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Amérique latine: 11 élections présidentielles en 14 mois renforceront-elles la gauche?
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Lula, président du Brésil (à gauche) et son homologue vénézuélien Hugo Chavez. Ils brigueront la réélection. Photo Prensa Presidencial (Caracas) |
BUENOS AIRES, mardi 9 août 2005 (LatinReporters.com) - Le profil politique de l'Amérique
latine sera remodelé entre fin 2005 et fin 2006 par les élections
présidentielles dans onze pays qui réunissent 85% de la population,
du territoire et du PIB latino-américains. Les deux puissances régionales,
Brésil et Mexique, ainsi que le Venezuela sont concernés. Le
glissement à gauche se confirmera-t-il?
Honduras et Haïti en novembre, puis Bolivie et Chili en décembre
éliront leur chef d'Etat en 2005. Lors des premiers mois de l'an
prochain, ce sera le tour du Costa Rica (février), du Pérou
(avril) et de la Colombie (mai). Au second semestre de 2006, le Mexique
(juillet), le Brésil (octobre), le Nicaragua (novembre) et le Venezuela
(décembre) fermeront ce cycle impressionnant de onze scrutins présidentiels
en 14 mois.
L'Equateur pourrait s'y ajouter si une dégradation de la situation
obligeait le président Alfredo Palacio, successeur de Lucio Gutierrez
depuis les troubles d'avril dernier, à convoquer des élections
anticipées en 2006. En outre, des élections législatives
séparées (dans la région, elles sont en général
concomitantes de la présidentielle) auront lieu en octobre 2005
en Argentine et en décembre 2005 au Venezuela..
L'analyste politique argentin Rosendo Fraga relève qu'au cours
des dernières décades, des vagues successives ont marqué
la politique en Amérique latine: guérillas et dictatures
militaires dans les années 70, ouverture sociale-démocrate
lors de la décade des 80, modèles néolibéraux
des années 90 et, récemment, glissement régional vers
la gauche, soit dans le style pragmatique du président brésilien
Lula, soit à la façon populiste du vénézuélien
Chavez.
Toutes tendances confondues, de la plus tempérée à
la plus radicale, la gauche inspire aujourd'hui à des degrés
divers les gouvernements du Venezuela, de Cuba, du Panama, de l'Argentine,
de l'Uruguay, du Chili et du Brésil. A la seule exception de ceux
de Cuba, les dirigeants de ces pays ont été élus démocratiquement.
La séquence très serrée de onze prochaines élections
présidentielles en 14 mois pourrait accroître, estime Rosendo
Fraga, l'effet de contagion, le résultat d'un ou de plusieurs scrutins
risquant de peser sur ceux qui les suivent.
De fait, les deux pays qui ferment le cycle, le Nicaragua et le Venezuela,
ne devraient pas être indifférents au choix, le même
semestre, des électeurs mexicains et brésiliens. Le Brésil,
avec près de 200 millions d'habitants, et le Mexique, qui en compte
100 millions, représentent à eux seuls les deux tiers de l'Amérique
latine dans ses principaux indicateurs.
Toujours à titre d'exemple non limitatif, la nouvelle carte électorale
du Chili et de la Bolivie aura des répercussions au Pérou.
Changement historique au Mexique?
Le Mexique pourrait connaître en juillet 2006 un changement historique.
La gauche conduite par Andres Manuel Lopez Obrador, candidat du Parti de
la révolution démocratique (PRD), occupe en effet depuis plusieurs
mois la tête des sondages. Sa victoire aurait la même résonance
que celle, en 2002 au Brésil, de Luiz Inacio Lula da Silva, leader
du Parti des travailleurs (PT). Les analystes observeront l'attitude de Lopez
Obrador à l'égard de l'ALENA, l'Accord de libre-échange
nord-américain qui englobe les Etats-Unis, le Mexique et le Canada.
Le Nicaragua, lui, verra peut-être la gauche sandiniste récupérer
le pouvoir par la voie des urnes. L'axe Caracas-La Havane s'étirerait-il
alors jusqu'à Managua? Washington et d'autres capitales s'en inquiètent.
Inquiétudes américaines aussi à propos de la Bolivie,
secouée depuis deux ans par la "guerre du gaz". Ses réserves
de gaz naturel sont les plus importantes d'Amérique du Sud après
celles du Venezuela. Leur nationalisation est prônée par l'un
des favoris de la présidentielle bolivienne du 4 décembre
prochain, le leader amérindien Evo Morales, proche du vénézuélien
Hugo Chavez et du cubain Fidel Castro.
Au Pérou voisin, perturbé sporadiquement aussi par des
autochtones aymaras et quechuas, le parti centriste Pérou Possible
du président Alejandro Toledo risque d'être laminé
à la présidentielle d'avril 2006. Les sondages sourient à
la sociale-chrétienne Lourdes Flores. Frappé d'inéligibilité,
réclamé par la justice péruvienne et réfugié
au Japon, l'ex-président populiste autoritaire Alberto Fujimori
jouit encore d'une popularité -parfois supérieure à
10%- qu'il reporterait sur son frère, Santiago Fujimori, si ce dernier
se lançait dans la course à la présidence.
Au Chili, triomphe probable de la socialiste Michelle Bachelet et en
Colombie du conservateur Alvaro Uribe (principal allié de Washington
en Amérique du Sud), à condition que le Tribunal constitutionnel
colombien avalise la réforme permettant à un président
de briguer un second mandat consécutif.
Sous réserve d'inconnues diverses, y compris l'évolution
des cours du pétrole dont la hausse a renforcé son pouvoir,
le président Hugo Chavez du Venezuela devrait, selon la plupart des
observateurs, se succéder à lui-même lors de la présidentielle
de décembre 2006. Il faudra néanmoins analyser les résultats
des législatives vénézuéliennes du 4 décembre
prochain. Une répétition de la vague abstentionniste -78%
selon l'opposition et 69% selon le Conseil national électoral- enregistrée
aux élections municipales du 7 août dernier ébranlerait
les chavistes.
L'importance du Brésil
En octobre 2006, deux mois avant la présidentielle vénézuélienne,
Lula jouera sa réélection à la présidence du
Brésil. Les scandales de corruption qui frappent son Parti des travailleurs
compliquent déjà cette ambition. Lula demeure le politicien
le plus populaire du Brésil, mais il est désormais sur la
défensive. Peu probable, son échec éventuel profiterait
aux sociaux-démocrates de l'ex-président Fernando Henrique
Cardoso, voire au populiste Anthony Garotinho, ex-gouverneur de l'Etat de
Rio de Janeiro.
Sauf improbable revers de Chavez au Venezuela, l'élection brésilienne
sera théoriquement la plus importante des onze présidentielles
qui vont se succéder en Amérique latine. Le Brésil,
note l'analyste argentin Rosendo Fraga, est l'unique pays d'Amérique
du Sud pouvant nourrir une vocation d'acteur global sur la scène
mondiale.
D'autres analystes précisent que la taille quasi continentale
et les potentialités du Brésil auraient convaincu les Etats-Unis
de la nécessité de traiter ce pays avec les égards
dus à une puissance régionale. D'autant plus que Lula, -de
gauche, mais pragmatique- pourrait être un frein efficace à
l'expansion en Amérique latine de la "révolution bolivarienne"
du président vénézuélien Hugo Chavez.
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