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Censure au Venezuela : le cas RCTV
par Daniel Duquenal (*) - Venezuela News and Views
[Mercredi 13 juin 2007 - LatinReporters.com - Autorisation de reproduction
octroyée par l'auteur]
Le non-renouvellement du permis de RCTV (Radio Caracas Televisión),
principale station privée de TV au Venezuela, est
présenté très différemment en fonction de votre interlocuteur.
De la perspective des amis de Chavez c'était simplement une mise en
ordre dans la répartition du spectre d'ondes hertziennes. Du point
de vue de l'opposition à Chavez, et de la plupart des médias
et des démocraties, il semble que la liberté d'expression au
Venezuela a reçu un coup mortel.
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Le président vénézuélien Hugo Chavez - Photo Prensa Presidencial |
Pour la fermeture de RCTV, Chavez et ses défenseurs offrent deux
raisons. D'abord, l'Etat a eu besoin du spectre favorable VHF de RCTV pour
l'employer à créer un service public indépendant, loin
de la commercialisation grossière, avec un contenu véritablement
éducatif. Et en second lieu, l'Etat a décidé que la
concession de RCTV ne devrait pas être renouvelée en raison de
son engagement politique, y compris une participation prétendue au
coup d'Etat de 2002 contre Chavez.
Ces arguments ne tiennent pas. Il n'y a eu aucune investigation sérieuse
ou mesure juridique prise contre RCTV depuis 2002, seulement des attaques
verbales. Sur la question technique, l'Etat a assez de fréquences VHF
et de fréquences ultra-hautes UHF pour créer son propre réseau
ou, au besoin, pour forcer RCTV à y passer pour libérer ses
ondes plus favorables à la transmission. En fait l'Etat n'a eu aucun
problème à créer ViVe TV tout en refusant des emplacements
aux réseaux privés tels que Globovision, la chaîne d'information
24 heures.
Savoir si RCTV a été "fermée" ou a vu sa concession
non renouvelée est une discussion sans grande importance: il y a des
appels judiciaires quant à la légalité des règlements
gouvernementaux qui définissent la période des concessions. Mais
ces appels languissent aux tribunaux tandis que d'autres questions légales
sont rapidement décidées en faveur du gouvernement Chavez. Par
exemple, la mauvaise foi du pouvoir a été soulignée quand
une décision juridique a été prise 24 heures après
sa soumission: cette décision a permis à l'Etat d'employer toutes
les stations de relais de RCTV sans compensation. De cette façon, non
seulement RCTV a perdu ses longueurs d'onde, elle a également été
dessaisie de tout son équipement de transmission.
Même la notion idéaliste de créer un service public
TV ne tient pas. Le directoire de TVes, le nouveau réseau culturel
"d'Etat" créé pour remplacer RCTV, a eu tous ses directeurs
nommés directement ou indirectement par le gouvernement. TVes commence
avec les sombres augures de devenir juste un autre réseau au service
de l'agenda politique de Chavez. L'organisme de contrôle, Conatel,
est également complètement soumis à Chavez. Il n'y eut
aucune tentative de maintenir même un faux-semblant d'impartialité.
Ce que nous devons comprendre est que le véritable intérêt du gouvernement
est le contrôle de l'information qui passe à travers les ondes
hertziennes libres.
L'administration de Chavez avait décidé il y a longtemps de
saturer l'air avec des messages pro-gouvernementaux, en particulier dans les
régions plus rurales du pays où les médias indépendants
dépendent de la publicité de l'Etat ou des autorités
locales pour leur survie. Seuls les médias situés dans les centres
urbains de Caracas, de Valencia et de Maracaïbo ont accès à
assez de revenus indépendants pour survivre sans publicité de
l'Etat, des entreprises d'Etat ou de l'administration locale. En outre, au
cours des cinq dernières années l'Etat a renforcé l'extension
de la TV d'Etat, VTV; il a ajouté un réseau de signal
libre, ViVe, et deux autres réseaux en partie libres et en partie
câblés, ANTV et la réponse à CNN, TeleSur. La
portée de ce dernier est en hausse: par exemple à Caracas un
groupe financier pro-Chavez a acheté la chaîne locale CMT, mais
le congédiement de son personnel en a fait un simple relais pour TeleSur.
Aujourd'hui dans quelques régions du Venezuela vous pouvez seulement
obtenir une demi-douzaine de stations radio, toutes sont format musique ou
émetteur d'Etat, sans que le message d'opposition puisse pénétrer
les ondes hertziennes locales.
Depuis 2004, deux réseaux privés de signal libre sur tout
le pays ont cédé à la pression du gouvernement et sont
devenus neutres sinon pro-gouvernementaux. Après la réélection
de Chavez en 2006, RCTV était le seul réseau critique ayant
encore une couverture libre nationale. L'autre réseau critique, Globovision,
n'a de signal libre qu'à Caracas et à Valencia et à travers
le câble ailleurs. Les systèmes de câble atteignent seulement
environ 25 % des foyers vénézuéliens. Avec la fermeture
de RCTV, peut-être 70 % de Vénézuéliens n'ont
pour information rien d'autre qu'un déluge de propagande gouvernementale.
Ce pourcentage est beaucoup plus haut parmi les classes sociales à
revenus inférieurs qui dépendent davantage des transmissions
TV gratuites.
La fermeture de RCTV a été une décision strictement
politique, conçue pour limiter la critique contre Chavez. Les attaques
récentes contre le réseau dissident restant, Globovision, impliquent
que le gouvernement considère la fermeture de la dernière option
permettant que les plaintes des personnes soient exprimées publiquement
à la télévision. Le directeur de la station a été
sommé à comparaître devant le procureur de la République,
après l'accusation contre Globovision d'avoir essayé d'inciter
à une tentative d'assassinat du président.
Avec la perte de RCTV le Venezuela a perdu sa liberté d'information.
L'information est cruciale pour permettre aux personnes de s'exprimer elles-mêmes.
La liberté d'expression est à partir de maintenant sérieusement
menacée.
(*) En commentant depuis 2002 sur son blog Venezuela News and Views
l'évolution politique de son pays, le Vénézuélien Daniel Duquenal
a acquis une notoriété internationale que reflètent
ce jour plus de 70.000 mentions de son nom sur le chercheur Google. Publiés
originellement en anglais, des articles de Daniel Duquenal sont traduits
par lui-même en français et en espagnol. L'original de l'article ci-dessus a été publié par Index on Censorship.
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