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Historique: l'OEA révoque l'exclusion de Cuba, mais pas de réintégration automatique
Jeudi 4 juin 2009 (LatinReporters.com) - La décision est historique et marquera l'ère Obama.
En vigueur depuis près d'un demi-siècle, l'exclusion de Cuba de l'Organisation des Etats
américains (OEA) a été révoquée le 3 juin par acclamations des 34
pays, dont les Etats-Unis, de cette organisation continentale. Elle tenait
au niveau des chefs de la diplomatie sa 39e Assemblée générale
à San Pedro Sula, au nord du Honduras. La levée de l'exclusion
ne signifie pas la réintégration automatique de Cuba, qui devrait
en prendre l'initiative alors que le président Raul Castro et son frère
Fidel se sont plusieurs fois prononcés contre le retour de leur
île au sein de l'OEA.
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Manuel Zelaya, président du Honduras et hôte de la 39e Assemblée
générale de l'OEA. A ses yeux, l'exclusion de Cuba était
"une infamie". (Photo Juan Manuel Herrera - OAS/OEA) |
La résolution adoptée par l'Assemblée générale
déclare "sans effet" celle qui avait exclu Cuba en 1962, lorsqu'en
pleine guerre froide l'OEA jugeait le régime communiste de Fidel Castro
incompatible avec le système interaméricain. La révocation
de cette exclusion était réclamée par la quasi totalité
des pays d'Amérique latine. Même si elle ne débouchera
pas nécessairement sur une réintégration, elle est
saluée comme un succès diplomatique que revendiquent tant les
Etats-Unis que le président Hugo Chavez du Venezuela et ses alliés
régionaux de la gauche radicale. Selon ces derniers, l'OEA a réparé
une "infamie historique" et le retour ou non de Cuba en son sein ne semble
que secondaire par rapport à cette victoire.
La levée de l'exclusion reflète aussi et peut-être surtout
le renouveau de la politique continentale de Washington sous la présidence
de Barack Obama. A San Pedro Sula, le secrétaire d'Etat adjoint américain
pour l'Amérique latine, Thomas Shannon, a estimé que l'appui
des Etats-Unis à cette décision et les mesures prises depuis
mars (levée de restrictions aux voyages et transferts d'argent d'Américano-Cubains,
dialogue sur l'immigration) constituent "le plus grand changement" de la politique
de Washington à l'égard de La Havane depuis 40 ans.
A Caracas, le président vénézuélien Hugo Chavez a qualifié
de "grand triomphe de la gauche bolivarienne" l'annulation de l'exclusion
de Cuba. Mais selon lui, "ce n'est pas suffisant, c'est seulement le point
de départ d'une nouvelle ère, car l'OEA est toujours là,
avec ses mécanismes et l'impérialisme intacts". Aussi, selon
le président Chavez, faudrait-il créer "une organisation de
pays latino-américains et des Caraïbes".
S'il a utilisé l'OEA pour obtenir ce qu'il pense être une victoire
diplomatique, Hugo Chavez n'en a pas moins pour l'organisation continentale
un mépris égal à celui qu'affiche Cuba. Dans ses "Réflexions"
qu'il livre à un rythme soutenu aux médias cubains, Fidel Castro
traitait le 2 juin l'OEA de "complice de tous les crimes commis contre Cuba"
et d'instrument "d'agressions politiques et économiques" contre l'Amérique
latine. Sur le même ton, il écrivait déjà en avril
dernier que "cela nous offense lorsqu'on suppose que nous [les Cubains] souhaiterions
réintégrer l'OEA. Le train est passé depuis longtemps...
Un jour, de nombreux pays demanderont pardon de lui avoir appartenu". Il
faudra toutefois observer la réaction de Fidel et Raul Castro à
la résolution historique adoptée à San Pedro Sula.
