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"Projet bolivarien des FARC et de l'ELN respecté au Venezuela"
Otages en Colombie - Chavez rançonne l'Europe : "Ne qualifiez plus la guérilla de terroriste"
CARACAS / BOGOTA, lundi 14 janvier 2008
(LatinReporters.com) -
Au lendemain de l'arrivée à Caracas de Clara Rojas et Consuelo Gonzalez,
les deux otages colombiennes libérées le 10 janvier par les
guérilleros marxistes des FARC grâce au président vénézuélien Hugo Chavez, ce dernier clamait ses affinités idéologiques avec la guérilla et appelait la communauté internationale, en particulier l'Europe, à retirer les FARC et l'ELN des listes d'organisations terroristes.
La libération d'autres otages, notamment celle d'Ingrid Betancourt,
semble ainsi conditionnée au paiement d'une rançon politique.
En Colombie, gouvernement conservateur et opposition de gauche sont consternés.
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Hugo Chavez, le 11 janvier 2008 devant l'Assemblée nationale (Parlement) du Venezuela: "Je demande à l'Europe de retirer les FARC et l'ELN de la liste des groupes terroristes du monde" - Photo Miguel Angulo - Prensa Presidencial
Ecouter Hugo Chavez (2m06sec - 989KB) |
Grisé par le succès médiatico-politique international
de la libération de Clara Rojas et Consuelo Gonzalez, Hugo Chavez,
dans son message annuel à la nation prononcé le 11 janvier
à Caracas devant l'Assemblée nationale (Parlement), tenait
sur un ton enflammé ces propos qui sont désormais une référence
obligée pour évaluer toute intervention du chef de la gauche
dite bolivarienne dans le drame des otages en Colombie:
"Dans cet effort [pour la paix en Colombie], nous devons bien sûr
continuer à travailler sur divers niveaux avec le gouvernement de
la Colombie, avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie
[la guérilla des FARC], avec l'Armée de libération
nationale [ELN, guérilla colombienne guévariste]. Que
nul ne s'en offusque. Il est indispensable de le faire. Qui pourrait songer
à la possibilité d'un quelconque accord de paix s'il n'y a
pas de contact entre les parties qui s'affrontent?
Et réellement, je le dis même si cela peut gêner certains,
les FARC et l'ELN ne sont nullement des corps terroristes, ce sont des armées,
de véritables armées qui occupent un espace en Colombie. Il
faut reconnaître les Forces armées révolutionnaires de
Colombie et l'Armée de libération nationale de Colombie. Ce
sont des forces insurgées qui ont un projet politique, qui ont un
projet bolivarien qui, ici [au Venezuela], est respecté.
Je sollicite des gouvernements du continent [américain] qui
y ont inscrit ces corps de guérilla insurgés de les retirer
de la liste des groupes terroristes. Je demande à l'Europe de retirer
les FARC et l'ELN de la liste des groupes terroristes du monde, car la seule
cause [de leur inscription sur la liste] est la pression des Etats-Unis...".
Composée uniquement de députés chavistes depuis
le boycott par l'opposition des législatives de décembre 2005,
l'Assemblée nationale applaudissait longuement. Cette légitimation
des guérillas colombiennes se produisait alors que, parallèlement,
sollicitées par les médias de divers pays dans leur hôtel
de Caracas, Clara Rojas et Consuelo Gonzalez relataient les atrocités
infligées par les FARC à leurs otages, parfois enchaînés
nuit et jour pendant plusieurs mois.
En saluant la libération des deux femmes, Amnesty International et
le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon,
avaient rappelé que la prise d'otages est "une violation flagrante
du droit humanitaire international". Hormis une quarantaine d'otages
dits politiques -dont Ingrid Betancourt, trois Américains, des militaires
et des policiers- les centaines d'otages encore aux mains des FARC (774
selon le quotidien colombien El Tiempo) sont des civils, femmes, hommes et
enfants, n'ayant pas pris part au conflit intérieur colombien. Leur
libération dépend du paiement d'une forte rançon.
Les FARC, l'ELN, mais aussi les paramilitaires colombiens d'extrême
droite sont officiellement considérés comme terroristes par
la Colombie, les Etats-Unis et les 27 pays de l'Union européenne.
Désormais appuyées ouvertement par Hugo Chavez, les FARC prient
depuis longtemps la communauté internationale de leur octroyer un
statut de belligérant auquel sont liés des droits politiques
et diplomatiques.
Le droit de la guerre et le droit humanitaire international, qui prohibent
notamment la prise d'otages et l'agression de personnes civiles, doivent
être respectés par une force dite belligérante. Mais
les Nations unies, Amnesty International et Human Rights Watch accusent régulièrement
les FARC de crimes contre l'humanité parfois comparables à
ceux commis par les paramilitaires. C'est précisément après
avoir perpétré, en mai 2002 à Bojaya, le pire massacre de civils en
quatre décennies de conflit que les FARC furent inscrites par l'Union
européenne sur la liste des organisations terroristes. (Sur ce massacre,
voir www.latinreporters.com/colombiebojayaeglise.html
et www.latinreporters.com/colombiepol060502.html).
