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L'épouse du président Nestor Kirchner favorite de l'élection présidentielle
Argentine - Chavez et le profil international de Cristina Kirchner
Par Julio BURDMAN (*)
BUENOS AIRES, dimanche 5 août 2007 (LatinReporters.com) - Constitutionnellement,
le président argentin Nestor Kirchner, péroniste de gauche
élu en 2003, pourrait briguer sa propre succession à l'élection
présidentielle du 28 octobre prochain, mais il soutient la candidature de sa femme, la
sénatrice Cristina Fernandez de Kirchner. Parfois surnommée la Hillary (Clinton)
argentine, Cristina, 54 ans, caracole en tête des sondages avec quelque 50% des intentions
de vote. Son élection étant probable, les analystes tentent de décoder
l'inconnue qu'est encore son profil politique international.
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Le président argentin Nestor Kirchner et son épouse, la sénatrice Cristina Fernandez de Kirchner. Appuyée par son mari, elle est candidate à l'élection présidentielle du 28 octobre 2007. Les sondages prédisent sa victoire. Photo Presidencia de la Nación Argentina - Province de Buenos Aires, 7 juin 2007 |
La campagne de Cristina a commencé et les premiers discours de la
candidate sont lus et épluchés comme s'ils étaient des
échantillons d'ADN. En Argentine a toujours existé une forte
dépendance du mécanisme de décision présidentielle
et, en outre, les années qui viennent posent de vigoureuses questions
en matière économique, énergétique et internationale.
Et que fera Cristina ? On sait très peu d'elle. De Nestor Kirchner
aussi savait-on peu en 2003, mais l'actuel président avait alors
derrière lui 12 années à la tête de la province
de Santa Cruz et dans cette gestion préalable résidait la piste
à suivre par qui voulait comprendre son style et sa logique de gouvernement.
Cette expérience santacruzienne de Kirchner s'est largement reflétée
dans sa présidence. Cristina, par contre, n'a que l'expérience
de législatrice dans un pays où les présidents élus
furent toujours auparavant gouverneurs de province. On ignore également
la manière dont sa relation matrimoniale influera sur son éventuel
gouvernement.
L'une des questions entourée des plus grandes inconnues est le
profil d'insertion internationale que Cristina donnerait à l'Argentine.
Avec son mari, le pays a connu des années d'isolement, que lui-même
justifia en partant de la grave crise intérieure. En défaut
de remboursement et requise par le monde entier d'honorer ses bons publics
et ses contrats rompus, loin déjà de la décennie d'alignement
sur Washington, privée de sources de financement externe et positionnée
contre le FMI, l'Argentine s'en trouva poussée à une alliance
avec le président vénézuélien et antiaméricain
Hugo Chavez.
Cristina, cherchant à prendre ses distances et à se doter
d'un profil personnel, marqua ses différences par rapport au caudillo
militaire vénézuélien lors de son voyage à
Caracas de mars dernier. Elle voulait, disait-elle, servir de pont entre
la communauté juive et Chavez, quelques mois après la guerre
entre Israël et le Hezbollah qui fit monter la tension. Chavez n'apprécia
pas la visite de la Première Dame argentine. Ils déjeunèrent
ensemble au palais de Miraflores, mais aucun représentant de la présidence
n'avait accueilli Cristina à l'aéroport: tout indiquait qu'elle
était derrière l'appui de l'exécutif argentin à
la procédure judiciaire contre l'Iran dans l'affaire de l'AMIA et
derrière l'éloignement du gouvernement de Luis D'Elia, le fonctionnaire
piquetero et chaviste.
[NDLR - L'Iran, nouvel "allié stratégique" du Venezuela, est impliqué par la justice argentine dans l'attentat à la camionnette piégée
commis le 18 juillet 1994 à Buenos Aires contre l'Association Mutuelle
Israélite Argentine, AMIA. Cette attaque terroriste, la plus meurtrière
jamais perpétrée en Amérique latine, fit 85 morts et
300 blessés.]
Les déclarations récentes en Espagne de Cristina Kirchner
sur Chavez illustrent la nature déjà plus pragmatique de la
désormais candidate à la présidence qui prévoit
une relation cordiale avec le maître du pétrole. Mais avec
une ambiguïté qu'exprime l'épisode précédent
de mésentente. Cristina a légitimé à Madrid
la demande d'incorporation de Chavez au MERCOSUR, le marché commun
sud-américain, en déclarant qu'il satisfait à la clause
démocratique de ce bloc. Néanmoins, elle n'a plus comparé
Chavez au Peron des années 40, comme le faisait Kirchner il y a peu,
mais plutôt au président russe Vladimir Poutine, confronté
aujourd'hui à de vives critiques internationales.
[NDLR - "L'équation énergétique latino-américaine ne peut pas être résolue sans la présence du Venezuela
et de la Bolivie. L'Amérique latine a besoin de Chavez comme l'Europe
de Poutine" déclarait Cristina Kirchner dans le quotidien madrilène
El Pais du 26 juillet 2007.]
Le phénomène global qu'est Chavez s'est converti en jauge
des politiciens de la planète. Etre plus distant ou plus proche de
lui est en soi toute une définition idéologique. Le maire
travailliste de Londres, Ken Livingstone, s'affiche en ami de Chavez pour
signifier au New Labour qu'il se situe, lui, plus à gauche. Et fin
juillet à Madrid, essayant de séduire les Espagnols non convaincus
qu'entre elle et son mari il y ait de grandes différences, Cristina
a fait subtilement la même chose que Livingstone, mais en sens inverse.
(*) Le politologue argentin Julio Burdman est directeur des Etudes
de Relations internationales de l'Université de Belgrano et directeur
de l'Observatorio Electoral Latinoamericano.
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