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Union des nations sud-américaines
Unasur : l'Argentin Nestor Kirchner, secrétaire général atypique

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Nestor Kirchner le 5 novembre 2003 lors d'une visite de l'Universidad Catolica de Buenos Aires. A l'époque, il était président de l'Argentine et cette photo était offerte par le site Internet officiel de la présidence.

BUENOS AIRES, mercredi 5 mai 2010 (LatinReporters.com) - L'Union des nations sud-américaines (Unasur), qui regroupe les 12 pays de l'Amérique du Sud, a enfin un secrétaire général, l'atypique Nestor Kirchner. Unique candidat, cet ex-président de l'Argentine (2003-2007), péroniste de gauche et époux de l'actuelle présidente Cristina Fernandez de Kirchner, a été élu par consensus lors d'un sommet extraordinaire des chefs d'Etat concernés, le 4 mai à 60 km de Buenos Aires.

Renouvelable une seule fois, le mandat de Nestor Kirchner à la tête du secrétariat général sud-américain est de deux ans. La fonction équivaut à celle de "premier président de l'Amérique du Sud" estime le maître de la Bolivie, l'Améridien socialiste Evo Morales. Ses homologues Luiz Inacio Lula da Silva (Brésil), Hugo Chavez (Venezuela) et Rafael Correa (Equateur), tous de gauche, ont été les principaux promoteurs de l'élection de l'ancien président argentin.

Faisant fi de l'idéologie, on serait presque tenté de comparer Nestor Kirchner au Belge Herman Van Rompuy. Ce dernier devenait en décembre le premier président stable du Conseil de l'Union européenne (UE), pour un mandat de deux ans et demi renouvelable. Inconnu alors de la quasi totalité des citoyens du Vieux continent, M. Van Rompuy incarne logiquement aujourd'hui l'effacement progressif de l'UE sur la scène internationale. Célèbre, lui, mais notoirement réfractaire aux entrechats de la diplomatie et même de la politesse, Nestor Kirchner, 60 ans, contribuera-t-il à forger "la grande patrie sud-américaine" dont rêve Hugo Chavez?

Surnommé par ses compatriotes "le pingouin" pour avoir gouverné la province très australe de Santa Cruz, le désormais secrétaire général de l'Unasur convoitait ce poste depuis plus d'un an. Il butait sur le veto du président de l'Uruguay, le socialiste Tabaré Vazquez, outré par l'appui officiel de l'Argentine au blocus de ponts frontaliers organisé par des Argentins hostiles à la construction d'une usine finlandaise de pâte à papier, désormais en pleine activité, sur la rive uruguayenne du fleuve qui sépare les deux pays.

Successeur du raffiné Tabaré Vazquez à la présidence de l'Uruguay depuis le 1er mars, l'ancien guérillero José Mujica a levé le veto malgré le maintien, jusqu'à présent, du blocus frontalier au pont de Gualeguaychu. Redoutant l'isolement, les présidents Alan Garcia (Pérou) et Alvaro Uribe (Colombie) ont également mis une parenthèse à leurs réticences à l'égard de Nestor Kirchner. Ils n'ont toutefois pas pris la peine de se rendre au sommet de l'Unasur, laissant leurs ministres respectifs des affaires étrangères donner un plus discret feu vert à l'ex-président argentin.

"Insulte à tous les Uruguayens"

Devançant de quelques heures la prévisible élection de Nestor Kirchner, la presse uruguayenne la critiquait avec virulence dès le matin du 4 mai. Le quotidien El Pais la qualifiait de "véritable insulte à tous les Uruguayens". Ce journal reproche à Nestor Kirchner d'avoir été "un ennemi implacable de notre pays", menant "contre l'Uruguay une politique d'asphyxie et de domination".

Sous le titre "Kirchner est un mauvais candidat", l'éditorialiste du quotidien El Observador, uruguayen également, considère que "la façon de gouverner, intransigeante et autoritaire" du mari de l'actuelle présidente argentine "ne l'habilite pas à assumer une fonction qui requiert diplomatie équilibrée et capacité de négociation".

Le même quotidien suggère d'autre part des questions que se posent aussi nombre de journalistes et d'analystes argentins. Nestor Kirchner, en proie dans son propre pays à des accusations de corruption liées à l'enrichissement spectaculaire du couple présidentiel, utilisera-t-il le secrétariat général de l'Unasur comme tremplin de prestige vers son retour à la présidence de l'Argentine, qu'il briguerait à nouveau en octobre 2011?

Pourrait-il vraiment, comme l'exige l'article 10 du Traité constitutif de l'Unasur, se consacrer "exclusivement" au secrétariat général de l'organisation, avec siège à Quito (Equateur), "sans solliciter ni recevoir d'instructions d'aucun gouvernement", alors qu'il co-préside de fait l'Argentine avec sa femme Cristina, tout en étant député national et cacique d'une gauche péroniste qui a perdu sa majorité parlementaire aux législatives intermédiaires de juillet 2009?

Le commentaire le plus cinglant vient d'un autre péroniste, Eduardo Duhalde, également ancien locataire de la Casa Rosada, le palais présidentiel argentin qu'il souhaiterait lui aussi reconquérir l'an prochain. "S'il y a une personne ne présentant pas les conditions pour accomplir des tâches d'intégration, c'est Monsieur Kirchner. Il est spécialiste en désintégration" prétend Duhalde.

Ni les médias ni le patronat ni l'Eglise ni les agriculteurs en Argentine ni moins encore les investisseurs étrangers, les organismes multinationaux de crédit et les Etats-Unis ne tiennent en grande sympathie le flambant neuf secrétaire général de l'Unasur. Aussi rien d'étonnant, même si Nestor Kirchner ne se revendique pas (encore?) d'un socialisme bolivarien, que le Venezuela soit à la fois son faire-valoir politique et un généreux bailleur de fonds institutionnel et personnel du couple présidentiel argentin.

Il est par contre surprenant que nul n'ait proposé pour le poste de secrétaire général une personnalité aussi respectée que l'ex-présidente du Chili, la socialiste Michelle Bachelet, qui aurait d'emblée assuré à l'Unasur une énorme sympathie internationale. Il est vrai qu'elle n'était pas candidate.

A peine 4 pays sur 12 ont ratifié le traité de l'Unasur, signé en mai 2008

Les spéculations sur le respect ou non par Nestor Kirchner des normes que lui impose le Traité constitutif de l'Unasur sont peut-être stériles dans la mesure où ce traité, signé en mai 2008 à Brasilia, n'est toujours pas en vigueur. Il ne le sera qu'après ratification parlementaire d'au moins neuf des douze Etats membres. A ce jour, quatre à peine ont franchi le pas, la Bolivie, l'Equateur, le Venezuela et la Guyana, donc même pas l'Argentine.

Ainsi sans force de loi, l'Unasur demeure un fabuleux royaume de la palabre. Tous les rêves d'intégration et de puissance y sont permis, au point d'envisager de "convoquer" (sic) le président Barack Obama pour qu'il expose et justifie la politique continentale des Etats-Unis devant un concile de ses pairs sud-américains.

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