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Pour un second mandat de 4 ans, sans l'appui des nationalistes
Petite investiture du nouveau Zapatero, qui redécouvre l'Espagne

par Christian GALLOY

MADRID, jeudi 10 avril 2008
(LatinReporters.com) - Le Zapatero nouveau est arrivé et il est ... espagnol! Ce n'est pas une boutade. Le mot España, Espagne, surgit 58 fois dans le discours d'investiture (1) prononcé le 8 avril au Congrès des députés par le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero. Son Espagne "plurielle" de 2004 est devenue l'Espagne "riche de sa diversité, unie par son passé et son futur". Ce virage hérisse les nationalistes et, l'investiture à la majorité absolue lui ayant été refusée, c'est par une petite investiture, lors d'un second vote à la majorité simple, que M. Zapatero recevra le 11 avril pour quatre ans un deuxième mandat de président du gouvernement.


José Luis Rodriguez Zapatero à la tribune du Congrès des députés lors du 2e jour du débat sur son investiture (Madrid, 9 avril 2008) - Photo Inma Mesa / PSOE

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Aux élections législatives du 9 mars 2008, José Luis Rodriguez Zapatero renforçait sa majorité relative, décrochant pour son Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) 43,6% des suffrages et 169 députés contre 164 quatre ans plus tôt. Il lui en manque 7 pour contrôler la majorité absolue des 350 élus de la chambre basse des Cortes. A droite, le Parti Populaire (PP) de Mariano Rajoy progressait davantage encore, passant de 148 à 154 députés. PSOE et PP ont attiré 83,75% des électeurs espagnols, représentés par 92% des députés.

Cette force sans précédent du bipartisme illustre l'inutilité de diaboliser, comme le firent les socialistes depuis 2004 jusqu'aux dernières élections, une droite centralisatrice incarnant quasi la moitié de l'Espagne. Si l'on y ajoute le recul, aux législatives de mars, du nationalisme basque et catalan, ainsi que l'effondrement des écolos-communistes, qui prônent la pleine fédéralisation du pays, on comprend mieux pourquoi le mot España imprègne désormais tant le langage zapatériste.

"Mon idée de l'Espagne" est l'expression, lancée 23 fois en moins de 90 minutes, qui a structuré le discours d'investiture de M. Zapatero. Et ce jusqu'aux derniers mots de son plaidoyer: "Voilà mon idée de l'Espagne, un pays fier de ses acquis et capable de tirer la leçon de ses erreurs, un pays qui avance uni dans la diversité, guidé par l'expérience de ses aînés et l'élan de ses jeunes. Un pays de femmes et d'hommes libres. Pour gouverner ce pays au cours des quatre prochaines années, pour modeler ce projet et pour cette idée de l'Espagne, je sollicite votre confiance".

Terrorisme de l'ETA

Même leitmotiv du leader socialiste pour la politique antiterroriste, source la législature précédente d'une vive hostilité de la droite, opposée aux vaines négociations gouvernementales avec les séparatistes basques de l'ETA. "Dans mon idée de l'Espagne ont place toutes les idéologies imaginables ainsi que toutes les identités, mais non le recours à la coercition et au crime pour défendre une quelconque idée, une quelconque identité ... L'ETA n'a qu'un destin: mettre fin à sa barbarie criminelle, définitivement et sans condition" a clamé M. Zapatero.

"Mon idée de l'Espagne est celle d'un pays exemplaire par sa politique sociale"
disait aussi le dirigeant socialiste. Il a promis d'élargir cette politique, haussant notamment de 600 à 800 euros le salaire mensuel mimimum, malgré la "décélération économique" qu'il rechignait à reconnaître avant les élections.

Si "dans mon idée de l'Espagne, l'immigration régulée et ordonnée est une opportunité ... un phénomène structurel et non conjoncturel jouant un rôle fondamental dans notre croissance économique et la soutenabilité de notre modèle social", M. Zapatero ne s'en est pas moins rapproché des thèses du PP de Mariano Rajoy en admettant que "nous devrons promouvoir des formules nouvelles incitant les immigrants qui pourraient perdre leur travail ces prochains mois à rentrer dans leur pays".

