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Pour la gauche et le Parti Populaire de José Maria Aznar, les élections
municipales et régionales sont les primaires des législatives de 2004

Espagne: premières élections après la guerre en Irak et la marée noire du Prestige

par Christian Galloy

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Dossier Espagne

MADRID, vendredi 23 mai 2003 (LatinReporters.com) - La guerre en Irak, soutenue contre son opinion publique par le président du gouvernement espagnol, le conservateur José Maria Aznar, et la gestion désastreuse de la marée noire du pétrolier Prestige sont soumises pour la première fois au verdict des urnes. Le terrorisme islamiste, le séparatisme basque et la bataille pour la mairie emblématique de Madrid sont également au centre des élections municipales et régionales espagnoles du dimanche 25 mai. Ces dossiers nationaux et internationaux dominent les enjeux locaux, faisant de ces élections les primaires des législatives de 2004.

Que M. Aznar ait décidé de ne pas se représenter en 2004 et que son adversaire socialiste José Luis Rodriguez Zapatero, porté en 2000 au secrétariat général du PSOE (Parti socialiste ouvrier espagnol) participe aujourd'hui à sa première campagne électorale accentuent la valeur de banc d'essai du double scrutin de dimanche. Ses résultats pourront en effet être interprétés comme l'évaluation tant du bilan politique de M. Aznar que de l'espoir de changement incarné par M. Zapatero.

"Le temps est venu de dire non dans les urnes comme nous avons dit non dans la rue" clame un spot électoral télévisé des communistes d'Izquierda Unida (Gauche unie). Ce spot est entièrement dédié non seulement au "No a la guerra" qui avait mobilisé, en février et mars, des millions de manifestants espagnols contre la guerre en Irak, mais aussi au "Nunca mais" ("Plus jamais"), le cri de révolte des Galiciens contre les marée noires à répétition du pétrolier Prestige, naufragé le 19 novembre et dont l'épave, par 3.800 mètres de fond, crache toujours du fioul.

Coordinateur général d'Izquierda Unida, le député Gaspar Llamazares avait ouvert la campagne communiste frappé d'une spectaculaire foi religieuse contre la guerre, réclamant la médaille d'Isabelle la catholique pour le pape Jean-Paul II (notoirement hostile à la guerre en Irak), comparant Jésus-Christ aux jeunes opposés au bellicisme pro-américain de M. Aznar et qualifiant ce dernier de Judas pour avoir, selon M. Llamazares, vendu les Nations unies pour une poignée de dollars.

Le même jour, devant 25.000 militants qui emplissaient les arènes de Valence, le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero saisissait aussi la guerre déjà conclue en Irak pour se projeter d'emblée à l'horizon des législatives de 2004. "En triomphant en 2004, nous récupérerons notre dignité aux yeux du monde" déclarait-il, dédiant cette lointaine victoire, que faciliterait une poussée socialiste ce dimanche, "à tous ceux qui se sont opposés à la guerre au nom de principes et de valeurs".

Les spots télévisés socialistes incluent aussi les slogans "No a la guerra" et "Nunca mais", mais mêlés aux traditionnelles promesses électorales dédiées aux jeunes, aux femmes, aux retraités, etc. M. Zapatero prévient par ailleurs qu'une victoire électorale du Parti populaire (PP) de José Maria Aznar permettrait à ce dernier de prétendre que le pays approuve globalement sa politique, y compris son alignement guerrier sur Washington. En pleine guerre d'Irak, des sondages avaient pointé jusqu'à 92% d'Espagnols opposés à ce conflit.

Comme lors de chaque élection, dimanche, les messages partisans seront interdits dans les bureaux de vote et à proximité de ceux-ci. Trois jours avant le vote, jeudi, aucune autorité n'avait pu encore décider s'il fallait interdire les "No a la guerra" et les "Nunca mais" affichés depuis longtemps dans de nombreuses écoles où on installe les urnes. Des militants socialistes et communistes affirment qu'il porteront ces slogans sur leur tee-shirt en allant voter.

Utilisation partisane du terrorisme islamiste

Les attentats islamistes perpétrés le 16 mai à Casablanca, avec un bilan de 41 morts (34 Marocains y compris 10 assaillants kamikazes, 3 Espagnols, 3 Français et un Italien), ont immédiatement été utilisés comme mitraille électorale par les communistes et les socialistes. Plus de vingt morts ayant été dénombrés dans La Casa de España de Casablanca, MM. Zapatero et Llamazares n'ont pas hésité à accuser José Maria Aznar d'être responsable de cette tuerie, puisqu'il aurait fait de l'Espagne une cible du terroriste islamiste en appuyant la guerre contre l'Irak.

