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Colombie : dernier message du nº2 de la guérilla avant d'être abattu
Ingrid Betancourt "grossière et provocatrice" (Raul Reyes, FARC)
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Cadavre de Raul Reyes, nº2 des FARC, tué le 1er mars 2008 par l'armée colombienne Photo Comando del Ejército |
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BOGOTA, lundi 3 mars 2008 (LatinReporters.com) -
Ingrid Betancourt "est grossière et provocatrice" écrivait dans son dernier message
connu Raul Reyes, numéro deux de la guérilla marxiste des FARC,
avant d'être abattu le 1er mars par l'armée colombienne. Il
justifiait ainsi implicitement les mauvais traitements infligés à
la Franco-Colombienne, otage de la guérilla depuis le 23 février
2002.
Dans le camp des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) qu'elle avait
bombardé samedi, tuant le numéro
deux et seize autres membres de cette guérilla sur le territoire de
l'Equateur, à 1.800 mètres seulement de la frontière
commune, l'armée colombienne a trouvé près
du cadavre de Raul Reyes trois ordinateurs.
Selon le général Oscar Naranjo, directeur de la police nationale
colombienne, leur contenu sera communiqué aux services appropriés
de divers pays, principalement les Etats-Unis. Les relations de complicité
liant les FARC à deux voisins de la Colombie, l'Equateur du président
Rafael Correa et le Venezuela de Hugo Chavez, y apparaissent clairement.
Les démentis attendus de Quito et de Caracas n'empêcheront pas
les gouvernements qui auront accès à ces documents, dont probablement
celui de la France, de se forger leur propre opinion, compte tenu du caractère
terroriste attribué officiellement aux FARC par les 27 pays de l'Union
européenne, ainsi que par les Etats-Unis et la Colombie.
Dans l'un des trois ordinateurs, le dernier message connu de Raul Reyes,
daté du 28 février 2008 (deux jours avant sa mort), est adressé
aux "Camarades du secrétariat". Le secrétariat des FARC est
le commandement collectif suprême de cette guérilla. Raul Reyes
était l'un de ses sept membres.
Le point 1 du message dit textuellement:
"La phase de libération unilatérale de prisonniers s'est
conclue avec succès. Nous nous débarrassons de plusieurs fardeaux
et nous consolidons notre politique à l'égard du président
Chavez. Le point noir est la montée de la pression en faveur d'Ingrid
[Betancourt], à cause des déclarations de Luis Eladio Pérez
[otage libéré par les FARC le 27 février], rendant
compte de son état extrêmement grave et du traitement discriminatoire
dont elle est l'objet. Pour autant que je sache, cette dame est d'un tempérament
volcanique, elle est grossière et provocatrice avec les guérilleros
chargés de s'occuper d'elle. En outre, s'y connaissant en image et
sémiologie, elle les utilise comme impact contre les FARC. En prévision
des plaintes de l'émissaire français [Noël Saez, ancien
consul de France à Bogota; ndlr], je compte l'informer de cette
situation".
Face à ses geôliers est ainsi confirmée la noble fermeté
d'Ingrid Betancourt, à mille lieues de l'attitude
de certains de ses proches et défenseurs, qui minaudent auprès
du couple FARC-Chavez dans l'espoir d'une libération de la Franco-Colombienne.
Quant aux mauvais traitements qu'elle subit et que Raul Reyes justifiait
implicitement, l'ex-otage et ancien parlementaire Luis Eladio Pérez
les résumait d'une phrase quelques heures après sa libération:
"La guérilla s'est acharnée sur Ingrid Betancourt". Relâché
avec trois autres ex-parlementaires colombiens le 27 février par les
guérilleros marxistes, Luis Eladio Pérez fut longtemps, dans
le même camp des FARC, le compagnon et le confident d'Ingrid Betancourt,
avec laquelle il tenta vainement de s'évader.
Remis par la guérilla à des délégués
de Hugo Chavez et reçu comme ses compagnons d'infortune à Caracas
par le président vénézuélien, Luis Eladio Pérez,
conscient ou non du commerce politique de la douleur des otages et de leurs
proches exercé par le tandem FARC-Chavez, révélait alors
publiquement le calvaire d'Ingrid Betancourt. "Très mal traitée
par la guérilla, elle a des problèmes physiques. Elle est très
malade et physiquement et moralement épuisée. Elle est enchaînée,
dans des conditions inhumaines, entourée de personnes qui ne lui rendent
en rien la vie agréable. Il faut le dire au monde" avertissait
l'ex-parlementaire.
Le grand écho immédiat de ces propos dans les médias audio-visuels
internationaux et l'émotion soulevée (d'où "le point noir" dont parlait
Raul Reyes) obligea le président Hugo Chavez à confirmer ses talents
d'acteur. Regardant la caméra, il lançait sur sa télévision
publique ce message à Manuel Marulanda, chef suprême des FARC:
"Marulanda, ... on m'explique que la situation d'Ingrid est difficile
et il est possible que tu ne le saches pas, car tu n'es pas avec elle. Je
sollicite que tu la changes d'endroit, change-la en la plaçant sous
un commandement plus proche de toi pendant que nous effectuons les démarches
qui ouvriront le chemin de sa libération".
Et Chavez serait acteur à plus d'un titre, si, comme le suggère Jacques Thomet,
ex-directeur de l'Agence France Presse (AFP) en Colombie, au Venezuela
et en Equateur, "Manuel Marulanda, âgé de 80 ans et atteint
d'un cancer de la prostate" vivait actuellement au Venezuela, "dans
une propriété de Ramon Rodriguez Chacin. Ce ministre vénézuélien
de l'Intérieur possède 500 ha dans l'Etat de Barinas, à
la frontière avec la Colombie". (Voir blog de Jacques Thomet).
Le général colombien Oscar Naranjo estime que le contenu des
ordinateurs de Raul Reyes révèle qu'il "guidait toute l'orientation
politique et militaire des FARC". Le chef guérillero abattu était
donc peut-être le nº1 réel ou en tout cas opérationnel
de la guérilla marxiste, vu l'âge et la maladie de Manuel Marulanda.
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