|
Accueil |
| | Politique |
| | Economie |
| | Multimédia |
| | Société |
| | Pays+dossiers |
| | Flashs |
| | Titres |
| | Communiqués |
|
|
"La plus grande mobilisation de l'histoire du pays" selon les médias
Colombie: plus de deux millions de manifestants contre les FARC (compte rendu analytique)
BOGOTA, mardi 5 février 2008 (LatinReporters.com) -
Plus de deux millions de manifestants en Colombie et des milliers d'autres
dans 120 pays ont clamé le 4 février "Non aux FARC!" et à
leur violence, dont les prises d'otages, infligeant à cette
guérilla marxiste une défaite populaire et médiatique
sans précédent qui éclabousse aussi ses rares alliés,
notamment le président vénézuélien Hugo Chavez.
|
A Bogota, plus d'un million de Colombiens se sont mobilisés contre la guérilla des FARC,
selon le maire de gauche de la capitale, Samuel Moreno Rojas. Bogota, Plaza de Bolivar,
4 février 2008 - Photo César Carrión / SP |
Résumant la perception des principaux médias colombiens, l'influent
quotidien de centre droit El Tiempo titre "La plus grande mobilisation de
l'histoire du pays". Selon ce journal, "après ce rejet éclatant
par la société colombienne, la communauté internationale
perçoit clairement qu'il lui serait très difficile d'ouvrir
les portes aux FARC" [Forces armées révolutionnaires de
Colombie].
Le 11 janvier dernier, Hugo Chavez, clamant ses affinités idéologiques
"bolivariennes" avec les guérillas colombiennes, demandait à
la communauté internationale de reconnaître les FARC et l'ELN
(Armée de libération nationale) et de les retirer des listes
d'organisations terroristes. Seuls le Nicaragua, une partie de la gauche colombienne et des membres
de la famille d'Ingrid Betancourt, otage des FARC depuis le 23 février 2002, ont
approuvé cet appel du président vénézuélien,
ignoré par les autres pays latino-américains. Il a été
clairement rejeté par les Etats-Unis et au siège de l'Union
européenne, ainsi qu'à titre propre par la France, l'Espagne
et l'Allemagne.
A Bogota, sous le slogan "Assez d'enlèvements!
Assez de mensonges! Assez de morts! Non aux FARC!", 1.125.000
manifestants ont défilé selon le maire Samuel Moreno Rojas.
Il qualifie cette mobilisation de "sans précédent".
Figure de la gauche démocratique et peut-être futur candidat
à la présidence, Samuel Moreno appartient au principal parti
d'opposition, le Polo Democratico Alternativo, qui avait accusé le
président conservateur Alvaro Uribe de vouloir convertir les manifestations
en plébiscite.
La plupart vêtus de tee-shirts blancs, couleur symbolisant la paix,
les manifestants ont défilé dans une quarantaine de villes
colombiennes. A Medellin, ils étaient évalués à
500.000 par les autorités municipales. A Cali aussi.
A l'étranger, des groupes allant de quelques centaines de personnes
à Paris jusqu'à 3.000 à Madrid et 5.000 à New
York ont également conspué les FARC, comme à Londres, Rome,
Berlin, Mexico, Sao Paulo, Quito, Miami, Barcelone, etc., soit plus de 140 villes des 5 continents,
y compris la capitale du Venezuela, Caracas. Ces groupes
comprenaient essentiellement des Colombiens expatriés, souvent renforcés
par des Vénézuéliens hostiles à Hugo Chavez.
Le président colombien Alvaro Uribe a lui aussi marché contre
les FARC, à Valledupar, dans le nord du pays. Il a transmis
sa "gratitude à tous les Colombiens qui ont exprimé avec
force et dignité leur rejet des enlèvements et des ravisseurs".
Le chef de l'Etat a également remercié les citoyens des "122 pays" où
aurait été témoignée une solidarité contre
la guérilla.
M. Uribe estime que les Colombiens, par leur mobilisation, ont exigé
des institutions de l'Etat, y compris le haut commandement militaire, d'en
finir définitivement avec les prises d'otages. "Libérer
les séquestrés et éradiquer les enlèvements est
la consigne de l'âme collective, le cri qui a surgi de la gorge collective
des Colombiens ce 4 février" s'est exclamé le président.
Cette interprétation, quoiqu'accompagnée de la promesse "de
tendre les bras aux ravisseurs qui amenderaient leur conduite", ne rassurera
pas ceux qui jugent une solution strictement militaire dangereuse pour la
vie des plus de 700 otages que, selon Bogota, détiennent les FARC.
La guérilla ne prétend libérer
la quasi totalité de ces séquestrés, dont des femmes
et des enfants, que contre paiement d'une forte rançon. Seule une
quarantaine d'otages, qualifiés comme Ingrid Betancourt de "politiques",
sont réservés par la guérilla à un éventuel
"échange humanitaire" contre quelque 500 guérilleros emprisonnés,
y compris deux chefs rebelles extradés et condamnés aux Etats-Unis.
