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Le président Uribe accepte une proposition de la France, de la Suisse et de l'Espagne
Colombie-Betancourt: oui ou non des FARC à la négociation? Arguments
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Affiche électorale d'Alvaro Uribe lors de la présidentielle de 2002. Il est favori de celle de mai 2006 |
BOGOTA, mercredi 14 décembre 2005 (LatinReporters.com) - La guérilla marxiste des FARC est sous forte pression après
le feu vert, mardi, du président colombien Alvaro Uribe à la négociation
d'un échange humanitaire de prisonniers, dont la Franco-Colombienne
Ingrid Betancourt, dans une zone démilitarisée proposée
par la France, la Suisse et l'Espagne. Que répondra la guérilla?
Accepter la démilitarisation temporaire d'un territoire -180
km² dans le sud-ouest colombien, autour de la localité d'El
Retiro- est une concession de taille du président Uribe. Elle est
saluée comme telle par les familles des otages de la guérilla.
Fabrice Delloye, ex-mari et père des enfants
d'Ingrid Betancourt, y voit
"une concession majeure" du gouvernement colombien et il prie les FARC (Forces armées
révolutionnaires de Colombie) de "s'en rendre compte".
Au cours des derniers mois, le président Uribe avait abandonné deux autres de ses
exigences: un cessez-le-feu des insurgés préalable à
toute négociation et que celle-ci porte sur la libération
de la totalité des otages des FARC, quelque 1.600 hommes, femmes
et enfants selon Bogota. En fait, l'accord humanitaire, s'il était
conclu, ne devrait inclure que 59 otages dits "politiques", dont les FARC
offrent la libération en échange de celle de tous leurs guérilleros
prisonniers. Ils seraient environ 500.
Arguments pour le oui des FARC à la proposition de la
France, de la Suisse et de l'Espagne:
La proposition est celle de trois pays considérés
comme "amis" par la guérilla.
L'acceptation par le président Alvaro Uribe de la démilitarisation
d'une portion du territoire national est une concession considérable de la part
d'un chef d'Etat.
Refuser risquerait de réduire les appuis internationaux sur
lesquels les FARC croient pouvoir compter au niveau politique et parmi
les opinions publiques.
S'asseoir à la même table que le gouvernement colombien
et avec la garantie d'observateurs internationaux donnerait à la
guérilla une respectabilité de fait qui contredirait le statut
d'organisation terroriste conféré aux FARC par les 25 pays
de l'Union européenne, par les Etats-Unis et par la
Colombie.
Les familles des otages, parfois alliées objectives des FARC
pour critiquer l'intransigeance supposée du président Uribe,
prient désormais les guérilleros d'imiter le chef de l'Etat
en acceptant la proposition.
La zone démilitarisée proposée pour l'ouverture
de négociations est dans une région que les FARC elles-mêmes
proposaient pour y tenir des pourparlers.
Raisons pouvant expliquer un refus des FARC:
Le président Alvaro Uribe a été le premier
a marquer publiquement son accord. La guérilla ne souhaitera pas suivre
un chemin que semblerait avoir ouvert celui qu'elle ne cesse de désigner
comme son pire ennemi.
La Colombie est en campagne préélectorale et un accord humanitaire faciliterait
davantage la réélection, en mai 2006, du président
Uribe, grand favori des sondages.
Les Etats-Unis n'accepteront sans doute pas de libérer, comme
le réclament les FARC dans le cadre de l'échange humanitaire,
deux chefs guérilleros extradés par le gouvernement colombien:
"Simon Trinidad" (nom de guerre de Juvenal Ricardo Palmera) et "Sonia"
(Omaira Rojas Cabrera). Ils doivent comparaître devant les tribunaux
américains, qui les accusent notamment de trafic de drogue.
Invoquant des exigences de sécurité, les FARC proposaient
dans la même région une zone démilitarisée de
800 km², soit quatre fois plus grande que celle délimitée
par les émissaires français, suisses et espagnols.
Par "démilitarisation", les FARC entendaient retrait de l'armée
et de la police, mais non des guérilleros. La France, la Suisse
et l'Espagne envisagent, elles, le retrait
de tous les combattants de la
zone démilitarisée où se dérouleraient les négociations.
La guérilla perdrait donc le bénéfice espéré
d'une occupation sans nécessité de combattre.
La démilitarisation de la zone proposée concernant tous
les combattants, les FARC ne pourront pas organiser, devant les télévisions
internationales, les défilés massifs de guérilleros
et les meetings qui, selon les FARC, auraient servi leur image internationale
dans la zone que le président Andres Pastrana (1998-2002) avait démilitarisé
sous son mandat pour tenter, en vain, d'y négocier la paix.
Mort non confessée d'un ou de plusieurs otages importants. Pour la plupart des personnes
séquestrées par la guérilla, dont Ingrid Betancourt (captive depuis le 23
février 2002), aucun indice de vie n'est donné depuis plusieurs années.
Le risque existe que les FARC attribuent la mort d'otages déjà
décédés à une prochaine action de l'armée
colombienne, qui serait présentée par les rebelles comme une tentative
frustrée de libération par la force.
L'influent quotidien El Tiempo affirme que la balle est désormais
dans le camp de la guérilla, ce qui favoriserait le président
Uribe, et qu'il "ne faut pas trop espérer de la réponse des
FARC". L'analyste colombien Alfredo Rangel, directeur de la Fondation Sécurité
et Démocratie, est plus pessimiste encore, s'attendant à un
refus pur et simple de la guérilla.
La mère d'Ingrid Betancourt, Yolanda Pulecio, se montre optimiste,
mais regrette que le président Uribe ait annoncé prématurément,
selon elle, son acceptation de la proposition de la France, de la Suisse
et de l'Espagne.
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