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Bolivie - Guerre de l'étain: 16 mineurs tués, 81 blessés et Evo Morales parle de "conspiration"
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A la une de la presse bolivienne, combats à la dynamite et au fusil autour de la mine de Huanuni |
LA PAZ, dimanche 8 octobre 2006 (LatinReporters.com) - Des combats à la dynamite, au fusil
et à coups de pelle ont fait jeudi et vendredi en Bolivie 16 morts
et 81 blessés lors d'affrontements entre mineurs pour le contrôle
de la mine d'étain de Huanuni, la plus importante d'Amérique
du Sud. Critiqué et parlant de "conspiration", le président
Evo Morales a destitué et remplacé son ministre des Mines.
Le nombre de morts avait d'abord été estimé à
21 par le Défenseur du Peuple, Waldo Albarracin. Il a contribué,
avec des représentants de l'Eglise et d'organisations de défense
des droits de l'homme, à séparer les combattants. L'envoi
trop tardif de 700 policiers a été décisif pour rétablir
un calme peut-être seulement provisoire.
Dans le périmètre de la mine et de son principal gisement,
la montagne Posokoni, mais aussi dans la ville même de Huanuni (20.000
habitants), les dégâts matériels sont énormes.
"Pareils à ceux d'une guerre" se lamente le ministre de la Présidence,
Juan Ramon Quintana.
Il s'agit de la crise la plus grave à laquelle ait été
confronté Evo Morales depuis son investiture, le 22 janvier dernier.
Le leader amérindien a admis, samedi, qu'il vient de vivre son
"pire moment" en tant que président. Il avait dénoncé
auparavant l'attitude "individualiste et mesquine" des mineurs des deux
camps et reconnu ne pas pouvoir "comprendre comment des secteurs ouvriers
qui étaient à l'avant-garde des revendications peuvent s'affronter
et endeuiller le peuple".
A 280 km au sud-est de la Paz et perchée à 4.000 mètres
d'altitude dans les Andes, la mine de Huanuni fournit 5% de l'étain
mondial et 60% de la production bolivienne de ce métal. Après
le gaz naturel, nationalisé le 1er mai dernier, et les "remesas"
(envois d'argent) des émigrés, l'étain est la 3e principale
source de revenus de la Bolivie. Son cours est en hausse sur les marchés
internationaux.
Les assaillants étaient plusieurs centaines. Il s'agit de "cooperativistas",
des mineurs de coopératives créées dans les années
1980 pour éponger la masse de chômeurs issus de la grande crise
minière de l'époque. Au fil des ans, les "cooperativistas"
ont gagné le surnom de "déprédateurs". Jeudi, ils ont
littéralement attaqué, dans l'intention de les déloger
et de les supplanter, les 1.200 mineurs qui travaillent dans la mine de Huanuni,
des salariés de l'entreprise publique COMIBOL (Corporacion Minera
de Bolivia), propriétaire de l'exploitation. Les victimes appartiennent aux deux camps.
Les "déprédateurs" sont près de 70.000 dans l'ensemble
de la Bolivie. En 2004, nul n'avait pu leur résister lorsqu'il prirent
par la force, au prix de neuf morts et une cinquantaine de blessés,
le contrôle des mines de Caracoles, Colquiri, Sayaquiri, El Totoral
y San Vicente.
Les coopératives de mineurs ont progressivement dilué leur
objectif social. La plupart fonctionnent comme des entreprises privées,
recherchant les bénéfices et surexploitant leurs travailleurs
affiliés.
Les "cooperativistas" avaient fortement soutenu la campagne électorale
du MAS (Mouvement vers le socialisme) d'Evo Morales avant les élections
présidentielle et législatives du 18 décembre 2005. Morales
a été élu chef de l'Etat et son MAS contrôle
la majorité absolue parlementaire. Dans les meetings électoraux,
on avait vu plusieurs fois l'actuel président haranguer la foule
coiffé d'un casque de mineur.
Le ministre des Mines, Walter Villaroel, destitué vendredi pour
apaiser l'opinion publique, était président de la Fédération
nationale de coopératives minières de Bolivie, soit "déprédateur"
en chef, avant son entrée au gouvernement. Aussi l'agence Bolpress,
d'ordinaire favorable au président Morales, qualifiait-elle samedi
le massacre de Huanuni de "pacte de sang entre le gouvernement d'Evo Morales
et la Fédération de coopératives minières de
Bolivie".
Walter Villaroel a cédé son portefeuille ministériel
à Guillermo Dalence, formé au combat social dans... les coopératives,
prétendent quelques journalistes boliviens, mais surtout à
la tête des
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Evo Morales en campagne électorale dans la ville minière de Huanuni avant l'élection présidentielle de décembre 2005 - Photo MAS |
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syndicats des mines publiques, corrigent d'autres. Le
président de la COMIBOL a également été remplacé.
"Conspiration"
Quelques heures avant ce remaniement, Guillermo Vilela, responsable de l'Assemblée
des droits de l'homme de Bolivie (ADHB), avait rejeté au moins partiellement
la responsabilité du massacre sur Evo Morales: "Il y a deux semaines,
nous avions averti le Palais Quemado [siège de la présidence]
de la tragédie qui se préparait, mais personne ne nous a prêté
attention".
Selon le sénateur Oscar Ortiz, du parti Podemos (opposition conservatrice),
le drame de Huanuni serait l'une des "conséquences de la frustration
due au non respect des promesses électorales du MAS. Ils ont fait
des promesses contradictoires aux deux parties: aux cooperativistas
on leur a offert de protéger leurs intérêts et on leur
a donné un ministère; aux salariés, on leur avait promis
de nationaliser le secteur des mines afin qu'il soit entièrement
géré par la COMIBOL. Mais il était impossible que le
gouvernement puisse tenir ces deux promesses à la fois".
Devant les médias, le président Morales a associé
les affrontements meurtriers entre mineurs à "une conspiration interne
et externe contre la démocratie, mon gouvernement et la Bolivie".
Un épisode qu'il verse donc au dossier d'un supposé complot
permanent contre l'actuel régime autochtono-socialiste d'une Bolivie
alliée à Cuba et au Venezuela d'Hugo Chavez. Le pedigree des
"déprédateurs" était pourtant connu avant qu'Evo Morales
ne fasse entrer leur chef au gouvernement.
Le président reconnaît tout de même qu'il n'a pas comblé,
dans le secteur minier, "les attentes du peuple". La Centrale ouvrière
bolivienne (COB, principal syndicat national) saisit l'occasion pour exiger à
nouveau la nationalisation des mines, conformément à la promesse
d'Evo Morales.
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