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MISSILES CONTRE JOSÉ MARIA AZNAR
Espagne - L'ETA menace: "stratégie politico-armée efficace" avant l'été
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Les deux membres de l'ETA, surnommés Gaueko et Argi, dont l'interview
est publiée le 25 mai 2009 par le quotidien basque Gara - (Photo Gara) |
MADRID, lundi 25 mai 2009 (LatinReporters.com) - Prochaine
campagne de violence des indépendantistes basques de l'ETA? Ils ne
l'affirment pas explicitement, mais ils annoncent l'adoption avant l'été
d'une nouvelle "stratégie politico-armée efficace". Le mot
"efficace" est à la fois une menace pour l'avenir et l'aveu de leur
faiblesse actuelle. Dans ce contexte, les terroristes affirment avoir tenté
à trois reprises d'abattre avec des missiles antiaériens le
conservateur José Maria Aznar lorsque ce dernier gouvernait l'Espagne
(de 1996 à 2004).
"La réflexion politique de l'ETA est continue et, en tant qu'organisation
armée, être efficace et avoir une stratégie effective
devient un axe et une préoccupation de notre réflexion. A cet
égard, nous allons clore avant l'été un processus de
réflexion et de réunions dont la finalité est de fixer
une stratégie politico-armée efficace" déclare l'ETA
au quotidien basque Gara daté du 25 mai.
Considéré comme proche des indépendantistes, dont il
diffuse régulièrement les communiqués, le journal Gara
publie en basque et en espagnol l'interview fleuve
(18 pages A4)
de deux membres de l'ETA. Surnommés Gaueko et Argi, ils
apparaissent encagoulés sur les photos qui accompagnent l'interview.
"Au cours des derniers mois, l'ETA n'a pas fait preuve d'une force suffisante
pour faire mal à l'ennemi" estiment les deux etarras, reconnaissant
ainsi implicitement que les actions coordonnées des polices espagnole
et française ont réduit la capacité opérationnelle
de l'organisation séparatiste.
Mais les deux porte-parole de l'ETA avertissent Madrid que "vendre
déjà la peau de l'ours" serait prématuré, car
"le problème [basque] et sa gravité se situeront à nouveau
au centre de l'agenda politique. Et plus tôt que nous le croyons, nous
entendrons [les dirigeants espagnols] parler une fois de plus de dialogue
et de paix".
Les indépendantistes interviewés estiment que "la négociation
est une phase de lutte qui culmine une phase antérieure". Ils précisent
que "les armes de l'ETA se tairont lorsque tous les projets politiques, y
compris l'indépendance, pourront être matérialisés".
France et missiles
A la question de savoir si l'ETA dispose encore actuellement de missiles
destinés à des attentats contre de hauts responsables espagnols,
éventualité qualifiée récemment de seulement
"théorique" par Alfredo Perez Rubalcaba, ministre espagnol de l'Intérieur,
l'etarra surnommé Argi répond: "L'ETA n'a pas coutume de fournir
des informations publiques sur ses plans d'actions. Dans ce cas, nul besoin
de déclarations de l'ETA pour démentir le ministre [espagnol]
de l'Intérieur. Il suffit de se référer à ce
qu'ont affirmé les experts de l'armée française: les
missiles antiaériens saisis à l'ETA [des
Sam-7, en 2004 en
France; ndlr] ont été activés lors de trois tentatives
d'attentat contre José Maria Aznar, lorsqu'il était président
[du gouvernement] de l'Etat espagnol. Malheureusement, ces actions n'ont
pas atteint leur objectif".
En parlant du Pays basque, les deux etarras se réfèrent systématiquement
à l'Euskal Herria, territoire qui englobe à la fois le Pays
basque espagnol, la Navarre et le Pays basque français. Ils estiment
"évidentes les conséquences de la colonisation touristique
qu'ont subies au cours du dernier siècle les territoires basques sous
domination française. Si un changement profond ne survient pas, si
on ne crée pas une structure d'organisation et de développement
populaire, il est difficile d'imaginer ce que seront au 22e siècle
le Labourd, la Basse-Navarre et la Soule [les trois provinces basques
françaises; ndlr]. Il n'y aura ni langue basque ni industrie ni agriculteurs.
Ces territoires soumis se convertiront en lieux de loisir pour Anglais, Parisiens
et Bordelais".
Les déclarations des deux porte-parole de l'ETA sont publiées
deux semaines après l'entrée en fonction à la tête
du gouvernement basque de
Patxi Lopez,
chef régional du Parti socialiste. L'ETA a menacé récemment ce nouveau
gouvernement basque, le qualifiant "d'objectif prioritaire". Premier non-nationaliste à occuper
la présidence de l'exécutif local après trois décennies
de pouvoir du Parti nationaliste basque (PNV), Patxi Lopez ne peut gouverner
que grâce à un pacte parlementaire inédit avec le Parti
Populaire (PP, droite). Ce pacte repose notamment sur le rejet de toute nouvelle
négociation avec l'ETA. La dernière, menée par l'actuel président du
gouvernement espagnol, le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero, avait échoué
en 2007.
Les etarras interviewés soutiennent que l'"alliance fasciste espagnole" désormais au
pouvoir au pays basque découle de l'interdiction, aux élections régionales du 1er
mars dernier, des partis indépendantistes liés à l'ETA. Ils
ne font aucun commentaire sur la décision inattendue du Tribunal Constitutionnel,
à laquelle la réalisation de l'interview de Gara était
sans doute antérieure, de permettre la participation aux élections
européennes du 7 juin prochain de l'Initiative Internationaliste
- Solidarité entre les Peuples (II-SP). Considérée par la majorité des
éditorialistes comme proche de l'ETA, cette nouvelle formation politique pourrait
permettre de mesurer l'audience réelle actuelle des indépendantistes
radicaux.
Issue en 1959 d'une dissidence d'inspiration marxiste-léniniste de
l'historique Parti nationaliste basque, l'ETA perpétrait son premier attentat en 1968.
Etiquetée de terroriste par l'Union européenne, elle laisse dans son sillage 825 morts, des milliers de blessés et
des milliards d'euros de
pertes
matérielles et financières. (L'abandon en 1981,
après plusieurs attentats à l'explosif, de la centrale nucléaire alors semi-contruite
à Lemoniz laisse à lui seul un coût cumulé de plus de cinq milliards
d'euros).
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