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LORS DE LA FINALE DE LA COUPE D'ESPAGNE DE FOOTBALL
Le roi d'Espagne hué: la télévision publique censure et manipule
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"Des milliers de personnes conspuent le roi et l'hymne [national] et TVE l'occulte"
titre le 14 mai 2009 à la une le quotidien espagnol de centre droit
El Mundo. Sur la photo du journal, le roi Juan Carlos et la reine Sofia,
debout côte à côte, semblent ignorer l'un des drapeaux
indépendantistes catalans déployés au stade Mestalla
de Valence. |
MADRID, jeudi 14 mai 2009 (LatinReporters.com) - Qu'un chef d'Etat, en l'occurrence
le roi Juan Carlos d'Espagne, et un hymne national soient hués divise
logiquement l'opinion. Mais que la télévision publique nationale
espagnole (TVE) censure d'abord cette réalité avant d'en présenter
une version manipulée, comme le 13 mai lors de la finale de la Coupe
d'Espagne de football entre l'Athletic de Bilbao et le FC Barcelone, ne résout
apparemment rien, que du contraire.
Le moment était très attendu, mais personne n'a pu le voir
en direct sur TVE. La télévision nationale établissait
en effet soudain une connexion avec Bilbao (Pays basque) et Barcelone (Catalogne), pour y "mesurer
l'ambiance", au moment précis où résonnait à
Valence, au stade Mestalla, les premiers accords de l'hymne national,
la Marche royale, couverts par une formidable vague de huées et de
sifflets.
Le gigantesque camouflet visait tant l'hymne que le roi Juan Carlos et la
reine Sofia, debout dans la tribune d'honneur. Peu avant, la police avait
retiré une énorme toile rouge déployée du haut
du premier étage des gradins du stade. Elle clamait en lettres blanches
"We are nations of Europe. Good-bye Spain".
L'hymne symbole de la nation et le couple royal, conspué dès son entrée
dans la tribune sans que TVE n'en rende compte,
étaient ainsi insultés par une multitude de nationalistes et indépendantistes
basques et catalans, supporteurs de leur club respectif nettement majoritaires parmi les quelque 50.000
spectateurs venus assister en terrain neutre, au soir du 13 mai à Valence, à la finale de la Coupe
d'Espagne, dite Coupe du roi. Le FC Barcelone la remporta sur le score de 4 buts à 1.
TVE ne diffusa qu'en différé, à la mi-temps, des
images du stade au moment où y retentissait l'hymne national. La direction
de la télévision publique s'excusait de "l'erreur humaine"
ayant empêché de les transmettre en direct. Mais dans la version
diffusée après plus de 45 minutes de retard, l'hymne national
résonnait de façon cristalline, comme si n'avaient jamais existé
les huées attestées notamment par le reportage de la radio
privée Cadena Ser, la plus écoutée d'Espagne. Dans le
tumulte, un reporter de cette radio estimait en direct que l'hymne national
était alors "le plus sifflé de l'histoire".
Directeur des sports de TVE destitué
TVE semble donc, quoiqu'elle le nie "catégoriquement", avoir recouru
à la censure, puis à la manipulation. Le discours de démocratisation
des médias publics tenu par le gouvernement socialiste de José
Luis Rodriguez Zapatero s'en trouve déforcé. Même des
Espagnols royalistes estiment ce retour à une méthode franquiste
plus grave que l'affront infligé au roi Juan Carlos.
L'accusation de censure est formulée par des associations de téléspectateurs
et par des médias aussi différents que l'influent quotidien
de centre gauche El Pais et son concurrent de centre droit El Mundo. L'ampleur
de l'indignation médiatique, renforcée par les commentaires
virulents de milliers d'internautes, critiques à la fois de la censure
et de l'outrage nationaliste, a débouché le 14 mai sur la destitution
de Julian Reyes, directeur des sports de TVE. Faire sauter ce fusible suffira-t-il
à endiguer un scandale qui frappe tant la crédibilité
des médias publics espagnols que le crédit d'une institution
royale surprotégée?
"Les sifflets avec lesquels des dizaines de milliers de supporteurs de l'Athletic
[de Bilbao] et du Barça [le FC Barcelone] ont accueilli hier au stade
Mestalla le roi et l'hymne national .... révèlent un problème
de fond qu'on ne résout évidemment pas en l'occultant" écrit
l'éditorialiste d'El Mundo. Selon lui, "il est clair qu'existe le
danger [d'une fracture de l'Espagne] et qu'il faudra l'affronter".
Avant la finale, le président du FC Barcelone, Joan Laporta, l'avait
présentée comme un match entre équipes de deux "pays"
[la Catalogne et le Pays basque; ndlr].
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