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Au Chili et à Cuba, deux symboles de la Guerre froide s'éteignent
Pinochet et Castro enfin ensemble... pour le Jugement dernier

Fidel Castro hospitalisé, 28 octobre 2006: aucune photo éventuellement prise après cette date n'est connue en ce 5 décembre 2006 - Photo Juventud Rebelde
L'ex-dictateur chilien Augusto Pinochet
Photo Fundacion Augusto Pinochet Ugarte

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AUGUSTO PINOCHET EST MORT

SANTIAGO, dimanche 10 décembre 2006 (LatinReporters.com) - L'ancien président chilien Augusto Pinochet est mort dimanche à 14h15 (17h15 GMT) à l'Hôpital militaire de Santiago. L'ex-dictateur était âgé de 91 ans. Il avait été hospitalisé d'urgence le 3 décembre à la suite d'un infarctus.



par Christian Galloy
Analyste politique
Directeur de LatinReporters.com

MADRID, mardi 5 décembre 2006 (LatinReporters.com) - Tous deux hospitalisés et aux portes de la mort, l'ex-dictateur catholique chilien Augusto Pinochet et le toujours dictateur communiste cubain Fidel Castro sont enfin ensemble à l'approche du Jugement dernier de Dieu, des hommes et de l'Histoire.


A 91 ans, le coeur à nouveau défaillant, le général Augusto Pinochet dépendrait d'un miracle à l'hôpital militaire de Santiago du Chili. Diabète et arthrose compliquent ses problèmes cardiaques. Télévisions et radios actualisent en permanence et en direct le diagnostic de l'ancien chef d'Etat.

Onze ans plus jeune -ou moins vieux- Fidel Castro était opéré d'urgence le 27 juillet après une "crise intestinale aiguë avec saignement permanent". Depuis, il est hospitalisé en un lieu qui relève du secret d'Etat autant que sa santé. Les dernières photographies du Lider maximo remontent au 28 octobre. Son absence a présidé aux cérémonies différées de son 80e anniversaire, le 2 décembre à La Havane, devant des centaines de notables étrangers.

Ensemble au crépuscule de la vie, Pinochet et Castro l'étaient aussi, certes dans des camps opposés, comme acteurs de la Guerre froide. Ils sont peut-être les symboles vivants les plus représentatifs de la lutte idéologique planétaire que se livrèrent pendant quarante ans les Etats-Unis et l'Union soviétique.

Au pouvoir depuis le triomphe de sa révolution, le 1er janvier 1959, Fidel Castro fut l'allié de Moscou. La "crise des missiles" déclenchée en 1962 par la présence de fusées soviétiques à Cuba mit le monde au bord de l'apocalypse nucléaire. La révolution castriste fut en outre le catalyseur de guérillas de gauche au Nicaragua, au Salvador, au Guatemala, au Pérou et en Colombie.

Ce "péril" révolutionnaire explique partiellement, sans les justifier moralement, les coups d'Etat et dictatures pro-américaines de droite qui ont dominé l'Amérique du Sud, en particulier l'Argentine et le Chili, entre les années 70 et 90 du siècle dernier. Dictateur de 1973 à 1990 après avoir balayé par les armes le socialisme de Salvador Allende, Pinochet aurait-il existé sans Castro?

Le Rapport Rettig de 1991 chiffre à 3.197 les assassinats ou disparitions politiques sous Pinochet et le Rapport Valech de 2004 relève 35.000 dénonciations de torture pendant la dictature militaire, dont 28.000 avérées. En outre, des centaines de milliers de Chiliens s'exilèrent. Les rapports Rettig et Valech ont été cautionnés à Santiago par les nouveaux gouvernements démocratiques.

L'exil cubain, lui, se poursuit aujourd'hui. A défaut de chiffres officiels, les organisations d'exilés anticastristes évaluent à plus d'un million les Cubains qui ont quitté le pays pour des raisons politiques et/ou économiques depuis l'arrivée au pouvoir de Fidel Castro. Contesté, "Le livre noir du communisme" signé en 1997 par un collectif d'universitaires dirigé par Stéphane Courtois, directeur de recherches au CNRS (Centre national de la recherche scientifique - France) estimait que, depuis 1959, entre 15.000 et 17.000 Cubains auraient été fusillés et que plus de 100.000 auraient connu les camps et les prisons en raison de leurs opinions. Il faudra sans doute attendre l'après-Castro et même au-delà pour établir comme au Chili des chiffres consensuels.

Pinochet et Castro se considèrent comme des sauveurs de la patrie. "Jugez-moi comme vous voulez, mais l'Histoire m'absoudra" lançait déjà en 1953, sous la dictature de Fulgencio Batista, le jeune Fidel Castro traduit en justice pour l'attaque de la caserne de Moncada. Au jour anniversaire de ses 91 ans, le 25 novembre dernier, Augusto Pinochet, lui, disait assumer "la responsabilité politique" de ses actes qui auraient visé, coup d'Etat compris, à "empêcher la désintégration du Chili... que j'aime par-dessus tout".

Des tribunaux chiliens, argentins, espagnols et français poursuivent Pinochet pour crimes contre l'humanité, mais il risque de mourir sans avoir été jamais condamné en justice. Fidel Castro n'est pour sa part l'objet d'aucune poursuite connue et devrait s'éteindre sans le moindre affront judiciaire depuis 1959.

Reste le Jugement dernier, de Dieu, des hommes et de l'Histoire.

Qu'importe si Dieu offre sa miséricorde à Pinochet, car nul ne le saura. Les hommes, eux, s'affrontent aujourd'hui au Chili entre partisans et adversaires de funérailles nationales pour l'ex-dictateur. Quant à l'Histoire, il est probable qu'elle enferme longtemps le général putschiste dans ses pages les plus noires.

Fidel Castro est mieux loti. Dieu l'ignore, mais le Cuba officiel, de larges couches du Cuba populaire et diverses gauches internationales soudées par l'antiaméricanisme lui offriront des funérailles grandioses. Sinon dans les pages d'or, Fidel figurera au moins dans les pages d'argent de l'Histoire, mais pour combien de temps?

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