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La "parapolitique" met le pays au bord d'une crise institutionnelle
Colombie - paramilitaires : cousin du président Uribe arrêté; ex-sénateur, il présida le Parlement
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Mario Uribe Escobar, cousin du président Uribe RCN-TV, capture d'écran | |
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BOGOTA, mercredi 23 avril 2008 (LatinReporters.com) -
L'ex-sénateur
Mario Uribe Escobar, ancien président du Congrès (Parlement)
et allié politique et cousin de l'actuel président conservateur
colombien Alvaro Uribe Vélez, a été arrêté
le 22 avril à Bogota pour liens présumés avec les paramilitaires,
responsables de nombreux massacres. La tentative frustrée de Mario
Uribe d'obtenir du Costa Rica l'asile politique a amplifié sur le
plan médiatique le scandale de la "parapolitique" qui secoue la Colombie.
Soupçonnés d'avoir recherché dans un passé récent
des avantages politiques ou personnels grâce à une complicité
supposée avec les paramilitaires, 64 sénateurs et députés
du Congrès colombien, soit quasi le quart des parlementaires nationaux,
sont depuis plusieurs mois dans le collimateur de la justice. Parmi eux,
54 appartiennent aux partis de la coalition soutenant le président
Alvaro Uribe et 33 sont en prison, y compris Mario Uribe, que la "parapolitique"
avait conduit à abandonner le Congrès en octobre 2007. La détention
de l'ex-sénateur "me fait mal" a admis le chef de l'Etat.
Pourtant proche du pouvoir, l'influent quotidien El Tiempo coiffe le 23 avril
sa une du titre "Ambiance politique au rouge vif" et ouvre son éditorial
en avertissant que "La cascade d'événements des dernières
48 heures a mis le pays au bord d'une délicate crise politico-institutionnelle".
Au matin du 22 avril, informé de l'imminence de son arrestation, Mario
Uribe, 59 ans, se rendait à l'ambassade du Costa Rica et sollicitait
l'asile politique de ce pays centraméricain connu pour sa générosité
relative en la matière. Tant l'ordre de capturer le cousin du président
que sa fuite vers un refuge diplomatique firent l'effet d'une bombe à
Bogota.
Des victimes et parents de victimes des paramilitaires manifestèrent
devant l'ambassade costaricaine, accrochant aux grilles du bâtiment
des photos de proches assassinés. Le président du Costa Rica,
Oscar Arias, prix Nobel de la Paix 1987, téléphonait à
son homologue colombien. Aux Etats-Unis, José Miguel Vivanco, directeur
pour les Amériques de l'organisation humanitaire Human Rights Watch,
pressait le Costa Rica de ne pas devenir "l'instrument d'une impunité
accrue" en accordant l'asile "à l'un des politiciens les plus puissants
de Colombie" qui se présente "de manière absurde en victime".
Mario Uribe aurait invoqué l'insuffisance de garanties juridiques
en Colombie pour motiver sa demande d'asile. De la part d'un allié
et parent du président colombien, c'est plutôt "atypique" estime
Rodrigo Pardo, directeur de l'hebdomadaire Cambio.
A 19h30, l'ex-sénateur était livré à la police
colombienne. Le ministère des Relations extérieures du Costa
Rica déclarait dans un communiqué "irrecevable" la demande
de Mario Uribe et justifiait son refus de le protéger en affirmant
que "l'institution historique du droit d'asile ne doit pas être dénaturée".
Les autorités costaricaines avaient été contactées
par le parquet colombien. Ce dernier a précisé qu'il enquête
sur les déclarations de paramilitaires desquels Mario Uribe aurait
notamment sollicité un soutien pour les élections législatives
de 2002.
Plus de 30.000 paramilitaires ont déposé les armes, mais...
Le Mouvement national colombien des victimes de crimes d'Etat accuse les
paramilitaires d'avoir "perpétré entre 1982 et 2005 plus de
3.500 massacres et volé plus de six millions d'hectares de terre".
Le Mouvement ajoute que "depuis 2002, après leur démobilisation,
ils ont assassiné 600 personnes chaque année et sont parvenus
à contrôler 35 pour cent du Congrès [Parlement]".
