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Espagne: fumier sur les élections européennes et droite favorite

José Luis Rodriguez Zapatero (à gauche), président du gouvernement et secrétaire général du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), avec Juan Fernando Lopez Aguilar, ex-ministre socialiste de la Justice et tête de liste du PSOE aux élections européennes du 7 juin 2009. (Photo PSOE)

MADRID, lundi 1er juin 2009 (LatinReporters.com) - Corruption, fuites judiciaires, avortement, pédophilie, crise économique, grippe porcine, insultes, Eglise, Franco, Bush, Obama: en Espagne, tout fait farine au moulin à fumier qu'est devenue la campagne pour les élections européennes du 7 juin. Dans les sondages, le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE, gouvernemental) de José Luis Rodriguez Zapatero est devancé par le Parti Populaire (PP, droite) de Mariano Rajoy. Pour les deux partis, qui représentent 83% de l'électorat, l'enjeu est très national et peu européen.

Mariano Rajoy (à gauche), président du Parti Populaire (PP, opposition de droite) et sa tête de liste aux élections européennes, l'ex-ministre de l'Intérieur Jaime Mayor Oreja. (Photo PP)
L'éditorialiste du pro-socialiste mais respectable quotidien El Pais résumait le 31 mai la situation en ces termes feutrés: "A une semaine du rendez-vous avec les urnes, non seulement les partis ne parlent pas des politiques à défendre en Europe, mais en outre ils parlent à peine de politique. Ils se limitent à échanger des reproches, liés presque toujours à la corruption dans ses multiples dérivations, avec l'espoir d'affaiblir davantage le rival. Face aux attaques, ni explications ni arguments, mais la contre-attaque: "Et toi plus encore!". L'effet de cette surdose n'est pas d'attirer les électeurs, mais de stimuler l'abstention".

Concrètement (respirons fort pour tenir jusqu'au bout de la phrase), les socialistes accusent le PP de corruption à Madrid et à Valence sur la base d'une instruction, filtrée à la presse lorsqu'elle était encore secrète, qu'ouvrit le célèbre juge Baltasar Garzon, justicier universel ancré à gauche, lui-même aujourd'hui poursuivi pour prévarication, dans son instruction sur les crimes du franquisme, par le Tribunal suprême saisi par un syndicat ultraconservateur et applaudi par le PP.

(Compliqué? Malodorant? Alors bouchons-nous le nez après avoir respiré plus fort encore). Le PP, lui, accuse les socialistes de népotisme en Andalousie pour subvention irrégulière présumée octroyée par l'ex-président andalou, aujourd'hui 3e vice-président du gouvernement national, à une entreprise dont sa fille est fondée de pouvoir et M. Zapatero, à qui la droite impute le record historique de plus de 4 millions de chômeurs, essuie le reproche d'abus de biens publics pour se rendre aux meetings socialistes -lors desquels, souligne le PP, il insulte la moitié (conservatrice) de l'Espagne- dans un biréacteur Falcon du ministère de la Défense, dont la titulaire, la socialiste catalane Carme Chacon, dauphine non proclamée de Zapatero, a été invitée par le PP à démissionner pour assumer l'irresponsabilité d'un général qui a laissé 150 écoliers visiter une académie militaire où des dizaines de soldats étaient en quarantaine pour épidémie supposée, puis confirmée, de grippe porcine.

(Essoufflant? Remontons néanmoins les bottes, car on continue à patauger dans le fumier des accusations réciproques et en lire davantage oblige à nouveau à une profonde respiration préalable).

Titillée par les socialistes dans l'espoir que sa réaction contribue comme d'ordinaire à mobiliser la gauche, l'Eglise a foncé comme un taureau sur la muleta d'un nouveau projet de libéralisation de l'avortement, auquel pourraient recourir sans consentement parental les Espagnoles mineures dès l'âge de 16 ans pour éliminer, a précisé la ministre socialiste Bibiana Aido, "des êtres vivants" qui "ne sont pas des êtres humains", et la tête de liste du PP aux européennes, Jaime Major Oreja, ayant déclaré comprendre qu'un évêque espagnol membre de la curie vaticane puisse considérer l'avortement plus grave que la pédophilie, les socialistes s'en trouvent bien aise de qualifier le PP d'héritier de la morale franquiste, sans oublier que le même PP fut aussi le complice de l'esprit guerrier de George W. Bush, remplacé par Barack Obama, dont le pacifisme et la confiance dans les nouvelles technologies sont revendiqués par M. Zapatero, lequel accuse en outre la droite espagnole d'appartenir à cette galaxie ultralibérale à laquelle la planète doit l'actuelle crise économique mondiale... (Pff! Ça y est, tout est dit ou du moins l'essentiel. Plus besoin de se boucher le nez).

Résultat de ces échanges d'amabilités? Selon les sondages qu'ont publiés le dimanche 31 mai, une semaine avant le scrutin européen, trois des quatre quotidiens nationaux édités à Madrid (El Pais, El Mundo et ABC), le PP est crédité de 40,9% à 43% des intentions de vote, contre 38,7% à 40,6% en faveur du PSOE de M. Zapatero. La défaite socialiste aux élections régionales du 1er mars en Galice trouverait ainsi un écho au niveau national. L'explication reposerait à nouveau surtout sur la responsabilité imputée par les électeurs au gouvernement dans la crise économique. Les 17,36% de chômeurs espagnols (au 31 mars dernier) et les 802.800 sans-emploi supplémentaires enregistrés en Espagne au cours du seul 1er trimestre de 2009, soit près de 9.000 nouveaux chômeurs chaque jour, sont des records absolus parmi les 27 pays de l'Union européenne.

Par têtes de liste interposées, Juan Fernando Lopez Aguilar pour le PSOE et Jaime Mayor Oreja pour le PP, tous deux ex-ministres, c'est une portion de leur crédibilité politique nationale que jouent aux élections européennes le président du gouvernement, José Luis Rodriguez Zapatero et le chef de l'opposition de droite, Mariano Rajoy. Le premier a besoin de redorer son prestige après son dur revers en Galice et plusieurs défaites parlementaires consécutives des socialistes, qui ne contrôlent qu'une majorité relative aux Cortes (Parlement). Le second risquerait, en cas de défaite, d'être embarqué dans une nouvelle guerre de succession au sein du PP. Dans les spots et les meetings électoraux, MM. Zapatero et Rajoy ont dominé la campagne de ces élections auxquelles ils ne sont pourtant pas candidats.

La faible participation attendue au scrutin européen devrait toutefois limiter tant ses conséquences nationales immédiates que la portée de conjectures sur les lointaines législatives de 2012. Selon les sondages de la presse madrilène, à peine 39% à 45 % des électeurs Espagnols se rendraient aux urnes. Aux européennes de 2004, leur participation fut de 45,9%.


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