30.000 personnes pour faire entendre "une autre voix"
Afin d'exprimer aussi leur rejet de la violence, mais sans appuyer les "postulats
guerriers" qu'ils prêtent au président Uribe, le Polo Democratico
Alternativo et divers syndicats et ONG, partisans d'une négociation
immédiate avec les FARC, ont manifesté séparément
sous le slogan "Pour l'accord humanitaire, non à la guerre, non
à la séquestration", qui ne cite pas la guérilla.
Ils ont réuni 30.000 personnes sur la place Bolivar de Bogota deux
heures avant qu'elle ne soit submergée par la marée humaine
anti-FARC. Des parents d'otages se sont contentés d'assister à
un office religieux.
"C'est une journée contre la prise d'otages et contre ceux qui
séquestrent, mais une journée faisant entendre de multiples
voix" expliquait Jorge Rojas, directeur de l'organisation de défense
de droits humains CODHES (Consultoría para los Derechos
Humanos y el Desplazamiento).
Il participait à la manifestation alternative. Selon lui, "la différence
est que certains marchent contre la prise d'otages et contre les FARC, mais
sans proposer de solutions autres que la guerre, et il y a des gens qui,
comme nous, marchons aussi contre la séquestration et contre les FARC,
mais en proposant des solutions humanitaires et politiques".
Le quotidien El Tiempo estime cette différence secondaire face à
l'ampleur "du rejet national de la violation inhumaine de la liberté
et de ses principaux responsables". Les médias colombiens accusent
les FARC de la majorité des violations actuelles des droits de l'homme,
tout en reconnaissant celles imputables aux paramilitaires d'extrême
droite, jusqu'il y a peu soutenus par certains chefs de l'armée, mais aujourd'hui
quasi totalement démobilisés et même traduits en justice,
au risque de révélations qui frappent des parlementaires proches
du président Uribe.
Des opposants du président colombien, dont à Paris Astrid Betancourt,
soeur d'Ingrid Betancourt, ont relevé que des paramilitaires avaient
appelé à marcher contre les FARC dans les manifestations du 4 février,
chapeautées et encouragées par le gouvernement, quoique théoriquement
convoquées via Internet par de simples citoyens.
Mais plus significatif que l'appel de paramilitaires est celui lancé,
également en faveur des manifestations, par des centaines de guérilleros
des FARC emprisonnés. Ils refusent d'être échangés
contre les otages dits "politiques" des rebelles si cela signifiait, comme
le prétend la guérilla, leur réintégration dans
les rangs des FARC. [Invité il y a plusieurs semaines par Bogota à
donner les noms des guérilleros incarcérés qui devraient
être inclus dans cet "échange humanitaire", l'état-major
des FARC s'y est refusé; ndlr].
Quoiqu'il en soit, il serait saugrenu d'attribuer à des
paramilitaires et à des insurgés terroristes repentis le pouvoir de
rassembler des millions de Colombiens. Seule l'immense répulsion collective qu'inspirent des
guérilleros déshumanisés explique pareille mobilisation.
Clara Rojas a manifesté
Les FARC ont annoncé le 2 février leur intention de libérer
unilatéralement trois otages "politiques", des ex-parlementaires colombiens
séquestrés depuis 2001. Ils seraient remis à une date
indéterminée "au président [vénézuélien]
Hugo Chavez et à la sénatrice [de gauche colombienne]
Piedad Cordoba" ou à leurs "délégués".
La plupart des analystes ont attribué cette annonce à la pression
exercée sur la guérilla par le succès attendu de la
mobilisation du 4 février.
Le 10 janvier dernier, deux autres otages "politiques", les Colombiennes
Clara Rojas, proche collaboratrice d'Ingrid Betancourt, et Consuelo Gonzalez
de Perdomo, ancienne députée, étaient libérées
et remises par les FARC à des émissaires de Hugo Chavez. Nombre
d'éditorialistes colombiens inscrivent cette collaboration entre la
guérilla colombienne et Hugo Chavez dans l'ambition de ce dernier
d'étendre en Colombie sa révolution dite bolivarienne. Néanmoins,
plaçant la liberté des otages "au-dessus de toute autre
considération", selon les mots du ministre de l'Intérieur,
Carlos Holguin, le gouvernement de Bogota facilite ces libérations
à la fois bienvenues et polémiques.
Séquestrée pendant 5 ans, 10 mois et 18 jours, Clara Rojas
manifestait le 4 février à Bogota. Elle espère que la
guérilla "écoutera la clameur populaire".
version imprimable
Réagissez sur notre forum en rappelant titre et date de l'article
|
|
|
|
© LatinReporters.com - Amérique latine - Espagne
Le texte de cet article peut être reproduit s'il est attribué, avec lien, à LatinReporters.com
|
|