LA PAZ, vendredi 30 juillet 2010 (LatinReporters.com) - "Nul au gouvernement
ne va le protéger" déclarait le 29 juillet à La Paz
le vice-président bolivien Alvaro Garcia après l'arrestation,
deux jours plus tôt en possession de 240 kg de cocaïne, du chaman
Valentin Mejillones Akharapi. Ce grand prêtre de l'ethnie aymara sacra
"chef suprême des Indiens" des Andes le socialiste radical Evo Morales,
premier président amérindien de la Bolivie.
"Valentin Mejillones Akharapi présida une cérémonie
au cours de laquelle Morales fut revêtu de pouvoirs cosmiques le 21
janvier 2006 dans les ruines de Tiwanaku" rappelle l'Agence bolivienne d'information
(ABI, gouvernementale).
Dans la citadelle précolombienne de Tiwanaku, vêtu d'un poncho rouge et ceint
d'une couronne de fleurs blanches, Evo Morales, fraîchement
élu président, recevait des mains du même chaman le bâton
de commandement symbolisant ses pouvoirs sur les peuples andins. L'instantané de cette
remise solennelle que publie LatinReporters.com est disponible dans la photothèque de l'ABI.
Nommé en 1998 par une convention de peuples originaires coordinateur
des guides spirituels autochtones des Amériques, Valentin
Mejillones Akharapi est désormais emprisonné. Le directeur
de la Force spéciale de lutte contre le narcotrafic (FELCN), Félix
Molina, a déclaré à la presse que 240 kg de cocaïne
ont été saisis à El Alto au domicile du chaman, qui
abritait "un mini-laboratoire de purification" de la drogue. Le grand prêtre
aymara, l'un de ses fils et deux Colombiens y ont été arrêtés
simultanément.
A El Alto, cité satellite de La Paz de plus d'un million d'habitants,
Valentin Mejillones Akharapi fut secrétaire à la Culture de
la Fédération des comités de quartiers. Selon Mabel
Azcui, correspondante en Bolivie du quotidien espagnol de centre gauche El
Pais, plusieurs collaborateurs du gouvernement bolivien sont issus de cette
fédération d'El Alto, qui a appuyé la carrière
politique d'Evo Morales.
En fonction de ces antécédents, la réaction, en conférence
de presse, du vice-président Alvaro Garcia visait manifestement à
discréditer d'éventuelles déductions malintentionnées.
"Quel que soit son nom, aussi proche fût-il d'une autorité,
personne ne va le protéger, personne ne va couvrir ses actes illégaux"
insistait Alvaro Garcia à propos du chaman tombé en disgrâce.
Derrière la Colombie et le Pérou, la Bolivie est le troisième
producteur mondial de feuilles de coca, matière première de
la cocaïne. Le chef de l'Etat, Evo Morales, assume aussi aujourd'hui encore la
présidence des fédérations de
cocaleros (producteurs de coca) de la région du Chapare, un poste
autrefois de combat qui fut son principal tremplin politique.
Souhaitant industrialiser la coca, notamment dans le secteur alimentaire,
et développer ainsi au-delà du masticage traditionnel son usage
légal sans rapport avec le stupéfiant qu'est la cocaïne,
le président Morales envisage d'autoriser 20.000 hectares de cultures
légales de coca, au lieu des 12.000 actuels.
Présenté le 22 juin dernier, le rapport annuel de l'Office
des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) évaluait à
30.900 hectares la superficie globale de coca cultivée actuellement en Bolivie.
Aux côtés des 12.000 hectares légalement autorisés,
près de 19.000 hectares de coca seraient donc illégaux. Leur production, estiment les
analystes, a pour débouché naturel et logique le narcotrafic.
Début juin au Brésil, principal voisin de la Bolivie, la cocaïne
bolivienne entrait bruyamment dans la campagne pour l'élection présidentielle
brésilienne du 3 octobre prochain. Le candidat social-démocrate José Serra, à
égalité en tête des sondages avec Dilma Rousseff, dauphine du
président brésilien sortant Luiz Inacio Lula da Silva, posait
devant des journalistes une question peu diplomatique: "Croyez-vous que la
Bolivie peut exporter 90% de la cocaïne consommée au Brésil
sans la complicité de ce gouvernement [d'Evo Morales] ?"
RÉAGIR - COMMENTAIRES
-
ARTICLES ET DOSSIERS LIÉS