Le gouvernement a qualifié "d'indigne" cette nécrophagie électoraliste de l'opposition. M. Aznar y voit une justification du terrorisme pouvant avoir des conséquences "létales". Même l'influent quotidien El Pais, pourtant ouvertement favorable aux socialistes, a qualifié la manoeuvre socialo-communiste de "simplisme injustifiable", soulignant que les attentats de Casablanca avaient pour fil conducteur la haine antioccidentale et antisémite, ainsi que la déstabilisation d'un pays allié des Etats-Unis, en l'occurrence le Maroc.

Dimanche, les 8.111 conseils municipaux d'Espagne seront renouvelés, ainsi que 13 des 17 parlements régionaux. La Catalogne, la Galice, l'Andalousie et le Pays basque sont maîtres du calendrier de leurs élections parlementaires, qui n'auront pas lieu ce 25 mai.

Parmi les 34,5 millions d'électeurs appelés aux urnes, plus d'un million et demi de jeunes (1.589.377) voteront pour la première fois et leur idéalisme blessé par la guerre et la marée noire devrait, en principe, favoriser la gauche. Depuis 1996, le PP de M. Aznar est le parti dominant au niveau national et dans le plus grand nombre de régions et de municipalités.

De manière surprenante, les derniers sondages indiquent qu'il resterait le parti recueillant le plus de suffrages dans la plupart des villes et des régions qu'il gouverne déjà. Seules des coalitions, principalement entre socialistes et communistes, réussiraient parfois à le rejeter dans l'opposition. La Galice, très éprouvée par la gestion catastrophique de la marée noire du Prestige, pourrait aussi connaître une poussée nationaliste dans ses principales villes.

"Celui qui croyait qu'un bateau (le Prestige) ou Saddam (Hussein) allaient gagner les élections se trompait" fanfaronne Javier Arenas, secrétaire général du PP et ministre des Administrations publiques.

Le message électoral du PP et de José Maria Aznar est la responsabilité gouvernementale face "aux cris et aux pancartes" de l'opposition, l'unité nationale face à la "coalition socialo-communiste" tentée par un fédéralisme allant au-delà des autonomies régionales, l'orthodoxie et le succès économiques (le "miracle espagnol" est une réalité qui étonne l'Europe) face à l'irresponsabilité budgétaire supposée de la gauche.

L'une des promesses les plus remarquées du PP est la suppression, dans les régions où il gouvernera, de l'impôt de succession entre parents et enfants, ainsi qu'entre conjoints. Le "No a la guerra" résistera-t-il à une offre aussi concrète?

Aznar contre le nationalisme et le séparatisme basques

Autre atout majeur de José Maria Aznar : sa nouvelle loi sur les partis a permis au Tribunal suprême de prononcer l'interdiction définitive de Batasuna -façade politique des commandos séparatistes de l'ETA- et de tout parti qui n'en serait que la reconstitution sous un autre nom. Aussi, pour la première fois depuis le retour de l'Espagne à la démocratie, les partisans de l'ETA (déclarée terroriste par l'Union européenne et par les Etats-Unis) n'auront aucun élu aux municipales. Ils tenteront de se compter en déposant dans les urnes des bulletins illégaux.

Ce succès apprécié par la majorité des Espagnols a crispé les nationalistes dits modérés du vieux Parti nationaliste basque (PNV) qui contrôlent le gouvernement de la région. Ils promettent d'organiser avant 2005 un référendum pourtant anticonstitutionnel sur l'autodétermination du Pays basque.

M. Aznar défie la suprématie du PNV en se présentant symboliquement au bas de la liste du PP aux élections municipales de Bilbao, la métropole basque. Cette initiative spectaculaire du président du gouvernement, qui a échappé par miracle à un attentat de l'ETA en 1995, est considérée dans le reste de l'Espagne comme courageuse, compte tenu des menaces de l'ETA contre les "espagnolistes".

Et à Madrid, c'est Ana Botella, épouse de José Maria Aznar, qui enrichit à la 3e place la liste municipale du PP, conduite par le président sortant de la Communauté autonome de Madrid (la ville plus sa province), Alberto Ruiz-Gallardon. (Le successeur de José Maria Aznar aux législatives de 2004? se demande l'ensemble de la classe politique).

La capitale est gérée depuis 14 ans par le PP. La bataille de Madrid est emblématique. D'ordinaire, le parti qui la gagne remporte aussi les élections législatives suivantes. Jeudi, une centaine d'intellectuels et d'artistes de gauche ont trahi leur inquiétude en priant, sans succès, le candidat écologiste à la mairie de Madrid de se désister afin d'augmenter les chances de la socialiste Trinidad Jimenez, ouverte à une alliance avec les communistes.

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