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Election présidentielle du 28 mai 2006
Colombie: réélection probable du président Uribe, antipode d'Hugo Chavez
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Le président Alvaro Uribe en campagne électorale à Cartagena (mai 2006) Photo Primero Colombia |
BOGOTA, mercredi 24 mai 2006 (LatinReporters.com)
- A contre-courant du glissement à gauche de l'Amérique du
Sud, la Colombie devrait, selon les sondages, réélire le président
Alvaro Uribe dès le premier tour, dimanche, de l'élection présidentielle.
Pro-américain, libre-échangiste et confronté à
une guérilla d'extrême gauche, M. Uribe est l'antipode idéologique
d'Hugo Chavez, président du Venezuela.
Mais, paradoxalement, alors qu'il a appuyé ostensiblement l'élection
d'Evo Morales à la présidence de la Bolivie et qu'il soutient
ouvertement des candidats aux prochaines présidentielles du Pérou,
du Mexique, d'Equateur et du Nicaragua, Hugo Chavez observe une apparente
non-intervention en Colombie. Celle-ci est pourtant collée au Venezuela
sur 2.219 km d'une frontière commune bousculée par le va-et-vient
de guérilleros, de paramilitaires et de narcotrafiquants.
Si les Etats-Unis accusent le Venezuela d'offrir son territoire comme base
arrière à la guérilla marxiste des FARC (Forces armées
révolutionnaires de Colombie), le président Uribe évite
d'enflammer cette question. Sa relation avec Hugo Chavez est cordiale. Le
président vénézuélien s'en félicite lui-même.
Le réseau de gazoducs dont il veut quadriller l'Amérique du
Sud traverserait le Nord colombien.
C'est comme si les deux pays comprenaient qu'une crise bilatérale
grave les mènerait chacun au bord de l'abîme. Une éventuelle
invasion "impérialiste" que dit redouter Hugo Chavez ne serait aisée
que si elle s'appuyait sur la Colombie, déjà renforcée
par du matériel et des conseillers militaires américains. En
revanche, un soutien intensif de Caracas aux guérilleros des FARC
hypothéquerait la stabilité des institutions colombiennes.
Sans donc s'ingérer dans la campagne électorale en Colombie,
Hugo Chavez a tout de même réussi à polariser partiellement
cette campagne et celle d'autres pays, notamment au Pérou, entre partisans
et adversaires du libre-échange avec les Etats-Unis.
Qualifiant la Communauté andine de nations (CAN) de "morte", car "tuée"
par les accords de libre-échange signés
cette année avec Washington par Bogota et Lima, Hugo Chavez annonçait
le 19 avril sa sortie de ce bloc politico-commercial de cinq pays (Venezuela,
Colombie, Pérou, Equateur et Bolivie) comptant 120 millions d'habitants
et couvrant le tiers du commerce sud-américain.
Dix jours plus tard, comme pour démontrer l'existence d'une alternative
au libre-échange avec "l'impérialisme", le Vénézuélien
Hugo Chavez, le Bolivien Evo Morales et le Cubain Fidel Castro signaient
à La Havane un "Traité commercial des peuples". Puis, le 1er
mai, la Bolivie nationalisait ses hydrocarbures avec la bénédiction
de ses deux alliés.
Les effets médiatiques quasi universels de ce feu d'artifice d'initiatives
spectaculaires ont une portée politique immédiate dans les
pays d'Amérique latine en campagne ou pré-campagne électorale.
Et ce d'autant plus que l'antiaméricanisme y atteint des degrés
inégalés. En Colombie, cela se traduit par une hausse surprenante
de la popularité de Carlos Gaviria, candidat présidentiel du
Pôle Démocratique Alternatif (PDA, gauche), désormais
en deuxième position dans les sondages.
Carlos Gaviria fait campagne contre le traité de libre-échange
signé le 27 février avec les Etats-Unis. Il promet un référendum
pour que les Colombiens se prononcent sur ce traité en attente de ratification.
Les 24% d'intentions de vote attribués par les sondages à
Carlos Gaviria paraissent néanmoins encore dérisoires face aux 55% dont est crédité
le président Alvaro Uribe. Comme en 2002, ce dernier place sa probable
réélection sous la bannière de la sécurité.
Sans vaincre la vieille guérilla des FARC, il l'a contrainte à
reculer. Celle, moins puissante, de l'ELN (Armée de libération
nationale) penche pour la négociation. M. Uribe a aussi réduit
la délinquance dans les grandes villes.
Aux législatives du 12 mars dernier, les formations proches d'Alvaro Uribe
ont conquis la majorité absolue des deux chambres parlementaires. (Dissident du Parti
Libéral, M. Uribe n'a pas fondé un parti qui lui soit vraiment propre).
Mais si ce dimanche 28 mai le président n'était pas réélu
dès le premier tour, ses adversaires, essentiellement Carlos Gaviria
et le social-démocrate Horacio Serpa (candidat du Parti Libéral),
tenteraient de s'unir avant le 18 juin, date d'un second tour éventuel.
Cette possibilité et une surprise finale désagréable
pour Alvaro Uribe ne sont pas à exclure. C'est pourquoi la guérilla
des FARC a annoncé qu'elle ne saboterait pas cette élection
présidentielle, alors qu'elle avait prôné le boycott
de urnes et menacé de mort les électeurs lors de précédents
scrutins.
Les guérilleros demandent simplement de ne pas voter pour Alvaro Uribe,
moins enclin que Carlos Gaviria à négocier avec les rebelles
un cessez-le-feu et un échange humanitaire dont bénéficierait
notamment la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt, otage des FARC depuis
le 23 février 2002. Les observateurs s'attendent néanmoins
à une vague d'attentats de la guérilla si la victoire d'Alvaro
Uribe se concrétisait.
Dans une Amérique du Sud qui vire à gauche, cette victoire
renforcerait l'isolement relatif d'une Colombie stratégiquement alliée
aux Etats-Unis. Mais la lutte d'influence pour l'hégémonie
régionale entre le Venezuela d'Hugo Chavez et le Brésil de
Luiz Inacio Lula da Silva permettra probablement à Bogota de resserrer
avec Brasilia des liens déjà amicaux.
Le principal défi de la Colombie reste de conclure la paix avec elle-même
après 42 ans d'un conflit intérieur qui a fait plus
de 200.000 morts et déplacé près de 10% des 42 millions
de Colombiens.
Critiquée dans ses modalités par les organisations humanitaires,
la démobilisation de 30.000 paramilitaires d'extrême droite,
obtenue par Alvaro Uribe en échange d'une certaine mansuétude
à l'égard d'atrocités, n'incite pas les FARC à
déposer les armes à leur tour.
Aussi dédaigneuse des droits humains que ses adversaires
paramilitaires et financée comme eux par le narcotrafic, le racket et le rançonnement de
familles de séquestrés, cette guérilla se considère
comme Etat et pouvoir dans les territoires qu'elle contrôle. "Ce que
nous voulons, c'est gouverner" affirment régulièrement Raul
Reyes et d'autres chefs guérilleros.
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