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Texte intégral de la lettre de Nicolas Sarkozy à Hugo Chavez
Colombie-Betancourt: Sarkozy prie Chavez d'exercer sa "grande influence"

Le 30 avril 2008 à Caracas, le président vénézuélien Hugo Chavez lit devant Bernard Kouchner, ministre français des Affaires étrangères, la lettre du président français Nicolas Sarkozy demandant à son homologue du Venezuela de tenter de débloquer la libération d'Ingrid Betancourt, otage des FARC.

Photo Juan Carlos Solorzano / Prensa Presidencial

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CARACAS, vendredi 2 mai 2008 (LatinReporters.com) - S'adressant par lettre (texte intégral ci-dessous) à son homologue vénézuélien Hugo Chavez, le président français Nicolas Sarkozy le prie d'exercer "toute votre influence, qui est grande", pour rendre possible la libération de la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt, otage de la guérilla des FARC depuis plus de six ans.

Datée du 27 avril 2008, cette lettre a été remise à Hugo Chavez trois jours plus tard par le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, au terme d'une mission de trois jours en Colombie, en Equateur et au Venezuela. Il y fut reçu par les présidents respectifs de ces trois pays, Alvaro Uribe, Rafael Correa et Hugo Chavez. Sans débloquer apparemment quoique ce soit en faveur des otages des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie; marxistes), le ministre n'a pu que mesurer la température régionale.

Elle n'est pas encore suffisamment refroidie après le raid mené le 1er mars par l'armée colombienne contre un camp des FARC au nord de l'Equateur. Le nº2 de la guérilla, Raul Reyes, avait alors été abattu. Il était, en vue de la libération d'Ingrid Betancourt, séquestrée depuis le 23 février 2002, l'interlocuteur de la France, qui a perdu tout contact direct avec le haut commandement des FARC. L'attaque colombienne avait en outre créé une vive tension entre, d'une part, Bogota et, d'autre part, Quito et Caracas.

Le texte de la brève lettre de Nicolas Sarkozy à Hugo Chavez est inséré dans la seconde partie d'un communiqué diffusé le 1er mai par le gouvernement du Venezuela. Semblant répondre à la sollicitude d'une nouvelle et forte implication de Hugo Chavez dans le dossier des otages, le communiqué indique: "Pour sa part, le président Chavez a reconnu la complexité de la situation en Colombie, qui s'est aggravée depuis la mort du commandant Raul Reyes. Néanmoins, il a confirmé à son homologue français la ferme intention du gouvernement vénézuélien de continuer à travailler conjointement en faveur de la libération de tous les otages civils [des FARC], premier pas vers l'échange humanitaire [de prisonniers] nécessaire à l'impulsion du processus de paix en Colombie".

Un autre communiqué du gouvernement vénézuélien, diffusé quelques heures plus tôt, citait le président Chavez pour affirmer que la libération d'un groupe d'otages des FARC, "incluant possiblement" Ingrid Betancourt, avait été en Equateur l'objet d'une négociation interrompue par la mort de Raul Reyes.

Hugo Chavez a affirmé à plusieurs reprises que ses propres contacts avec la guérilla furent "pulvérisés" par le raid de l'armée colombienne contre le camp du nº2 des FARC. Mais sa "ferme intention" de tenter de contribuer encore à la libération d'otages relativise cette soudaine et prétendue impuissance à l'égard d'une guérilla qui soutient explicitement l'ambition du président vénézuélien de propager en Amérique latine la révolution dite bolivarienne.

En résumé, Hugo Chavez n'a pas répondu non à la sollicitude de Nicolas Sarkozy. Il adresse plutôt au président français un implicite "oui, mais", conditionné par "la complexité de la situation en Colombie". On peut supposer que le président Chavez a conscience que ses propres ambitions géopolitiques épaississent cette complexité.

Lettre de Nicolas Sarkozy à Hugo Chavez
[Traduction du texte original espagnol diffusé par le gouvernement du Venezuela]

Paris, 27 avril 2008.

