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Amérique latine / Etats-Unis: virage d'Obama incarné par Valenzuela
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ARTURO VALENZUELA Photo Patricia Leiva - OEA / OAS |
Par Julio BURDMAN (*)
BUENOS AIRES, dimanche 17 mai 2009 (LatinReporters.com) - Barack Obama
a pris sa première décision importante à propos de l'Amérique
latine: il a désigné le 12 mai Arturo Valenzuela sous-secrétaire
aux Affaires interaméricaines, poste de référence pour
la région au département d'Etat. Jusqu'à présent,
il demeurait aux mains de Tom Shannon, nommé en 2005 par George W.
Bush. Avec cette décision, le nouveau cycle commence et Valenzuela
sera l'homme qui incarnera le virage modéré que le président
Obama veut imprimer aux relations des Etats-Unis avec les pays latino-américains.
Valenzuela a des qualités personnelles et des antécédents
politiques idéaux pour concrétiser la promesse d'un dialogue
accru entre Washington et la région faite par Barack Obama lors de
sa campagne électorale et au
Ve Sommet
des Amériques. Il occupa
le même poste sous l'administration du président Clinton et il
fut l'un des assesseurs de sa femme Hillary, aujourd'hui secrétaire
d'Etat, pendant la campagne à l'investiture démocrate pour l'élection
présidentielle de novembre 2008. Cette feuille de route aide à
comprendre Arturo Valenzuela. Il s'agit d'un libéral progressiste,
tant dans sa vision de la politique intérieure que dans celle des
relations internationales.
Adversaire idéologique de la realpolitik kissingerienne qui domina
durant des années la vision qu'avait la Maison Blanche de son "arrière-cour",
il s'opposa à la politique de Bush dans ses écrits et lors de
rencontres fréquentes avec la presse. Ces dernières années,
Valenzuela soutenait que Washington devait raccommoder les liens hémisphériques
détériorés sous l'administration Bush -surtout pendant
son premier mandat- en recourant à l'agenda positif de la promotion
de la démocratie, avec comme bannière la coopération
multilatérale, les droits de l'homme et le développement, ainsi
qu'en faisant des relations d'interdépendance croissante -surtout avec
les alliés des Etats-Unis- un mécanisme d'intégration
et de gouvernabilité régionale.
D'autre part, Valenzuela connaît mieux la région que la
plupart de ses prédécesseurs. C'est un politologue hispanique
spécialiste de la politique latino-américaine. Et il est Chilien
de naissance, ce qui le distingue d'autres dirigeants et fonctionnaires hispano-américains,
qui ont presque tous leurs racines au Mexique, en Amérique centrale
ou aux Caraïbes. Il comprend l'Amérique du Sud et cette donnée
est importante, car l'une des nouveautés de l'administration Obama
sera l'alliance avec le Brésil. Pendant des années, Valenzuela
entretint un large réseau de relations avec les partis et les dirigeants
politiques les plus importants du sous-continent, dont beaucoup perçoivent
en lui un ami de l'Amérique latine à Washington. La nouvelle
de sa nomination fut bien reçue par la majorité des chancelleries
latino-américaines.
Limitations
Toutefois, en dépit de la volonté exprimée par Obama,
la seconde étape de Valenzuela sera initialement confrontée
à des limitations plus amples que lors de la première.
Sous le second mandat de Bush, Washington entra dans une phase de pragmatisme,
acceptant que le climat politique et social n'était pas propice aux
politiques d'intégration régionale, cessant de voir les
gouvernements nationaux-populistes comme une menace à l'intérêt
national -à l'exception du Venezuela, allié de l'Iran-, se
concentrant sur les politiques de coopération fluide dans des
domaines comme la sécurité et assistant avec résignation
au débarquement de la Chine.
La nouvelle politique d'Obama, qui ne rejette pas l'adaptation réaliste
faite à la fin de l'ère Bush, se propose d'aller plus loin.
Mais comment? Comment persuader les Nord-Américains de l'importance
stratégique de l'Amérique latine pour les Etats-Unis? Valenzuela
arrive dans un contexte de crise économique, qui ne laissera pas d'espace
à des politiques de développement de la région, comme
celles qu'il put concevoir dans les années 90. Il sera au contraire
confronté aux préoccupations du Mexique sur la fermeture d'opportunités
commerciales et à la prolifération de gouvernements hostiles,
maniant une rhétorique antinord-américaine, avec lesquels le
Congrès des Etats-Unis n'éprouve pas l'intérêt
d'être en relation. Compte tenu de ces deux limitations, il ne paraît
pas facile d'inaugurer une politique ambitieuse.
L'agenda que recevra Valenzuela comprendra plutôt des thèmes
conjoncturels, des objectifs à long terme et la tâche d'imaginer
une grande stratégie s'inscrivant dans la vision de la politique extérieure
de la nouvelle administration, à savoir la défense des intérêts
et opportunités stratégiques de Washington à partir
de ses alliances avec les nouvelles puissances de la région.
(*) Directeur de la chaire des Relations internationales à l'Université
de Belgrano (Buenos Aires), le professeur et analyste politique argentin Julio
Burdman est aussi chroniqueur de divers médias latino-américains et espagnols.
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