A l'occasion de la manifestation nationale contre les paramilitaires qui
avait mobilisé le 6 mars dernier plusieurs dizaines de milliers de
Colombiens, le Pôle démocratique alternatif (PDA, principal
parti de gauche) prétendait alors rendre hommage "à 4 millions
de déplacés, 15.000 disparus et 3.000 personnes assassinées
et enterrées dans des fosses communes". Le PDA disait honorer aussi
"la mémoire de 1.700 indigènes, 2.550 syndicalistes et près
de 5.000 membres de l'Union Patriotique [expression politique de la guérilla
marxiste des FARC dans les années 1980; ndlr] assassinés au
cours des dernières décennies".
Créés dans les années 1980, les groupes paramilitaires,
dont la plupart se fédérèrent au sein des Autodéfenses
Unies de Colombie (AUC), ont souvent été perçus, notamment
par le président Alvaro Uribe, comme une conséquence de l'incapacité
du pouvoir à combattre efficacement les enlèvements, le racket
et les massacres perpétrés par des guérillas d'extrême
gauche nées vingt ans plus tôt pendant la guerre froide. D'anciens
chefs de l'armée ont été accusés par des organisations
humanitaires de collaboration avec les AUC, inscrites sur les listes internationales
d'organisations terroristes comme les guérillas colombiennes et financées
comme elles par le trafic de cocaïne, l'extorsion et la mise à
rançon d'otages.
Sous la présidence d'Alvaro Uribe, élu en 2002 et réélu
en 2006, plus de 30.000 paramilitaires ont rendu leurs armes. Les AUC sont
en principe dissoutes. Une inflexible politique dite de "sécurité
démocratique", renforcée par l'aide militaire américaine,
fait reculer les guérilleros des FARC (Forces armées révolutionnaires
de Colombie), qui séquestrent notamment Ingrid Betancourt, et de l'ELN
(Armée de libération nationale). Malgré le scandale
de la "parapolitique", les derniers sondages situent à plus de 80%
la popularité du chef de l'Etat.
Le processus judiciaire et de réinsertion ouvert par Alvaro Uribe
pour dissoudre les paramilitaires se base sur une clémence relative.
S'il sont avoués, les pires crimes des paramilitaires ne sont passibles
que d'un maximum de huit ans de prison aux termes de la loi dite de Justice
et Paix. Les critiques nationales et internationales contre cette clémence
et la résurrection partielle de bandes paramilitaires compliquent
et durcissent le sort réservé aux anciens principaux chefs
des AUC, aujourd'hui emprisonnés. Ils estiment que le gouvernement
ne tient pas ses promesses à leur égard et ils transforment
leurs aveux sur leurs anciennes complicités, dont les magistrats devraient en principe contrôler
la véracité, en salves d'obus contre le pouvoir.
Découlant de la démobilisation des AUC exigée courageusement
par le président colombien, le procès démocratique de
la "parapolitique", impensable avant l'élection d'Alvaro Uribe,
menace désormais paradoxalement la stabilité du pays. Il implique
jusqu'à présent 24% des 268 sénateurs et députés
et se rapproche vertigineusement du président Uribe lui-même.
Affrontement entre la présidence et la justice
Cela explique la multiplication de heurts entre le chef de l'Etat et la Cour
suprême de justice. Clôturée provisoirement par l'arrestation bruyante
et internationalisée de l'ex-sénateur Mario Uribe, "la
cascade d'événements des dernières 48 heures" soulignée
par l'éditorialiste du quotidien El Tiempo comprend notamment les
réactions à un projet explosif prêté au chef de
l'Etat. Selon plusieurs médias, celui-ci verrait d'un bon oeil la
création d'un tribunal spécial pour juger les parlementaires,
voire le président lui-même, lesquels échapperaient ainsi
à la juridiction de la Cour suprême.
Cette cour a aussitôt reçu l'appui "sans restriction" du Conseil
supérieur de la magistrature, qui invite le pouvoir à ne pas
modifier les mécanismes de la justice en fonction "des sujets auxquels
ils s'appliquent". "L'inflitration du paramilitarisme, de la guérilla
et d'autres groupes armés en marge de la loi dans divers secteurs
de l'Etat est le problème réel et véritable que
doit combattre et résoudre la société colombienne" précise
un communiqué de ce Conseil supérieur lu aux journalistes par
son président, Hernando Torres Corredor.
Réduire les attributions de la Cour suprême de justice serait
"un coup d'Etat" a clamé l'analyste politique Claudia Lopez sur les
ondes de RCN, l'une des deux principales chaînes colombiennes de radio.
