CARACAS, vendredi 14 décembre 2012 (LatinReporters.com) - Après le plébiscite pour Hugo Chavez, lors de sa quatrième
victoire consécutive à une élection présidentielle,
le 7 octobre avec 55,26% des suffrages, la récidive grave de son cancer
et la désignation de son dauphin ont entrouvert la porte de l'après-Chavez.
Les élections régionales du 16 décembre s'en trouvent
muées en nouveau plébiscite, cette fois sur le chavisme, le
régime du leader bolivarien.
Le chef de file de la gauche radicale latino-américaine est actuellement
en convalescence incertaine à Cuba, après y avoir subi le 11 décembre
une nouvelle opération d'un cancer dans
la zone pelvienne, pour la quatrième fois depuis sa détection
en juin 2011. Avant son hospitalisation, Hugo Chavez avait
pour la première fois désigné un dauphin, intronisant
son vice-président Nicolas Maduro en tant que candidat officiel du
régime en cas d'élections anticipées.
Pour la première fois aussi en 14 ans de pouvoir, Hugo Chavez n'a
pas participé à une campagne électorale. Mais sa personnalité,
via l'incertitude sur son sort et sur sa capacité à assumer,
lors de l'investiture fixée au 10 janvier, le pouvoir pour le sexennat
2013-2019 domine le scrutin régional de ce dimanche et altère
la signification de l'élection des gouverneurs des 23 États
fédérés du Venezuela et de leurs législateurs
régionaux.
Henrique Capriles en ligne de mire
Les candidats du Parti socialiste unifié du Venezuela, le PSUV de Chavez, sont
favoris dans la majorité des États. La véritable victoire
du chavisme serait toutefois de reconquérir, c'est son ambition proclamée,
les sept États gouvernés par l'opposition : Amazonas, Carabobo, Lara, Nueva Esparta, Tachira
et surtout Zulia et Miranda. Ces deux derniers sont respectivement premier et deuxième au classement
des 23 États par importance tant démographique qu'économique.
Le rival du PSUV au poste de gouverneur de l'État de Miranda, poste
qu'il occupait déjà avant de briguer la présidence du
Venezuela, n'est autre que Henrique Capriles, adversaire malheureux de Chavez
et candidat unique de l'opposition à la présidentielle du 7
octobre dernier. Pour lui faire barrage, Hugo Chavez a envoyé sur
le front régional l'un de ses fidèles, l'ex-président
de la République Elias Jaua.
Si, dimanche sous l'étiquette du PSUV chaviste, Elias Jaua surpasse
à son tour Capriles, l'opposition fédérée
au sein de la Table de l'Unité démocratique (MUD) n'aura plus
de candidat crédible connu à opposer au chavisme lors d'une
élection présidentielle anticipée qui devrait avoir
lieu dans les trente jours suivant l'incapacité absolue ou le décès
éventuels de Chavez.
Par contre, si Capriles gagne dans l'État de Miranda, il pourra revendiquer
sa place dans une possible nouvelle course à la présidence,
même si ses 44,13% du 7 octobre, le plus haut score de l'opposition
face à Chavez dans une présidentielle, ont déçu
et ouvert des fissures au sein de la MUD.
Un vote émotionnel favorisera-t-il le PSUV chaviste ?
Au-delà de Capriles, un succès, même relatif, de l'opposition
aux élections régionales, en conservant par exemple les principaux
et la plupart des États qu'elle gère, permettrait à
la MUD d'être toujours considérée par des millions d'électeurs
comme une alternative au chavisme et peut-être plus encore à
un chavisme sans Chavez. Cet espoir sera-t-il contrarié par l'intense
émotion collective qu'engendre la récidive du cancer présidentiel
? En direct à la télévision, le 8 décembre, le
prédicateur du "socialisme du 21e siècle" avait annoncé
lui-même son infortune en baisant un crucifix.
L'analyste politique Farith Fraija estimait alors que la maladie du président "va
repolariser le processus" politique et provoquer "une plus forte mobilisation en cette dernière
semaine de campagne" et, du coup, peut-être limiter l'abstention,
qui s'établit généralement à 35% aux élections
régionales (contre moins de 20% à la dernière présidentielle).
Du côté chaviste, "on va voir
une meilleure mobilisation parce qu'ils sentiront qu'il peut y avoir un
risque quant à la poursuite du projet" socialiste du président,
ajoutait cet analyste.
"Nous sommes tristes, le peuple est triste, mais la tristesse n'annule pas
la capacité du chavisme. Au contraire, dans les moments de grande
tristesse, le chavisme grandit et se fortifie" affirmait pour sa part, le
9 décembre, l'ancien vice-président Elias Jaua, chargé
de tenter de briser dimanche dans l'État de Miranda le destin politique
de Henrique Capriles.
Ce dernier s'est efforcé, dans ses meetings, de convaincre les électeurs
que "la maladie du président Chavez et la gestion des régions
sont deux choses différentes", confirmant ainsi implicitement le risque
pour lui et pour la MUD d'un vote émotionnel en faveur du PSUV chaviste.
Le directeur de l'institut d'enquête Datanalisis, Luis Vicente Leon, n'écarte
cependant pas "une réanimation de l'électorat d'opposition, qui espère
un changement".
Chavisme et péronisme
Balayant les doutes sur le caractère de plébiscite pour le
chavisme que le régime veut conférer aux élections régionales,
Diosdado Cabello, président de l'Assemblée nationale (Parlement
unicaméral) et ex-compagnon putschiste de Chavez, a invité
les électeurs à "rendre plus tranquille la convalescence" du
président en lui offrant "le cadeau" d'une victoire du PSUV dans les
23 États.
Le même Diosdado Cabello a mis les points sur les i en déclarant
publiquement mercredi que l'armée et le peuple garantiront la construction
du socialisme. "Cette révolution n'a pas de marche arrière,
nous allons continuer à avancer" précisait-il. Trois jours
plus tôt, le ministre de la Défense, l'amiral Diego Molero,
assurait Chavez avant son départ pour Cuba de la "fidélité
[de l'armée] à votre personne, à la révolution
et au peuple", ainsi que de l'engagement des militaires "à garantir
avec notre vie la patrie socialiste".
Les médias vénézuéliens ont largement répercuté
ces déclarations. Les électeurs savent donc à quoi s'en
tenir. S'ils plébiscitaient dimanche le chavisme, le régime
y verrait probablement le gage d'un long voyage vers le futur. Des analystes
comparent déjà le chavisme au péronisme, au pouvoir
aujourd'hui en Argentine, 38 ans après la mort du général
Juan Domingo Peron.