Quatre ex-parlementaires libérés par la guérilla - Témoignages accablants Colombie: Sarkozy prêt à "aller chercher" Ingrid Betancourt, martyrisée par les FARC
CARACAS / BOGOTA, jeudi 28 février 2008 (LatinReporters.com) -
"La guérilla s'est acharnée sur Ingrid Betancourt... Elle est très
malade et physiquement et moralement épuisée" déclarait
peu après sa libération Luis Eladio Pérez, l'un des
quatre ex-parlementaires colombiens relâchés le 27 février
par les guérilleros marxistes des FARC (Forces armées révolutionnaires
de Colombie). "Je suis prêt à aller moi-même à
la frontière Venezuela-Colombie chercher Ingrid Betancourt, si ce
devait être une condition des FARC", a affirmé jeudi le président
français Nicolas Sarkozy, en visite officielle en Afrique du Sud.
Moment précis où les FARC libèrent,
le 27 février 2008 dans le sud colombien, les quatre ex-parlementaires
Luis Eladio Pérez, Orlando Beltrán, Jorge Eduardo Géchem
et Gloria Polanco. Dans cet ordre, ils sont reçus
au bas d'un monticule par le ministre vénézuélien de
l'Intérieur, Ramon Rodriguez Chacin (en rouge), et par la sénatrice
colombienne Piedad Cordoba (vêtue de jaune) - 3min 31sec
"Le sort d'Ingrid Betancourt relève d'un geste humanitaire
et non pas d'un accord humanitaire [sur l'échange d'otages contre des
guérilleros détenus par les autorités colombiennes;
ndlr]... La France s'est engagée pour un accord humanitaire une fois
qu'Ingrid Betancourt sera libre" a poursuivi le président Sarkozy.
Il court-circuite ainsi la stratégie des FARC, dont un communiqué
vient de lier toute nouvelle libération d'otages à un accord
humanitaire qu'il faudrait négocier avec le gouvernement de Bogota
sur le territoire de Florida et Pradera. Les 800 km² de ces deux localités
du sud-ouest colombien devraient en outre, selon les rebelles, être
préalablement démilitarisés unilatéralement,
l'armée et la police s'en retirant pendant 45 jours, mais non les
guérilleros en armes. Une population de plus de 110.000 Colombiens
serait alors à la merci des FARC. Un risque inacceptable aux yeux
du président conservateur Alvaro Uribe.
"J'appelle les FARC à libérer sans délai
Ingrid Betancourt. Il s'agit d'une question de vie ou de mort... J'ai bien
entendu les témoignages des otages libérés... Ils sont
accablants par cette cruauté et cette barbarie qui soulèvent
le coeur... Il faut que les FARC le sachent et le comprennent: le martyre
qu'ils imposent à Ingrid Betancourt, c'est un martyre qu'ils infligent
à la France" a martelé Nicolas Sarkozy lors d'une conférence
de presse tenue au Cap avec le président sud-africain Thabo Mbeki.
A Paris, le Premier ministre François Fillon a confirmé le
durcissement français à l'égard de la guérilla
colombienne, soulignant que "le monde entier condamnera" les FARC s'ils ne
libèrent pas Ingrid Betancourt. "C'est vraiment la responsabilité
des FARC. C'est le jugement de l'histoire avec lequel les FARC ont rendez-vous
maintenant", a lancé le Premier ministre.
Les FARC, qui séquestrent la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt
depuis le 23 février 2002, sont ainsi désignées comme
les uniques responsables directes de son sort. La France ne cherche plus, du moins pour l'heure,
à coresponsabiliser le président colombien Alvaro Uribe,
comme elle l'a fait longtemps sous l'influence de la famille Betancourt.
Otages des FARC eux aussi pendant plus de six ans, les ex-parlementaires
colombiens Gloria Polanco, Luis Eladio Pérez, Orlando Beltrán
et Jorge Eduardo Géchem ont été libérés
par les rebelles le 27 février. Luis Eladio Pérez fut longtemps,
dans le même camp des FARC, le compagnon et le confident d'Ingrid Betancourt,
avec laquelle il tenta vainement de s'évader.
