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"Aucune altération" dit l'analyse policière internationale
Ordinateurs FARC: Chavez insulte Interpol, Colombie crédibilisée
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Raul Reyes, ex-nº2 des FARC. La photo vient de l'un des ordinateurs ramenés du camp où il fut abattu le 1er mars 2008 par l'armée colombienne. |
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BOGOTA, vendredi 16 mai 2008 (LatinReporters.com) -
"Ignoble, clown, mafieux et vagabond" sont les qualités attribuées jeudi
par le président vénézuélien Hugo Chavez au secrétaire
général d'Interpol, Ronald Noble. Ce dernier venait de présenter
à Bogota les résultats de l'analyse policière internationale
concluant que la Colombie n'a pas manipulé des ordinateurs de la guérilla
marxiste des FARC. Toutefois, Interpol ne se prononce pas sur la véracité
de leur contenu, qui compromettrait le Venezuela et l'Equateur.
Ronald Noble a confirmé que les ordinateurs
appartenaient au nº2 des FARC (Forces armées révolutionnaires
de Colombie), Raul Reyes, tué le 1er mars dernier lors de l'attaque
par l'armée colombienne de son camp établi au nord de l'Equateur.
C'est alors que furent saisis trois ordinateurs portables, deux disques durs
externes et trois clés USB confiés le 10 mars pour expertise
à Interpol. Ils contiennent 609 gigas de textes, images et vidéos
pouvant remplir 39,5 millions de pages A4 et un relevé de 7.989 adresses
e-mail qui pourraient guider des enquêtes judiciaires dans plusieurs
pays, même européens.
Filtrés par Bogota, certains de ces éléments diffusés
récemment par de nombreux médias nationaux et internationaux
dévoilent des liens politiques, financiers
et militaires unissant les FARC au président vénézuélien
Hugo Chavez. Il aurait notamment versé 300 millions de dollars aux
rebelles colombiens. Concertée avec Chavez, transparaît aussi
l'utilisation politique d'otages de la guérilla, dont la Franco-Colombienne
Ingrid Betancourt. Le président équatorien Rafael Correa, allié
du socialisme dit bolivarien de Hugo Chavez, soutiendrait également
les guérilleros marxistes, qui auraient financé partiellement
sa campagne victorieuse pour l'élection présidentielle de 2006.
La gravité de ces accusations, niées par MM. Chavez et Correa,
doit être appréciée en fonction du caractère d'organisation
terroriste attribué aux FARC par les 27 pays de l'Union européenne,
par les Etats-Unis, par la Colombie et par Interpol.
La mission d'Interpol, internationale policière qui regroupe 186
pays (dont le Venezuela, l'Equateur et la Colombie), était de déterminer
si l'un quelconque des fichiers utilisateur des huit pièces informatiques
ramenées le 1er mars 2008 du camp de Raul Reyes avait été
créé, modifié ou supprimé ce même 1er mars
ou après cette date. "Interpol a conclu qu'il n'y a eu aucune altération,
je répète, aucune altération des données" a affirmé
Ronald Noble devant les journalistes à Bogota.
Diffusé en quatre langues sur le site Internet d'Interpol, le
rapport officiel
remis au gouvernement du président colombien Alvaro Uribe
note que si les autorités de Bogota n'ont pas respecté les
protocoles internationaux lors d'une première lecture d'urgence du
contenu des trois ordinateurs et des cinq éléments de mémoire
externe, les tampons d'horodatage associés à toute requête
d'utilisateur attestent que ce contenu n'a pas été altéré.
La justice française pourrait désormais instruire le procès
des FARC
Mais Interpol ne se prononce pas sur la véracité du contenu
des fichiers informatiques. "L'exactitude et la provenance des fichiers utilisateur
contenus dans les huit pièces à conviction sont et ont toujours
été exclues du champ de l'expertise" précise l'internationale
policière. Si ce que disent des messages non altérés
est vrai ou non relève en fait de la justice de tout pays qui estimerait
nécessaire d'en prendre connaissance pour en déduire d'éventuelles
responsabilités pénales. Etablir "l'exactitude du contenu de
tout élément de preuve" relève "d'une procédure
judiciaire de niveau national ou international" indique le rapport d'Interpol.
Le parquet colombien a entamé cette démarche. Logiquement,
cela concerne aussi la justice française, puisque les FARC séquestrent
depuis plus de six ans la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt, que le président
Nicolas Sarkozy appelle "notre compatriote". L'instruction en France par des juges
en principe indépendants d'un procès des
FARC et de leurs complices pour enlèvement et séquestration d'une ressortissante
nationale serait désormais possible, voire moralement obligatoire, sur la base des
dizaines de milliers de documents des ordinateurs de Raul Reyes.
Par ailleurs, Nicolas Sarkozy et plusieurs autres chefs d'Etat dans le monde
ont probablement déjà jugé utile de prendre connaissance
de l'essentiel de ces documents. Tout en maintenant si nécessaire une réserve
diplomatique, particulièrement intéressée dans le cas de la France,
Paris et d'autres capitales calibreront à partir de ces informations le degré de confiance
qu'elles peuvent ou non octroyer au Venezuela de Hugo Chavez et à ses
alliés.
La fureur du président vénézuélien contre le
secrétaire général d'Interpol, le "vagabond" américain
Ronald Noble, accusé par M. Chavez de crédibiliser la Colombie
par une analyse d'ordinateurs "dont l'origine n'est pas expliquée",
est-elle rationnelle dans la mesure où Interpol précise
elle-même que ni l'exactitude ni la provenance des fichiers informatiques
n'étaient l'objet de son expertise? Sincère ou non, Hugo Chavez se demande à
voix haute si les ordinateurs n'ont pas
été amenés sur place le 1er mars lors de l'attaque du camp des FARC par
l'armée colombienne, qui les aurait alors faussement découverts.
Menaçant de rompre à nouveau toutes les relations, mêmes
commerciales, du Venezuela avec la Colombie, Hugo Chavez accuse Interpol
d'être soumise au diktat des Etats-Unis. Il envisage d'abandonner l'organisation.
Le Venezuela y côtoie pourtant, comme aux Nations unies, la quasi totalité
des pays de la planète. Même Cuba, l'Iran, la Chine, le Vietnam,
la Russie, l'Equateur (qui nie aussi toute valeur à l'expertise d'Interpol)
et de multiples autres pays peu américanophiles sont membres de l'internationale
policière. En outre, c'est la France qui abrite son quartier général,
à Lyon.
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