En politique extérieure, "mon idée de l'Espagne est celle d'un pays indubitablement européen et européiste, pont entre l'Europe et l'Ibéroamérique, défenseur de la paix et de la solution multilatérale des conflits". Avec les Etats-Unis, qui avaient peu apprécié les modalités du retrait des troupes espagnoles d'Irak en 2004, M. Zapatero veut "ouvrir un nouveau chapìtre". L'Afrique susbsaharienne, source d'une immigration maritime clandestine souvent tragique, sera aussi "un nouvel axe de notre action extérieure".

Pour cimenter son programme de gouvernement et placer la nouvelle législature sous le signe de la sérénité après quatre ans de dures frictions entre la gauche et la droite, José Luis Rodriguez Zapatero a offert en fin de discours plusieurs pactes à toutes les formations politiques, "mais en particulier au principal parti de l'opposition [le Parti Populaire], qui détient une représentation très estimable. Et je m'adresse personnellement à son leader. A vous, M. Rajoy".

L'offre sétend à la luttre contre le terrorisme, au volet européen de la politique extérieure [l'Espagne présidera l'Union européenne au premier semestre de 2010; ndlr], à l'organisation du pouvoir judiciaire et au financement des autonomies régionales.

"Si vous m'appelez, je viendrai" a répondu le chef de la droite et président du PP, Mariano Rajoy. Il a néanmoins conditionné tout consensus à des précisions additionnelles, notamment à un engagement de ne plus négocier avec l'ETA. Sur ce point, M. Zapatero a maintenu le flou dans son discours d'investiture.

La confiance lui a été refusée le 9 avril lors d'un premier vote parlementaire nécessitant la majorité absolue. En l'absence d'une élue du PSOE, M. Zapatero a recueilli 168 oui, tous socialistes, contre 158 non et 23 abstentions. Vendredi 11 avril, la majorité relative socialiste suffira à l'octroi de la confiance.

Ont voté non le PP, les indépendantistes catalans d'ERC (Gauche républicaine de Catalogne) et UPyD (Union Progrès et Démocratie). Les autres formations se sont abstenues, notamment les écolos-communistes d'IU (Gauche unie), les nationalistes catalans de CyU (Convergence et Union), les Basques du PNV (Parti nationaliste basque) et les Galiciens du BNG (Bloc nationaliste galicien). Le non d'ERC et l'abstention du BNG sont d'autant plus significatifs que ces partis sont actuellement les alliés des socialistes dans des gouvernements régionaux, respectivement en Catalogne et en Galice.

"Conséquences déstabilisatrices pour la démocratie d'un isolement de la droite" (El Pais)

Avec le centriste et éphémère Leopoldo Calvo Sotelo (1981-1982), dont l'investiture fut bousculée le 23 février 1981 par l'irruption aux Cortes de gardes civils putschistes, José Luis Rodriguez Zapatero est l'unique chef de gouvernement de l'Espagne démocratique à ne pas avoir obtenu la confiance dès le premier vote parlementaire. Les socialistes en tirent vertu, argumentant qu'ils n'ont pas les mains liées par un quelconque préaccord.

En avril 2004, mettant le cap résolument à gauche, M. Zapatero avait bénéficié d'emblée d'une large majorité absolue de 183 oui à son investiture, grâce notamment à un pacte extra-parlementaire (2) avec les écolos-communistes d'IU et les indépendantistes catalans d'ERC. Ce pacte qui excluait explicitement tout accord de gouvernabilité avec le PP de Mariano Rajoy et la difficulté de ce dernier d'admettre à l'époque une défaite électorale inattendue, précipitée trois jours avant les législatives par les attentats islamistes de Madrid (191 morts, 1.856 blessés), alimentèrent une longue et forte crispation. Elle lézarda la réconciliation post-franquiste, raviva dans les commentaires le spectre des deux Espagne de la guerre civile (1936-1939) et éroda le prestige de la monarchie restaurée en la personne de Juan Carlos Ier.