Comme six semaines plus tôt Clara Rojas et Consuelo Gonzalez de Perdomo,
otages colombiennes libérées le 10 janvier, les quatre ex-parlementaires
furent remis, dans la jungle du département du Guaviare (sud-est de
la Colombie) et avec l'accord du gouvernement de Bogota, à des délégués
du président du Venezuela, Hugo Chavez, interlocuteur privilégié
et allié idéologique "bolivarien" des FARC. La contrepartie
de ces libérations unilatérales est l'avantage politico-médiatique
international qu'estime en avoir retiré le couple FARC-Chavez, quoique
les témoignages accablants des otages libérés relativisent
et peut-être même anéantissent ce calcul.
Le ministre vénézuélien de l'Intérieur, Ramon
Rodriguez Chacin, et la "chaviste" Piedad Cordoba, sénatrice colombienne
de gauche, étaient à bord de deux hélicoptères
vénézuéliens médicalisés portant les emblèmes
de la Croix-Rouge. Ils recueillirent les otages et les emmenèrent
au Venezuela. A Caracas, les désormais ex-séquestrés
furent accueillis par leurs proches et reçus par le président
Chavez.
C'est dans la capitale vénézuélienne, s'adressant
à divers médias, que Luis Eladio Pérez a donné
l'alarme sur le calvaire d'Ingrid Betancourt. Il l'a vue pour la dernière
fois le 4 février dernier. Le fait qu'ils étaient alors ensemble
est une donnée soutenant la localisation approximative, sur la
carte
publiée le 24 février par LatinReporters, de la zone où
pouvait être détenue récemment Ingrid Betancourt.
"Très mal traitée par la guérilla, elle a des problèmes
physiques. Elle est enchaînée, dans des conditions inhumaines,
entourée de personnes qui ne lui rendent en rien la vie agréable.
Il faut le dire au monde" a averti Luis Eladio Pérez. Cet ex-sénateur
libéral a précisé qu'Ingrid Betancourt, "dans un état
physique et émotionnel délicat, très malade et physiquement
et moralement épuisée, est peut-être encore plus diminuée"
que sur les dernières preuves de vie, photo et vidéo, qui avaient
soulevé une émotion internationale fin novembre 2007.
Luis Eladio Pérez a confirmé au président Chavez lui-même
le martyre d'Ingrid Betancourt sur laquelle, dit-il, "s'est acharnée"
la guérilla. Et on a vu à la télévision
publique vénézuélienne Gloria Polanco, compagne d'infortune
de l'ex-sénateur, prier Hugo Chavez, "comme femme et de tout coeur,
de lutter pour la liberté d'Ingrid. Elle est dans un très mauvais
état. Elle a une hépatite B récurrente".
Puis, regardant la caméra, le président Chavez a adressé
à Pedro Antonio Marin, alias Manuel Marulanda, chef suprême
de la guérilla des FARC, ce message repris par le service de presse
de la présidence du Venezuela: "On m'explique que la situation d'Ingrid
est difficile et il est possible que tu ne le saches pas, car tu n'es pas
avec elle. Je sollicite que tu la changes d'endroit, change-la en la plaçant
sous un commandement plus proche de toi pendant que nous effectuons les démarches
qui ouvriront le chemin de sa libération".
FRANÇOIS FILLON :
"Si Ingrid Betancourt meurt, les FARC auront du sang sur les mains"
PARIS, jeudi 28 février 2008 (LatinReporters) - "Si
elle [Ingrid Betancourt] meurt, les FARC auront du sang sur les mains et
ce sera la condamnation de l'opinion internationale" a déclaré
jeudi soir le Premier ministre français, François Fillon, sur
la chaîne de télévision France 3.
"Il faut que les FARC comprennent que ce n'est plus un problème politique
maintenant. Il n'est même plus question de parler de négociation
politique, puisque c'est une femme qui va mourir", estime M. Fillon.
Dans le même sens, le président français Nicolas Sarkozy
affirmait quelques heures plus tôt que la guérilla des FARC
doit faire un geste humanitaire immédiat, libérant Ingrid Betancourt,
dont l'état de santé est inquiétant, sans attendre l'éventuelle
négociation avec Bogota d'un accord humanitaire sur l'échange
de prisonniers. (Voir article ci-contre).
[NDLR - Indépendamment du sort d'Ingrid Betancourt, la guérilla marxiste des FARC
(Forces armées révolutionnaires
de Colombie), celle guévariste de l'ELN (Armée de libération
nationale), les paramilitaires d'extrême droite et certains ex-responsables
de l'armée colombienne ont depuis longtemps du sang sur les mains et même plein
les bras.]
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