Aujourd'hui dans l'opposition après avoir gouverné la Colombie
à de multiples reprises, le Parti Libéral (centriste, mais
avec une aile gauche) donne raison à Claudia Lopez en soupçonnant
le pouvoir d'envisager "un chemin anticonstitutionnel, le chemin de l'autoritarisme
et de l'éventuelle disparition de l'Etat de droit". Les libéraux
préviennent qu'ils vont analyser la possibilité d'élections
anticipées ou la convocation d'une Assemblée constituante comme
remèdes à la "parapolitique".
Le mandat du président Alvaro Uribe court en principe jusqu'en 2010.
D'ici là, outre acculer davantage la guérilla, il devra réduire
les chocs entre l'exécutif, le législatif et le judiciaire
pour éviter ce que l'éditorialiste d'El Tiempo appelle "une
inquiétante déstabilisation, aux graves effets sur l'économie,
l'image internationale et les investissements étrangers". Et cela
sans parler des dégâts, cette fois au sein de la gauche parlementaire,
que pourraient causer des enquêtes naissantes sur la "Farcpolitique",
soit les liens d'élus avec la guérilla des FARC.
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PRÉSIDENT URIBE IMPLIQUÉ
PAR UN PARAMILITAIRE DANS UN MASSACRE DE 1997
BOGOTA, jeudi 24 avril 2008 (LatinReporters) - Le président colombien
Alvaro Uribe a déclaré mercredi à Radio Caracol qu'un
ancien paramilitaire détenu tente de l'impliquer dans un massacre
de 15 paysans commis en 1997.
"Un bandit, qui est condamné, affirme que je l'ai rencontré
ainsi que Salvatore Mancuso [l'un des principaux chefs paramilitaires avant
leur démobilisation; ndlr] en compagnie de plusieurs généraux
à La Caucana (nord-ouest de la Colombie) pour préparer le massacre
d'Aro", a indiqué le président Uribe.
Selon des organisations de défense des droits humains, lors du massacre
d'El Aro, en 1997, des paramilitaires secondés par des militaires
ont torturé et assassiné dans cette localité 15 paysans
qu'ils accusaient d'aider les guérilleros marxistes des Forces armées
révolutionnaires de Colombie (FARC).
Alvaro Uribe était à l'époque gouverneur du département
d'Antioquia, auquel appartiennent La Caucana et El Aro.
L'homme qui implique le chef de l'Etat dans des déclarations faites
à la justice le 15 février dernier serait, selon Radio Caracol,
Francisco Enrique Villalba, condamné pour deux massacres.
Le président Uribe affirme ne s'être jamais rendu à La
Caucana, qu'un des généraux présenté par son
accusateur comme participant à la préparation du massacre était
alors déjà décédé et que des numéros
de téléphonie mobile cités par le paramilitaire comportent
des préfixes qui n'existaient pas à l'époque.
C'est la première fois que le président Uribe est directement
mis en cause dans une affaire paramilitaire, mais il n'existe pour l'instant
aucune procédure formelle contre le chef de l'Etat devant le Congrès
ou la Cour suprême de justice, les deux seules institutions autorisées,
selon la Constitution colombienne, à engager des poursuites contre
le président.
Des analystes colombiens ont mis en doute ces dernières semaines
la volonté de certains magistrats, soupçonnés de parti
pris antigouvernemental, d'établir la véracité d'accusations
de paramilitaires, qu'ils inciteraient même parfois à déclarer
contre des politiciens impliqués par le parquet dans la "parapolitique"
(liens entre pouvoir et paramilitaires). C'est peut-être pour le démontrer qu'Alvaro Uribe a
révélé qu'un ancien paramilitaire tentait de lui attribuer une responsabilité
dans un massacre sans besoin que Radio Caracol n'interroge au préalable le chef de l'Etat
sur cette affaire concrète.
Le président dément vouloir créer un tribunal spécial
Dans ses déclarations à Radio Caracol, le président
Uribe a démenti être en faveur de la création d'un tribunal
spécial pour juger les parlementaires impliqués dans la "parapolitique"
et réduire ainsi les compétences de la Cour suprême de
justice dont les relations avec le gouvernement sont tendues.
La sympathie présumée pour un tel tribunal spécial que
des quotidiens de Bogota ont attribuée au chef de l'Etat a provoqué
de vives réactions négatives au sein de la magistrature et
de l'opposition parlementaire. (Voir article ci-contre).
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