Aujourd'hui, tous les éditorialistes relèvent les offres de concertation et la phraséologie néoespagnoliste de José Luis Rodriguez Zapatero. "Zapatero s'est enveloppé dans le drapeau [espagnol] pour demander au Congrès quatre années de confiance" titrait le 9 avril le journal conservateur ABC, qui doute toutefois de la sincérité du dirigeant socialiste.

L'influent et pro-socialiste quotidien El Pais écrivait le même jour, sous la plume de l'analyste Javier Pradera: "Les expériences de la législature antérieure ont sûrement enseigné à Zapatero une plus grande prudence à l'heure de concerter des alliances et d'exclure des appuis. Les comportements maniaco-dépressifs d'ERC à propos du statut de la Catalogne et de la loyauté constitutionnelle, la version caricaturale et unilatérale du passé tragique des Espagnols défendue par IU dans le débat de la mal nommée Loi de la Mémoire historique (3) et les conséquences déstabilisatrices pour le système démocratique d'un isolement du PP sont quelques-unes des leçons qu'a peut-être extraites de son mandat antérieur le candidat à l'investiture".

"Peut-être la substitution des références à l'Espagne plurielle -si fréquentes lors de la législature antérieure- par l'expression de l'Espagne diverse - moins chargée de connotations idéologiques- est-elle quelque chose de plus qu'une simple question de style" poursuit Javier Pradera.

L'analyste d'El Pais souligne la visibilité particulière, dans le discours d'investiture, de l'offre de consensus sur de grands dossiers faite par M. Zapatero à Mariano Rajoy. Et de la phrase "Certains y ont mis la mémoire, d'autres l'oubli et entre tous la réconciliation" prononcée le 8 avril devant les députés par M. Zapatero, Javier Pradera croit pouvoir déduire que "loin d'alimenter le fantôme des deux Espagne, Zapatero a reconnu noblement la dette des gens d'aujourd'hui à l'égard de la génération qui a subi l'affrontement né de la guerre civile et du franquisme".



(1) DISCURSO DE JOSÉ LUIS RODRÍGUEZ ZAPATERO EN LA SESIÓN DE INVESTIDURA COMO PRESIDENTE DEL GOBIERNO - Congreso de los Diputados, 8 de abril de 2008. Texte intégral, en espagnol, du discours d'investiture.

(2) ACUERDO PARA UN GOBIERNO CATALANISTA Y DE IZQUIERDAS - "Accord pour un gouvernement catalaniste et de gauche", dit Pacte du Tinell (nom d'un salon de Barcelone où il fut conclu), signé le 14 décembre 2003 par les socialistes, la branche locale des écolo-communistes d'IU et les indépendantistes républicains d'ERC pour la formation du gouvernement régional catalan. Il eut des effets nationaux immédiats et de longue durée, ses signataires s'engageant explicitement, en sa page 94, à ne conclure "aucun accord de gouvernabilité avec le PP [Parti Populaire] ni au sein de la Généralité [institutions de l'autonomie catalane] ni au sein de l'Etat [espagnol]".

(3) Martyrs et mémoire historique : les deux Espagne se jettent leurs morts à la figure - LatinReporters.com, 28 octobre 2007.


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Le socialiste Zapatero, premier chef du gouvernement à n'être investi qu'à la majorité simple

MADRID, vendredi 11 avril 2008 (LatinReporters) - Boudé notamment par les nationalistes, qui désormais le taxent parfois "d'espagnolisme", et appuyé par les seuls socialistes, José Luis Rodriguez Zapatero est devenu vendredi le premier président du gouvernement de la démocratie espagnole à n'être investi qu'à la majorité simple des députés.

Tous ses prédécesseurs, et lui-même en 2004, l'avaient été à la majorité absolue. Le résultat du second et ultime vote parlementaire d'investiture est de 169 oui à l'octroi de la confiance, 158 non et 23 abstentions.

M. Zapatero se succède à lui-même pour un second mandat de quatre ans. Il annoncera dans les prochaines heures la composition de son nouveau gouvernement, communiquée préalablement au roi Juan Carlos.

