"Petitesse" de la France vue d'Espagne un 14 juillet
MADRID, mercredi 14 juillet 2010 (LatinReporters.com) -
Dans la France de Nicolas Sarkozy, "la splendeur cohabite avec les
latrines"... Le cinéaste, acteur, écrivain et journaliste espagnol
David Trueba croit que la grandeur est "dans une dérive surprenante".
A l'occasion de la fête nationale, il le dit le 14 juillet dans l'influent
quotidien madrilène El Pais (centre gauche), signant un article intitulé,
en français, La petitesse. Traduction intégrale:
DAVID TRUEBA
La 'petitesse'
Les Français célèbrent aujourd'hui leur fête nationale
dans un climat raréfié. Eux, toujours d'actualité par
les prolongements de leur grandeur dans les domaines artistiques ou politiques,
ont entamé une dérive surprenante. Chaque jour éclate
une nouvelle qui les rapproche plus de la petitesse des commérages
et des brouilles que des anciennes splendeurs. Sarkozy a pressé au
maximum ses bonnes connexions avec les médias, se laissant aveugler
par la tentation de l'hypercommunication, sans comprendre que celle-ci, finalement,
oblige à la superficialité des messages. Dans la sphère
exposée au grand jour, la splendeur cohabite avec les latrines. Les
excès pour s'approprier des projecteurs frôlent parfois le grotesque,
comme le retour à la maison de la sélection française
et ce théâtre de guignol où ministres et hauts responsables
ont assis sur le banc des accusés des footballeurs, des entraîneurs
et des membres de la fédération dans le seul but de se dissocier
publiquement de l'échec [au Mondial d'Afrique du Sud; ndlr] avec
la même fraîcheur par laquelle ils se seraient associés
au triomphe. Des scandales comme celui de Madame L'Oréal (parce qu'elle
le vaut bien), de Jérôme Kerviel ou de ministres qui se succèdent
ont dérivé en un changement de paradigme de l'image extérieure.
Aujourd'hui, la France ne fabrique plus de mythes avec le même retentissement
qu'au siècle dernier. On recycle et on maintient des monuments nationaux
auxquels sont dédiés des portraits nostalgiques. Edith Piaf,
Coco Chanel, Coluche ont eu leur film, comme maintenant Serge Gainsbourg,
interprété avec une proximité magique par Eric Elmosnino.
Un film de vignettes biographiques pleines de frôlements épidermiques
avec la Bardot, la Gréco ou la Birkin, où un survivant exprime
ses limitations au point d'en faire un jus unique. Le réalisateur,
Joann Sfar, dans son merveilleux roman graphique La java bleue, autour du
peintre Jules Pascin, pointait déjà une lecture particulière
sur la création, comme un acte physique plus qu'intellectuel. Réécrivant
la phrase de Picasso, il applique à ses personnages une maxime: que
l'inspiration te surprenne en train de baiser. Ce même mélange
sans mesure de talent associé à l'imposture et à la
scatologie semble s'être emparé de la partie sérieuse
de la France actuelle.
Source : El Pais
http://www.elpais.com/articulo/Pantallas/petitesse/elpepiopi/20100714elpepirtv_1/Tes/
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