La Colombie, future République bolivarienne du Sud?
Plus que les considérations juridiques, la portée politique
des déclarations de Hugo Chavez consterne la Colombie, collée
au Venezuela par plus de 2.200 km de frontière commune. Consternation
mêlée d'inquiétude. Les Colombiens se souviennent que
récemment, le 16 décembre dernier, un long
reportage du journal
de gauche espagnol El Pais affirmait que "la guérilla des FARC
trouve au Venezuela un sanctuaire pour ses opérations de narcotrafic"
et que "les autorités du Venezuela donnent dans leur pays une protection
armée à au moins quatre camps de guérilleros" des FARC.
"Chantage inadmissible" titrait dimanche à Bogota l'éditorialiste
de l'influent quotidien El Tiempo à propos du discours de Hugo Chavez.
Dans le même journal, le président vénézuélien
fait figure de "médiateur conspirateur" sous la plume d'Ernesto
Borda Medina, président d'une société d'analyse de risques
publics. Il résume le sentiment majoritaire des Colombiens en écrivant
que "Sous l'habit de la libération d'otages s'ourdit une conspiration
de graves dimensions. Chavez et ses alliés, d'abord subrepticement
et maintenant expressément, appuient la guerre des FARC contre le
peuple colombien... Les otages n'importent pas [à Chavez]; ce
qui l'intéresse, c'est légitimer son dialogue avec les FARC,
appuyer leur action armée, miner les institutions de la Colombie et
étendre par tous les moyens son projet bolivarien. Les FARC parlent
de la République bolivarienne du Sud". [La Colombie borde l'ouest
et le sud du Venezuela, appelé aujourd'hui officiellement République
bolivarienne du Venezuela; ndlr].
"Chavez s'est enfin démasqué" a murmuré, selon
des témoins, le ministre colombien de la Défense, Juan Manuel
Santos. L'ensemble du gouvernement du président Alvaro Uribe soutient,
dans un communiqué, que "les groupes violents de Colombie sont
terroristes parce qu'ils séquestrent, posent des bombes sans discrimination,
recrutent et assassinent des enfants, des femmes enceintes, des vieillards
et utilisent des mines antipersonnel faisant des milliers de victimes innocentes.
Toutes ces pratiques violent les droits humains et le droit humanitaire...".
"La condition de terroriste ne découle pas d'une appellation, mais
de faits commis" résume le ministre colombien de l'Intérieur,
Carlos Holguin.
Selon la gauche colombienne, le Venezuela ne peut plus être médiateur
Outre Hugo Chavez, le ministre vénézuélien de l'Intérieur,
Ramon Rodriguez Chacin, est aussi la cible des politiciens et des éditorialistes
colombiens. Lors de la retransmission en direct par TeleSur de la libération
de Clara Rojas et Consuelo Gonzalez, recueillies le 10 janvier par des hélicoptères
vénézuéliens dans une clairière de la jungle
du département colombien du Guaviare, on a entendu ce ministre dire
aux guérilleros des FARC qui amenaient les deux otages: "Nous sommes
très attentifs à votre lutte... Maintenez cet effort et comptez
sur nous".
Même le leader du principal parti de la gauche colombienne, Carlos
Gaviria, président du Pôle Démocratique (avec lequel
les FARC s'efforcent de développer des liens ) estime "insolite qu'un
gouvernement voisin marque son accord avec la lutte armée dans un
autre pays". Il en déduit que le gouvernement du Venezuela est
désormais inapte à assumer un rôle de médiateur
dans le dossier des otages en Colombie.
"Si la libération de deux otages suffit pour que Chavez reconnaisse
aux FARC un statut de belligérance, serait-il possible que la France
ou les Etats-Unis fassent un pas similaire si la guérilla libérait
Ingrid Betancourt ou les trois Américains?" se demande l'analyste
politique colombien Leon Valencia, ex-guérillero de l'ELN.
L'agence ANNCOL, proche de la guérilla, a déjà répondu.
Le sociologue colombien de gauche Jonhson Bastidas Benavides, promoteur en
Europe et particulièrement en Suisse de la cause des FARC, y écrivait
le 12 janvier que "la France doit, si elle veut vraiment faciliter la
libération d'Ingrid Betancourt, reconnaître publiquement que
l'insurrection colombienne a un caractère politique, qu'elle a un
projet de société et qu'elle est très clairement une
force belligérante... Récemment on a vu Nicolas Sarkozy
donner le baiser diplomatique de rigueur à Kadhafi, alors qu'il y
a seulement un an Kadhafi était un terroriste aux yeux des Français.
L'hypocrisie de l'Union européenne à l'égard de l'insurrection
colombienne est à l'ordre du jour".
Le rançonnement politique est donc servi. Réagissant au discours de Hugo
Chavez, l'Argentine et l'Espagne ont déjà refusé
de s'y soumettre, sans toutefois renoncer à favoriser un échange humanitaire
d'otages de la guérilla contre des guérilleros emprisonnés.
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