Texte de la résolution de l'OEA qui laisse "sans effet" l'exclusion
de Cuba
(Traduction de LatinReporters - original en espagnol)
"L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE:
RECONNAISSANT l'intérêt partagé d'une pleine participation
de tous les Etats membres;
GUIDÉE par les objectifs et principes établis de l'Organisation
des Etats américains contenus dans la Charte de l'organisation et dans
ses autres instruments fondamentaux concernant la sécurité,
la démocratie, l'autodétermination, la non-intervention, les
droits de l'homme et le développement;
CONSIDÉRANT l'ouverture qui caractérisa le dialogue
des chefs d'Etat et de gouvernement au Ve Sommet des Amériques, à
Port-d'Espagne, et qu'avec ce même esprit les Etats membres souhaitent
établir un cadre ample et revitalisé de coopération dans
les relations hémisphériques; et
RAPPELANT que conformément à l'article 54 de la Charte de
l'Organisation des Etats américains l'Assemblée générale
est l'organe suprême de l'organisation,
DÉCIDE:
1. Que la résolution VI adoptée le 31 janvier 1962 lors de
la 8e réunion de consultation des ministres des Relations extérieures,
par laquelle le gouvernement de Cuba fut exclu de sa participation au Système
interaméricain, demeure sans effet au sein de l'Organisation des Etats
américains.
2. Que la participation de Cuba au sein de l'OEA sera le résultat
d'un processus de dialogue initié à la demande du gouvernement
de Cuba et conformément aux pratiques, objectifs et principes
de l'OEA."
Cuba comme outil ou prétexte?
Donc si, contrairement à l'opinion exprimée ces derniers mois
par le président Raul Castro et son frère Fidel, Cuba estimait
tout de même utile de réintégrer l'OEA, elle devrait prendre
l'initiative de demander l'ouverture d'un "processus de dialogue" en vue
de cette réintégration. Ainsi, non seulement cette dernière
n'est pas automatique, mais elle devrait en outre satisfaire aux "pratiques,
objectifs et principes de l'OEA".
Dans un communiqué diffusé à Washington par le département
d'Etat, sa titulaire, Hillary Clinton, a interprété clairement
la résolution en affirmant que "Cuba peut revenir à l'OEA dans
le futur si l'OEA décide que sa participation satisfait aux objectifs
et principes de l'organisation, y compris la démocratie et les droits
de l'homme".
Que la résolution soit néanmoins applaudie aussi par les pays
de la gauche radicale - Venezuela, Bolivie, Nicaragua, Equateur, Honduras-
s'explique sans doute, outre les calculs diplomatiques, par le paragraphe
où sont cités également "l'autodétermination, la non-intervention,
le développement", qui peuvent être interprétés
comme des rappels à l'ordre adressés aux Etats-Unis. D'autre
part, même les mots "démocratie" et "droits de lhomme", chers
à Washington, sont en Amérique latine l'objet de définitions
contradictoires en fonction de la priorité octroyée soit aux
libertés individuelles, soit, comme Cuba et ses alliés, aux
droits collectifs économiques et sociaux.
A noter le coup de chapeau de la résolution à l'esprit de
dialogue qui marqua, en avril au Ve Sommet des Amériques, la première
rencontre du président Barack Obama avec l'ensemble de ses pairs du
continent. Cependant, "il serait naïf de croire que les bonnes intentions
d'un président des Etats-Unis pourraient justifier l'existence de
l'OEA" écrivait Fidel Castro le 2 juin. L'ex-Lider Maximo, toujours
premier secrétaire du Parti communiste cubain, rêve à
voix haute, comme Hugo Chavez, d'une nouvelle organisation continentale, une
éventuelle Organisation des Etats latino-américains, une OEA
sans les Etats-Unis ni le Canada.
Dans l'immédiat, c'est la levée de l'embargo américain
contre Cuba - il remonte lui aussi à 1962- que l'Amérique latine
va continuer à exiger de Barack Obama. L'île des frères
Castro est peut-être devenue le prétexte ou l'outil d'une lutte
d'intérêts qui dépasse ses frontières et qui vise
à une remise en cause des relations continentales, souhaitée
même par les pays latino-américains de la gauche modérée
ou conservateurs tels que, respectivement, le Brésil et le Mexique.
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