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CONSÉQUENCE DE SON ENQUÊTE SUR LES CRIMES DU FRANQUISME
Espagne : instruction contre le juge vedette Baltasar Garzon pour "délit présumé de prévarication"

Archive - Le juge Baltasar Garzon visitant le 1er août 2005 à Buenos Aires l'Ecole de Mécanique de la Marine (ESMA), l'un des plus importants centres de détention, de torture et d'extermination sous la dictature militaire argentine (1976-1983) - Photo Presidencia de la Nación Argentina.

MADRID, jeudi 28 mai 2009 (LatinReporters.com) - Une plainte contre le célèbre juge espagnol Baltasar Garzon, pour "délit présumé de prévarication" dans son procès avorté des crimes du franquisme, a été admise à Madrid à l'unanimité des 5 juges d'une salle du Tribunal suprême. Ils ont désigné un juge d'instruction dont l'enquête débouchera soit sur un non-lieu soit sur l'inculpation et la suspension du juge Garzon, figure de proue de la compétence universelle de la justice espagnole.

Daté du 26 mai et diffusé le 27, l'arrêt du Tribunal suprême est la conséquence de la plainte déposée le 26 janvier par le syndicat de fonctionnaires Manos Limpias (Mains Propres). La "prévarication dans l'exercice de ses fonctions", à savoir la prise de décisions sciemment injustes, est imputée par ce syndicat ultraconservateur au juge Garzon dans le cadre de son instruction, menée en octobre et novembre 2008, sur les disparus républicains de la guerre civile (1936-1939) et de la dictature franquiste (1939-1975).

Cette instruction fut la première à attribuer une "responsabilité pénale", pour "crimes contre l'humanité" imprescriptibles, au général Franco et à ses principaux officiers et ministres. Baltasar Garzon les accusa de 114.266 disparitions forcées et du vol de milliers d'enfants de mères républicaines. Si une sentence avait sanctionné ces crimes, l'Etat espagnol aurait probablement été soumis à de fortes contraintes visant à dédommager réellement, mais non symboliquement comme aujourd'hui, les victimes de la dictature ou leurs descendants et à assumer entièrement la recherche et l'ouverture de fosses communes de républicains exécutés par les franquistes.

Le désaveu du ministère public et des magistrats de sa juridiction, l'Audience nationale, ainsi que la neutralité gênée du gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero, menèrent le juge Garzon à abandonner ce dossier le 18 novembre 2008, malgré l'appui du Comité des droits de l'homme des Nations unies.

Dans sa plainte, le syndicat Manos Limpias accuse Baltasar Garzon d'avoir agi contre ou en marge de la loi de manière "préméditée, consciente et en se croyant intouchable". Exerçant l'action populaire consacrée par la Constitution, le syndicat de fonctionnaires reproche au célèbre juge de s'être arrogé une compétence indue, ainsi que d'avoir monté un "artifice juridique", sans tenir compte de la loi d'amnistie et du principe de non rétroactivité des lois dans son instruction des crimes du franquisme.

Lors de cette instruction, Baltasar Garzon avait déjà été critiqué, notamment par le ministère public, pour prétendre abolir à lui seul l'amnistie des crimes et délits politiques votée à Madrid en 1977, deux ans après la mort de Franco, par un Parlement démocratique. Le cas échéant, estiment plusieurs analystes, c'est au même Parlement qu'il reviendrait d'abroger, comme l'ont fait par exemple en 2003 les députés et sénateurs argentins, l'amnistie de crimes de la dictature.

S'il se limite pour l'heure à admettre la plainte de Manos Limpias et à ordonner une instruction qui sera suivie d'un non-lieu ou d'une inculpation, le Tribunal suprême note tout de même que Baltasar Garzon n'avait pas éclairci le problème de sa propre compétence avant de lancer son enquête sur les crimes du franquisme. Le Tribunal suprême relève en outre qu'il est "absolument impossible", aux yeux de la loi, d'ouvrir une action pénale contre des personnes décédées. Or, c'est ce que fit le juge Garzon contre Franco et ses ministres des premières années de la dictature, réclamant un certificat officiel de leur décès pour émettre un doute artificiel, le temps d'accuser réception de ce certificat, sur la réalité de leur mort connue de tous.

Très applaudi à l'étranger pour avoir incarné contre le général Pinochet et d'autres dictateurs ou tortionnaires latino-américains la compétence universelle que s'attribue la justice espagnole (compétence que Madrid réduira bientôt considérablement), le juge Garzon, qui ouvre actuellement le dossier des tortures à la base américaine de Guantanamo, est loin de faire l'unanimité en Espagne.

On lui reproche souvent son penchant idéologique marqué pour la gauche, impropre de l'impartialité attendue d'un juge, les cachets faramineux qu'il perçoit pour ses conférences et un goût apparent pour le vedettariat et les déplacements lointains qui ouvrent de multiples parenthèses dans les instructions qu'il mène. Les plus hostiles à Baltasar Garzon sont logiquement le Parti Populaire (PP, droite), victime aujourd'hui d'un dossier de corruption ouvert précisément par le juge Garzon, et les 40 à 45% d'Espagnols qui, selon les sondages, assureraient malgré tout la victoire du PP aux élections européennes du 7 juin.

L'accusation la plus dure contre l'illustre magistrat est peut-être celle que ne cesse de lui lancer l'influent quotidien de centre droit El Mundo: n'avoir pas fait traduire, à cause de la dispersion de ses activités de justicier vedette, les enregistrements des conversations téléphoniques de suspects maghrébins mis sur écoute par la police avant de perpétrer eux-mêmes les attentats islamistes de Madrid du 11 mars 2004 (191 morts et 1.856 blessés).


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