"Le PSOE accélère sa chute" titrait le 7 février le
quotidien de centre-gauche El Pais. Son principal concurrent, El Mundo (centre-droit), titrait en
écho "Affaiblissement rapide du gouvernement et demande d'élections
générales" [anticipées]. Les résultats de sondages distincts
publiés le même jour par ces deux journaux, les plus influents d'Espagne, confirmaient
avec des chiffres quasi identiques l'affaissement socialiste.
Les 43,9 % du PSOE de M. Zapatero aux élections législatives
de mars 2008 se réduisent aujourd'hui à 37,5% des intentions
de vote selon El Pais ou à 37,7% selon El Mundo. Par contre, avec
une adhésion estimée actuellement à 43,4% (El Pais)
ou 43,5% (El Mundo), le Parti Populaire (PP, droite) de Mariano Rajoy plane
nettement au-dessus de ses 39,9% aux législatives d'il y a deux ans.
En chiffres ronds,
l'opposition de droite aurait donc désormais
un avantage national de 6 points sur les socialistes. En outre, au-delà
des partis, El Mundo note que la popularité personnelle de Mariano
Rajoy, un maigre 4,21 sur 10, surpasse "pour la première fois" celle
désormais plus maigre encore de M. Zapatero (4,10).
Les prochains rendez-vous des Espagnols avec les urnes sont les élections
catalanes de cet automne, les municipales et régionales du printemps
2011, suivies des législatives au premier trimestre 2012. Plusieurs
observateurs croient que ces dernières pourraient être anticipées,
comme le souhaite une majorité dans le sondage d'El Mundo, à
cause de la chute de crédibilité du gouvernement.
Pilier pendant plus de trente ans de l'influence du PSOE, El Pais n'en constate
pas moins, dans son éditorial du 7 février, que
"le leadership
du président du gouvernement se situe à son point le plus bas
depuis son arrivée au pouvoir il y a six ans". Selon l'éditorialiste,
"la crise économique que Zapatero s'est nié à reconnaître
pendant des mois, et qu'il tente maintenant de gérer avec des annonces
qui s'entrechoquent, menace de convertir le reste de la législature
en calvaire pour le Parti socialiste, lequel semble intérioriser un
horizon résigné de défaite".
El Pais reproche aussi à M. Zapatero d'avoir trop misé et
en vain sur "la force que donnerait à son gouvernement" la présidence
semestrielle de l'Union européenne (UE) qu'assume l'Espagne jusqu'au
30 juin. A ce propos, l'annulation du sommet UE / Etats-Unis, prévu
pour les 24 et 25 mai à Madrid, après la décision du
président Barack Obama de ne pas y participer, est considérée
par la majorité des analystes espagnols comme un rude coup porté
au prestige de José Luis Rodriguez Zapatero, même si c'est le
manque de cohésion et les hésitations de l'Europe sur de grands
dossiers qui expliqueraient la décision du président américain.
Parallèlement, la bourse de Madrid enchaîne les journées
noires sur fond d'inquiétudes pour les finances du pays, ébranlées
par le record historique de plus de 4 millions
de chômeurs, soit 19% de la population active.
L'Espagne est actuellement
le seul des grands pays développés à ne pas sortir de
la récession en cours depuis 2008. Le solde des finances publiques
est passé d'un excédent de 2,23 % du PIB en 2007 à
un déficit de 11,2 % en 2009. La dette publique espagnole a grimpé
de 36,2 % du PIB en 2007 à 55,2 % en 2009 et devrait filer jusqu'à
74,3 % en 2012, selon les prévisions du gouvernement.
Même un commissaire européen socialiste et espagnol, Joaquin Almunia, compare
désormais l'Espagne à la Grèce, mise sous surveillance budgétaire par l'UE. Le Fonds monétaire
international (FMI) ne prévoit aucun accroissement du PIB espagnol
en 2010. L'influent Financial Times avertit qu'en Espagne pourrait se préparer
"un drame plus grand qu'en Grèce".
Les déficits conjugués
de l'Espagne, de la Grèce et du Portugal, voire aussi de l'Italie, plombent l'Union
monétaire. Elle affronte sa première grande crise depuis la
mise en place à partir de 1999 de l'euro, attaqué par la spéculation
et en baisse par rapport au dollar.
L'Espagne fossoyeur de l'euro? Ce serait un comble pour un européiste aussi
déclaré que M. Zapatero! Pour conjurer les mauvais augures,
le leader socialiste propose un
plan d'austérité peu
détaillé afin d'économiser 50 milliards d'euros sur trois ans.
Il a fait annoncer par son gouvernement une
hausse de l'âge de la retraite. Il
passerait progressivement de 65 à 67 ans. Un allongement, 25 ans au
lieu de 15, de la base de calcul des retraites a aussi été envisagé.
La rente des retraités en serait sensiblement diminuée.
"Atteinte intolérable aux droits des travailleurs! Il faudra nous
passer sur le corps!" se sont aussitôt écriés les grands
syndicats, l'Union générale des travailleurs (socialiste) et
les Commissions ouvrières (à forte composante communiste).
Leur menace de descendre dans la rue a poussé M. Zapatero à
faire marche arrière. La réforme annoncée des retraites est devenue
"simple hypothèse" en ce qui concerne l'élargissement de la base de calcul.
Soudainement envisagée pour encourager l'embauche, une refonte du marché du travail,
encore imprécise, semble aussi tardive que les carabiniers d'Offenbach.
Recul gouvernemental et incertitudes font grelotter la bourse de Madrid. Elle a perdu
quelque 10% les trois derniers jours de la semaine dernière. Le risque
pays de l'Espagne a grimpé. Elle paiera plus cher ses emprunts sur
les marchés internationaux. Les investissements publics en seront ralentis, mais
non la course folle du chômage. Bref,
M. Zapatero doit
résoudre cette inconfortable équation: comment, à la
fois, freiner sa chute dans les sondages, éviter une grève
générale, maintenir l'Etat-providence, ramener la confiance internationale,
empêcher la faillite de l'Etat et stimuler l'emploi?
Est-ce trop demander à celui qui, selon 76% des interrogés
dans le sondage d'El Pais, gouverne en "improvisant"? La solution ferait
pourtant école au-delà des Pyrénées.
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