Espagne - Corridas sans mise à mort de taureaux? Une ministre fait scandale
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Mise à mort aux arènes de Las Ventas (Madrid) © Manuel Gonzalez Olaechea y Franco |
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Par Christian Galloy
MADRID, jeudi 21 décembre 2006 (LatinReporters.com)
- La corrida sans taureaux? Une boutade. Et la corrida sans mise à
mort, comme au Portugal? Ah! On peut y penser. L'Espagne ferait meilleure
figure dans une Europe hostile à notre Fiesta trop sanglante. "Ce
sera peut-être pour la prochaine législature"... Mais cette
perspective de la ministre de l'Environnement fait scandale.
Pour avoir rêvé ainsi à voix haute devant un journaliste
du quotidien madrilène El Mundo, qui s'en délecte, la ministre socialiste Cristina Narbona
joue son avenir politique. Sa commisération pour les bêtes musclées
à cornes soulève le tollé tant de la droite que de la gauche
espagnoles, si rarement réunies.
"La corrida sans mise à mort n'entre pas dans les plans du gouvernement"
a répliqué au micro de la Radio nationale un autre ministre
socialiste, Alfredo Perez Rubalcaba, titulaire de
l'Intérieur. Les corridas relèvent de son ministère.
"La réflexion faite à titre personnel par la ministre Narbona
[sur la suppression de la mise à mort] n'est pas dans notre programme
actuel et je ferai en sorte qu'elle n'apparaisse pas dans notre programme
pour la prochaine législature" surenchérit devant les caméras
de télévision le secrétaire à l'Organisation
du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), José Blanco. Il est numéro
deux de ce PSOE dont le secrétaire général n'est autre
que le président du gouvernement, José Luis Rodriguez Zapatero.
"On ne va tout de même pas introduire dans notre culture les préjugés
anglo-saxons" argumente pour sa part le leader néocommuniste Gaspar
Llamazares, qui ne partage pas l'amour des animaux de son adversaire impérialiste
George W. Bush.
Le chef de l'opposition conservatrice, Mariano Rajoy, invite la ministre
de l'Environnement à se préoccuper plutôt de l'eau, qui
devient rare dans une Espagne en sécheresse chronique.
Quant aux toreros, tel Miguel Abellan, et aux organisateurs de spectacles
taurins, dont Enrique Garcia, ils accusent la ministre Narbona de s'attaquer
à "ses propres culture, traditions et économie". Ils la soupçonnent
de vouloir en finir avec la Fiesta, qui fait vivre 200.000 Espagnols au rythme
annuel de quelque 2.000 corridas et 12.000 taureaux occis à l'épée.
"Aussi incroyable cela puisse-t-il paraître à nos associés
de l'Union européenne, la mort est l'essence de la Fiesta et prohiber
l'estocade signifierait la disparition des corridas de taureaux en Espagne"
prévient l'éditorialiste d'El Mundo.
Et sur Tele-Madrid, envolée surréaliste de l'écrivain
Fernando Sanchez Drago: "Dans les arènes dont le cercle symbolise
l'univers, le sang du taureau absorbé par le sable signifie la régénération
de la terre"...
Les indépendantistes républicains catalans, hostiles aux symboles
"espagnolistes", et les rares écolos que compte l'Espagne sont les
seuls à applaudir d'emblée Cristina Narbona.
Paradoxe: en août 2004, l'Association espagnole de protection des
animaux réclamait la démission de la même ministre Narbona
pour apparaître dans la revue Vogue étalée et souriante
sur une fourrure de renard argenté.
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