la 14e semaine de la gestation (selon la ministre Bibiana Aido, un foetus
de 13 semaines serait "un être vivant, mais non un être humain"),
jusqu'à la 22e semaine en cas "de risque grave pour la vie ou la santé"
de la mère ou aussi de "risque de graves anomalies du foetus". Enfin,
l'avortement serait permis à n'importe quelle étape de la grossesse
"lorsque sont détectées des anomalies foetales incompatibles
avec la vie".
Compte tenu de la complaisance de médecins, plusieurs observateurs
et éditorialistes considèrent que le projet de loi pourrait
déboucher sur une libéralisation de fait de l'avortement jusqu'à
la 22e semaine. L'article 2 du projet augmenterait en effet les risques d'interprétation
abusive en définissant la santé comme "l'état complet
de bien-être physique, mental et social et non seulement l'absence
d'affections ou de maladies".
Près de 3.400 avortements par jour dans l'UE
L'Instituto de Politica Familiar (IPF) relève qu'en 2007, dernière
année pour laquelle les statistiques officielles sont actuellement
disponibles, 1.234.312 avortements, soit près de 3.400 par jour, ont
été recensés dans les 27 pays de l'Union européenne
(UE), dont l'Espagne à raison de 112.138 (chiffre du ministère
espagnol de la Santé).
L'IPF estime a plus de 122.000 le nombre d'avortements pratiqués en
2008 en Espagne, surpassée seulement par le Royaume-Uni, la France
et la Roumanie. Au rythme d'accroissement actuel, ajoute l'IPF, le nombre
annuel d'avortements atteindrait 244.000 en 2015 en Espagne, qui prendrait
alors la tête du classement européen.
En mars dernier, appelant à la participation à une première
manifestation contre le nouveau projet de loi, la Conférence épiscopale
espagnole estimait que "c'est très bien de protéger les animaux
menacés d'extinction, de protéger la diversité de la
biosphère, mais précisément cette sensibilité
majeure à l'égard de la biosphère doit nous faire réfléchir
sur la nécessité de protéger, non moins, mais davantage,
les êtres humains qui vont naître".
Outre leur appui à cet appel à l'humanisation de l'écologie
et leurs revendications en faveur de l'adoption et d'allocations familiales
significatives, les adversaires espagnols de l'avortement soulignent que
ses défenseurs entretiennent un autre paradoxe lorsqu'ils utilisent
l'argument de la faible natalité dans le monde occidental, qu'accentue
précisément l'avortement, pour y prôner une large ouverture
à l'immigration, galopante au sud des Pyrénées.
Depuis la dépénalisation partielle de 1985, plus de 1,5 million
d'avortements ont été pratiqués en Espagne. Soit, commentent
des populistes radicaux, trois fois plus de vie fauchées qu'au cours
de la guerre civile espagnole de 1936-1939.
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"Marée humaine contre l'avortement" titre à la une, le 18 octobre
2009, le quotidien conservateur madrilène ABC sur une photo de l'agence
espagnole EFE. Selon le journal, "plus d'un million de personnes" auraient
manifesté à Madrid. |
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