MADRID, mardi 11 mai 2010 (LatinReporters.com) - Le plan de sauvetage de
l'euro par l'Union européenne (UE) est historique, mais il oblige le gouvernement socialiste espagnol de José Luis Rodriguez Zapatero à prendre enfin ses responsabilités,
à ne plus spéculer politiquement sur une fin providentielle
de la crise. Ce diagnostic est en Espagne celui de l'ensemble des éditorialistes,
quelles que soient leurs affinités politiques.
Dans la nuit du 9 au 10 mai à Bruxelles, les ministres des Finances
de l'UE s'étaient mis d'accord sur le lancement
d'un plan de secours exceptionnel pouvant aller jusqu'à 750 milliards
d'€ pour aider les pays de la zone euro en difficulté. Les marchés saluaient aussitôt
ce filet de sauvetage sans précédent. Les bourses européennes
s'envolaient lundi. Alors qu'il avait chuté de 15% la semaine précédente,
l'indice IBEX de la bourse de Madrid remontait le 10 mai de 14,4% en une
seule séance. Un record absolu, tempéré le lendemain
par des prises de bénéfice.
Le plan de secours adopté par l'UE s'accompagnait d'une injonction
aux pays les plus exposés aux conséquences de la quasi faillite
de la Grèce. L'Espagne et le Portugal, désormais sous surveillance
communautaire, étaient ainsi priés de faire un effort supplémentaire
pour réduire leur déficit public. Madrid a promis une réduction
additionnelle de 0,5% de ce déficit pour l'année en cours et
de 1% en 2011. La réduction de 15 milliards d'€ du déficit public qui en découlerait
accélérera, l'anticipant partiellement, la réduction
de 50 milliards prévue par un plan d'austérité sur quatre
exercices budgétaires, jusqu'à fin 2013, annoncé en
janvier dernier par M. Zapatero.
L'exécution de ce plan d'austérité peu détaillé
demeure incertaine à cause notamment de l'autonomie des 17 régions
espagnoles, peu enclines à s'imposer elles-mêmes une
rigueur prônée par un gouvernement national qui ne donne pas
nécessairement l'exemple. En outre, ni la réforme des retraites
ni celle du marché du travail annoncées aussi en janvier par
l'Espagne pour tenter de rassurer les marchés financiers n'ont connu
jusqu'à présent un début de concrétisation. Des
dizaines d'autres mesures sectorielles plus modestes ne produisent pas d'effet
décisif. Les Espagnols attendent donc avec une curiosité mêlée
de crainte les éclaircissements de M. Zapatero, mercredi 12 mai au
Congrès des députés, sur la répartition du nouvel
ajustement de 15 milliards d'€. Dans la foulée, on verra peut-être
plus clair sur l'exécution du plan d'austérité portant
sur 50 milliards d'€ annoncé en janvier.
Les effets d'annonce ont été jusqu'à présent
l'arme principale du gouvernement de M. Zapatero pour tenter de combattre
la crise globale. Début 2008, il niait encore les dommages et parfois
l'existence même de cette crise en Espagne, ce qui lui permit de remporter
les élections législatives au mois de mars de cette année-là.
Aujourd'hui, M. Zapatero affirme que le pays récupère déjà.
Peut-être présenterait-il la crise comme un phénomène
exotique inconnu des Ibères si cette fiction n'était pas anéantie
par un déficit public de 11,2% du PIB en 2009 et surtout par un chômage
record devenu drame social et financier. Au 31 mars dernier, l'Espagne comptait
4,6 millions de chômeurs, 20% de la population active.
Nier la crise, puis la relativiser et annoncer simultanément des mesures
de rigueur sans jamais les concrétiser, revenait, de la part de M.
Zapatero, à renoncer à prendre des mesures impopulaires, à
spéculer politiquement sur une fin de crise providentielle ou découlant
des efforts d'autres nations. Dans la foulée de la crise grecque,
cette longue spéculation politique a dynamisé la spéculation
financière dont se plaignent aujourd'hui Madrid et l'UE.
Le poids économique de l'Espagne valant cinq fois celui de la Grèce,
la chute croissante de la confiance internationale dans les valeurs espagnoles
faisait craindre l'effondrement de la zone euro. C'est précisément
en dénonçant la spéculation contre l'ensemble de cette
zone que l'UE a déployé un gigantesque parapluie de 750 milliards
d'€.
Saluant le 11 mai cette "décision historique" sous le titre "Un euro
gouverné", l'éditorialiste du journal espagnol de centre
gauche El Pais y voit "un saut en avant sans précédent vers
un gouvernement économique commun de la zone euro". Mais il ajoute
: "La décision européenne, d'une vigueur exceptionnelle, équivaut
à acheter du temps pour que les pays affectés par les doutes
des investisseurs puissent exécuter leurs plans d'ajustement. La volatilité
des marchés indique que tout inaccomplissement peut déclencher
un nouveau spasme dépressif. Il ne suffit pas d'annoncer des ajustements;
ils doivent être crédibles et il faut les appliquer. Le gouvernement
espagnol est l'un des destinataires de ce message".
Un avertissement plus direct encore est lancé par l'éditorialiste
du quotidien conservateur ABC sous le titre "Le ballon d'oxygène de
l'UE oblige Zapatero à rendre des comptes". "Le gouvernement ne pourra
plus continuer à se cacher" estime cet éditorialiste.
"Que des pays comme l'Espagne se soient fait tirer l'oreille par l'Allemagne
et la France a fonctionné. Zapatero a dit qu'il réduirait
davantage les dépenses, mais c'est insuffisant" écrit pour
sa part l'éditorialiste du journal financier El Economista. Il croit
lui aussi que l'UE "a acheté du temps" et à ses yeux le salut
passe en Espagne par "la réduction d'un Etat surdimensionné".
Ces divers commentaires indiquent qu'une question essentielle reste posée
: d'autant plus obervée qu'elle assume la présidence tournante de l'UE,
l'Espagne abandonnera-t-elle vraiment sa spéculation politique sur une fin de crise,
se pliant aux rigueurs socialement pénalisantes d'une économie qui
veut toujours croire au marché?
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