Après avoir confirmé qu'à sa requête le ministre
vénézuélien des Relations extérieures, Nicolas
Maduro, avait convoqué le même 22 juillet l'ambassadrice de
Colombie à Caracas, Maria Luisa Chiappe, le président Chavez
a déclaré: "On a ratifié à l'ambassadrice que
cela [
l'affaire des bases militaires] nous a lamentablement
obligés à réviser tout le schéma. Nous avons suspendu une
réunion de la Coban [Commission binationale de haut niveau] prévue pour cette
semaine et nous allons réviser le dossier commercial, tout le dossier
politique, tous les dossiers, car en vérité nous avons considéré
qu'il s'agit d'un acte inamical du gouvernement de la Colombie".
Hugo Chavez a réfuté l'argumentation, "hors de contexte" à
ses yeux, du ministre des Relations extérieures colombien, Jaime Bermudez,
qui en appelait deux jours plus tôt à la non-ingérence
dans les affaires intérieures de son pays. Le gouvernement colombien,
remarquait Jaime Bermudez, n'a pas commenté, lui, "la présence
russe dans les eaux vénézuéliennes" ni les relations
du Venezuela "avec Cuba et la Chine".
"Que je sache, la Colombie a d'excellentes relations avec la Russie et la
Russie n'a pas appuyé de coups d'Etat en Colombie ni d'actions contre
le gouvernement colombien" a répliqué Chavez, ajoutant aussitôt:
"Mais nous, oui, nous avons de nombreuses raisons de considérer le
gouvernement yankee comme une menace pour le peuple vénézuélien,
une menace d'invasion, d'assassinat, de mercenaires appelés contractants,
de narcotrafic, d'espionnage et de contre-espionnage".
Selon le président vénézuélien, les dangers ne
viendraient pas seulement des Etats-Unis, mais aussi d'Israël. "Voilà
maintenant que des avions d'Israël, avec pilotes israéliens,
volent en Colombie" lança Chavez. Il se référait à
l'accident, sans dommage pour les pilotes, souffert le 20 juillet à
l'atterrissage sur l'aéroport colombien de Cartagena par l'un des
quatre chasseurs Kfir livrés le mois dernier par Tel-Aviv à
la force aérienne colombienne.
La négociation de l'accord qui fait bondir le Venezuela est très
avancée. L'accord offrirait aux Etats-Unis l'utilisation permanente, mais
non exclusive, de trois bases militaires qui resteront toutefois colombiennes, celles
de Malambo (nord) et de Palanquero et Apiay (centre). Deux bases supplémentaires
pourraient s'y ajouter, celles de Larandia (sud) et de Tolemaida (centre),
sur lesquelles du personnel américain est déjà présent.
A partir de ces bases, l'US Air Force poursuivrait notamment les missions
régionales antidrogue effectuées auparavant depuis la base
équatorienne de Manta, d'où les Américains se retirent
sur décision du gouvernement socialiste de Quito. Mais d'autres missions
s'y ajouteraient, puisque le gouvernement colombien du président conservateur
Alvaro Uribe dit vouloir conclure avec Washington un "accord de coopération
contre le narcotrafic, le terrorisme et d'autres délits". Cela pourrait signifier un
accroissement de l'implication des Etats-Unis dans la lutte contre la guérilla marxiste des
FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie), qui jouit de facilités au
Venezuela et en Equateur, deux pays frontaliers de la Colombie.
Le 21 juillet, Hugo Chavez avait dénoncé "la trame d'une agression
contre le Venezuela" en mettant dans le même sac "l'appui de l'empire
au coup d'Etat du Honduras", l'arrivée de "milliers de soldats yankees"
sur des bases colombiennes, la désignation par Washington du Venezuela
comme "narco-Etat" et les accusations d'Israël contre l'installation
de cellules terroristes du Hezbollah dans l'ouest vénézuélien.
Le chef de la diplomatie vénézuélienne, le ministre
Nicolas Maduro, estime pour sa part que l'accord militaire négocié
par la Colombie et les Etats-Unis est non seulement "une gifle" infligée
au Venezuela, mais qu'il risque aussi "de rompre les règles du jeu
dans la région". Sur le même registre, l'ex-président
colombien Ernesto Samper (1994-1998) croit que l'accord "va empoisonner les
relations de la Colombie avec les pays voisins".