La confiance parlementaire avait été refusée le 9 avril au dirigeant socialiste, faute d'obtenir la majorité absolue obligatoire lors du premier vote des 350 députés. Le centriste Leopoldo Calvo Sotelo est l'unique prédécesseur de M. Zapatero à n'avoir été investi qu'au second tour, en 1981, mais à la majorité absolue qui lui avait d'abord fait défaut.

Compte tenu de l'absence d'une élue socialiste, le résultat du premier vote sur l'investiture de M. Zapatero était quasi identique à celui de ce vendredi: 168 oui, 158 non et 23 abstentions. Entre les deux tours de scrutin, aucun élu n'a modifié le sens de son vote, émis nominalement à voix haute.

Ont voté non les 154 députés du Parti Populaire (PP, droite) de Mariano Rajoy, les 3 d'ERC (Gauche républicaine de Catalogne, indépendantiste) et l'unique élue d'UPyD (Union Progrès et Démocratie), Rosa Diez, ex-députée européenne et dissidente du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) de M. Zapatero.

Les autres formations se sont abstenues, notamment les écolos-communistes d'IU (Gauche unie), les nationalistes catalans de CyU (Convergence et Union), les Basques du PNV (Parti nationaliste basque) et les Galiciens du BNG (Bloc nationaliste galicien). Le non des indépendantistes catalans d'ERC et l'abstention des nationalistes galiciens sont d'autant plus significatifs qu'ils gouvernent actuellement en coalition avec les socialistes leur région respective, la Catalogne et la Galice. ERC fut en outre aussi l'allié national du PSOE de M. Zapatero lors de la première moitié de la législature précédente.

"Espagnolisme"

Le porte-parole parlementaire des indépendantistes catalans d'ERC, Joan Ridao, a confirmé l'une des raisons de l'isolement des socialistes. S'adressant vendredi à M. Zapatero, dans l'hémicycle avant le vote, il lui a reproché de "perdre de vue l'album de photos de la législature précédente" [lorsque la majorité relative de M. Zapatero était épaulée par ERC et par les écolos communistes; ndlr]. "Vous avez enseveli l'Espagne plurielle sous l'Espagne unie dans la diversité et vous semblez vouloir concurrencer l'espagnolisme du Parti Populaire" a poursuivi Joan Ridao.

Dans son discours d'investiture, le 8 avril, José Luis Rodriguez Zapatero avait prononcé 58 fois le mot España, Espagne, et substitué effectivement à son Espagne "plurielle" de 2004 la vision actualisée, moins centrifuge et moins idéologique, d'une Espagne "riche de sa diversité, unie par son passé et son futur". M. Zapatero avait en outre structuré son discours autour de l'expression "Mon idée de l'Espagne", lancée 23 fois en moins de 90 minutes et répétée à de multiples reprises ce vendredi. De quoi hérisser les nationalistes, qui prisent peu le mot Espagne et le remplacent systématiquement par l'expression "l'Etat espagnol".

Fin de la crispation?

Les socialistes tirent vertu de leur isolement apparent. Ils prétendent même l'avoir voulu, argumentant qu'ainsi ils n'auront pas les mains liées par un quelconque préaccord et que l'importance de leur majorité relative, 169 députés sur 350, suffit à mettre en oeuvre leur programme. M. Zapatero n'en propose pas moins à tous les groupes parlementaires, et avec une insistance particulière à l'importante opposition de droite incarnée par le PP, des "pactes d'Etat" portant sur la lutte contre le terrorisme (surtout celui des Basques de l'ETA), la politique extérieure européenne, l'organisation du pouvoir judiciaire et le financement des autonomies régionales.

Ouvert au dialogue, le président du PP, Mariano Rajoy, qualifie de "nécessité nationale" un consensus sur les grands dossiers. Peut-être assiste-t-on à la fin de la longue crispation qui domina lors de la législature précédente les relations entre gouvernement et opposition.

Chr. G.
[Voir aussi article ci-contre]
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