BOGOTA, mardi 16 mars 2010 (LatinReporters.com)
- La victoire de ses partisans et alliés de droite, qui continueront à
dominer les deux chambres du Congrès (Parlement), fait du président
conservateur Alvaro Uribe le vainqueur virtuel des élections législatives
du 14 mars en Colombie. Son dauphin et ex-ministre de la Défense, Juan
Manuel Santos, a renforcé sa position de favori de l'élection
présidentielle du 30 mai, lors de laquelle Alvaro Uribe ne pourra pas
briguer un troisième mandat.
Parallèlement s'estompent les espoirs d'alternative reposant sur la
gauche militante incarnée par le Pôle démocratique alternatif
(PDA). Son revers électoral à entraîné la démission
de son président, le syndicaliste Jaime Dussan, incapable de renouveler
son siège de sénateur.
Le candidat du PDA à l'élection présidentielle, Gustavo
Petro, ancien de l'ex-guérilla urbaine M-19, avait dû reconnaître
avant le scrutin que des candidats de son parti ont sollicité un appui
du Venezuela voisin. Et alors que le président Uribe dénonçait
la prétention d'un "gouvernement étranger" d'influer sur la
prochaine élection présidentielle en Colombie, le quotidien
colombien El Tiempo attribuait cette prétention au Venezuela en publiant,
sans être démenti ni à Bogota ni à Caracas, des
extraits d'un rapport qu'auraient rédigé les services
de renseignement vénézuéliens.
En fait,
l'un des atouts électoraux les plus
efficaces de la droite colombienne fut l'aversion quasi
généralisée en Colombie contre le président vénézuélien
Hugo Chavez, chef de file de la gauche radicale latino-américaine.
Dans les sondages, parfois plus de 90% des interrogés méprisent
Hugo Chavez. Les Colombiens rejettent son discours jugé haineux et
insultant, ses menaces de guerre, son concubinage avec la narco-guérilla
marxiste des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie)
et son expansionnisme idéologique que Bogota soupçonne accompagné
d'ambitions territoriales.
Les relations très tendues avec le Venezuela, qui se réarme massivement depuis
plusieurs années, expliquent partiellement
l'
accord
militaire américano-colombien du 30 octobre 2009.
Il permet aux Etats-Unis l'utilisation d'au moins sept bases colombiennes.
L'accord a envenimé davantage les relations bilatérales, le
Venezuela boycottant depuis les produits colombiens. Dans une
lettre
à Barack Obama datée du 10 novembre 2009, Gustavo Petro avertissait
le président des Etats-Unis qu'il dénoncerait l'accord militaire
s'il était élu à la présidence de la Colombie.
Mais le score du PDA aux législatives du 14 mars, à peine 7,6%
pour l'élection des sénateurs, éloigne pareille éventualité.
Gustavo Petro risque l'élimination dès le premier tour de la
présidentielle.
L'impossibilité pour la gauche, faute d'un nombre suffisant d'élus, d'une remise en
question parlementaire de l'accord militaire du 30 octobre est une conséquence importante des
élections législatives. Gare toutefois au parti informel des juges. La Cour
constitutionnelle a accepté le recours d'un collectif d'avocats dénonçant
l'illégalité supposée de l'accord. Jouissant d'une indépendance
rare en Amérique latine,
la
même Cour constitutionnelle brisa net le 26 février dernier l'avenir
présidentiel d'Alvaro Uribe, prohibant pour vices de forme et de fond le référendum
qui devait l'autoriser à briguer un troisième mandat. L'acceptation
immédiate de la sentence par Alvaro Uribe, pourtant en tête
de tous les sondages de popularité, refléta une humilité
démocratique le distinguant des autocrates qui ont soumis la justice dans divers
pays de la région.
Pour le renouvellement du Sénat colombien -significatif car, comme
pour une élection présidentielle, l'ensemble du pays en est
la circonscription électorale-
les diverses droites réunissent
plus de 60% des suffrages et des élus après dépouillement
de plus de 90% des bulletins de vote. Les résultats partiels, diffusés
avec un retard inhabituel, de l'élection des 166 députés
augurent aussi d'une prédominance des élus conservateurs à
la Chambre. La participation électorale des 29,8 millions de Colombiens
appelés aux urnes est de 44%, en hausse par rapport au taux de 40%
enregistré aux législatives de 2006. (Aux dernières
législatives du Venezuela, le 4 décembre 2005, l'abstention
fut de 75%).
Au sein de la majorité de droite, toutes tendances confondues, la
première place revient, avec 25,17% des suffrages et 28 des 102 sénateurs,
au Parti social d'Unité nationale, dit Parti de l'U. C'est la formation
du président Uribe et de son dauphin favori de l'élection présidentielle,
Juan Manuel Santos.
Allié au Parti de l'U lors de la législature sortante, le Parti
Conservateur (20% des voix et 22 sénateurs) est l'autre grande formation
de la majorité conservatrice, dans laquelle on peut situer aussi le
Parti de l'Intégration nationale (PIN; 8,14% et 9 sénateurs),
taxé de liens supposés et parfois apparents avec des personnalités
poursuivies pour complicité avec des organisations paramilitaires.
Le scandale dit de la parapolitique ne serait donc pas clos. Il avait mis
le tiers du Parlement sortant à la disposition de la justice. Quant
au parti Changement radical (7,98% des voix, 8 sénateurs), on peut
l'assimiler à une droite centriste, malgré son opposition précoce
à un troisième mandat du président Alvaro Uribe.
La gauche de Gustavo Petro et de son PDA (7,6%), les sociaux-démocrates
du Parti libéral (15,8%) et l'émergent Parti vert (4,7%) ne
totalisant ensemble que moins de 30% des suffrages, rien en principe ne devrait
s'opposer au maintien de la politique dite de sécurité démocratique
menée avec succès par Alvaro Uribe pour acculer la guérilla
des FARC sans restreindre les libertés fondamentales.
Mais sans Uribe à la présidence du pays, l'uribisme et surtout
l'unité uribiste se maintiendront-ils? Les frictions, les nuances
et les ambitions personnelles et partisanes précédant l'élection
présidentielle du 30 mai dessinent déjà un panorama
incertain.
L'unité de la droite est suspendue à la lutte au sein du Parti
Conservateur entre l'ex-ministre des Affaires étrangères Noemi
Sanin et l'ex-ministre de l'Agriculture Andrés Felipe Arias. Tous
deux revendiquent de leur parti la candidature à l'élection
présidentielle du 30 mai. Un vote populaire organisé simultanément
aux élections législatives du 14 mars doit les départager,
mais le dépouillement de ce vote tarde. Si Andrés Felipe Arias
l'emporte, il renoncera probablement, croient les observateurs, à
la candidature présidentielle, s'alliant à Juan Manuel Santos
qu'il reconnaîtrait comme candidat unique de l'uribisme à la
présidence du pays. Mais Noemi Sanin, actuellement légèrement
en tête du scrutin interne, a annoncé qu'elle irait jusqu'au bout de son ambition.
Un duel des droites entre Noemi Sanin et Juan Manuel Santos n'est donc pas
exclu tant au premier qu'au possible second tour de la présidentielle.
Un corps à corps au second tour, fixé au 20 juin, obligerait
tant l'une que l'autre à séduire des électeurs de gauche
pour l'emporter. Parlerait-on alors encore d'uribisme?
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