Monsieur le Président,

Deux mois après son dernier voyage à Caracas, j'ai sollicité le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner de reprendre contact avec vous.

En effet, après les deux premières vagues de libérations, lesquelles n'auraient pas pu se produire sans votre intervention directe, nous sommes entrés dans une période d'attente.

Toutefois, il y a urgence. Les informations que j'ai pu recueillir de la Mission médicale confirment le préoccupant état de santé d'Ingrid Betancourt. Quelle que soit la pathologie dont elle souffre, sa faiblesse générale la rend plus vulnérable.

Dans ce contexte, nous ne pouvons pas vraiment avancer si nous ne savons pas exactement quelle est la position des FARC.

Pour cette raison, en ce moment crucial, Bernard Kouchner vous sollicitera en mon nom d'utiliser toute votre influence, qui est grande, pour trouver les moyens d'une nouvelle initiative, sur la base de laquelle nous pourrons ensuite faire des propositions à la communauté internationale.

Vous remerciant à nouveau de vous être réuni avec Bernard Kouchner, Monsieur le Président, recevez l'expression de ma plus haute considération.

Nicolas Sarkozy.

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LETTRE QUI NE GRANDIT
PAS LA FRANCE


MADRID, 2 mai 2008 (LatinReporters) - Pour des raisons humaines et politiques, la France ne sortira pas grandie de la lettre datée du 27 avril 2008 adressée par le président français Nicolas Sarkozy à son homologue vénézuélien Hugo Chavez.

Sur le plan humain, l'inquiétude du président Sarkozy ne porte explicitement que sur Ingrid Betancourt. Le rajout "et des autres otages", habituel dans les déclarations publiques, est inexistant dans l'original espagnol de la missive. Elle n'était pas nécessairement destinée à la diffusion publique que lui a assurée Caracas. On a peut-être ici la confirmation involontaire d'un découplage immoral, par la France, entre le sort d'Ingrid Betancourt et celui des autres otages des FARC.

Politiquement, la France reconnaît dans la lettre son impuissance malgré des années de mobilisation de ses services diplomatiques et de renseignement sur le dossier Betancourt. L'affront politique est d'autant plus cinglant que le président Sarkozy admet implicitement n'avoir désormais pour seul recours qu'un chef d'Etat, Hugo Chavez, dont la conception personnaliste du pouvoir est pour le moins débattue tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du Venezuela.

Pour l'anecdote, les termes utilisés par Nicolas Sarkozy relèvent du tragi-comique lorsqu'il attribue au président vénézuélien "les deux premières vagues de libérations" [d'otages des FARC]. Concrètement, deux ont été libérés le 10 janvier dernier et 4 autres le 27 février. Au total, 6 sur près de 800 otages. Les "vagues" vues par M. Sarkozy n'étaient certes pas des tsunamis.

En outre, Nicolas Sarkozy qualifie à nouveau de "préoccupant" l'état de santé d'Ingrid Betancourt. Tant le ministre Kouchner que des membres de la famille Betancourt avaient pourtant démenti un diagnostic similaire après l'échec pour refus des FARC, début avril, d'une mission médicale dépêchée à l'initiative de la France en Colombie pour tenter d'accéder à la célèbre otage.

C'est sans doute parce que la lettre du président français flatte son orgueil que Hugo Chavez l'a fait publier malgré ses récentes promesses de discrétion. Le président vénézuélien y trouve un avantage immédiat alors que s'anime la précampagne des élections régionales et municipales de novembre. Les perdre après avoir déjà perdu le référendum constitutionnel du 2 décembre 2007 serait pour le président Chavez le début de la fin.

De nombreux voire une majorité de Vénézuéliens apprécieront peu le soutien épistolaire de la France à leur président sur le déclin. Pour leur part, plus de 80% des Colombiens et leur gouvernement refusent d'avaliser une nouvelle immixtion de Chavez dans le dossier des otages des FARC. La lettre de Nicolas Sarkozy ne grandira donc l'image de la France ni au Venezuela ni en Colombie.
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