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Le nº1 de la guérilla reçoit le candidat présidentiel Alvaro Leyva
Colombie-élections: FARC, Arche de Noé et "paix en 6 mois"...
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Manuel Marulanda, alias "Tirofijo", nº1 historique des FARC Photo FARC/EP |
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Alvaro Leyva: "candidat de la paix" Photo www.leyvapresidente.com |
BOGOTA, lundi 27 février 2006 (LatinReporters.com)
- La paix en six mois en Colombie après plus de 40 ans de conflit...
Cette offre apparemment insensée est lancée aux électeurs
par Alvaro Leyva Duran, candidat indépendant à l'élection
présidentielle colombienne du 28 mai. Baptisé "l'Arche de Noé",
son programme intéresse Manuel Marulanda, chef suprême de
la guérilla des FARC.
Nº1 historique des insurgés, Pedro Antonio Marin, plus connu sous son nom de guerre Manuel
Marulanda, alias "Tirofijo" ("dans le mille"), a reçu pendant trois jours, fin décembre
dernier, Alvaro Leyva dans les maquis montagneux des FARC (Forces armées
révolutionnaires de Colombie,
marxistes). Le dernier numéro de l'hebdomadaire colombien Semana le révèle
lundi. Alvaro Leyva lui-même l'a confirmé
au micro de Radio Caracol. Son témoignage balaie les rumeurs de
décès de "Tirofijo", âgé de 77 ans et invisible
du commun des mortels depuis 2002.
Enfant turbulent du Parti conservateur, ex-ministre et surtout ex-négociateur
avec plusieurs guérillas sous diverses présidences, Alvaro
Leyva, 66 ans, est le candidat présidentiel du Mouvement national
de réconciliation. Crédité dans les sondages de moins
de 4% des intentions de vote, il semble relégué au rôle
de figurant, comme tous les autres candidats qui tenteront de barrer la route
à un second mandat consécutif du président Alvaro Uribe,
crédité lui d'une majorité absolue dès le 1er
tour.
Néanmoins, si Alvaro Leyva parvenait à imposer son image de
"candidat de la paix", comment il se qualifie lui-même, face au "candidat
de la guerre" que serait Alvaro Uribe, une surprise resterait peut-être
possible. En 1998, l'appui des FARC au candidat du Parti conservateur Andres
Pastrana, qui avait promis de négocier la paix, ne fut pas nécessairement
décisif, mais il facilita sa victoire.
Selon Alvaro Leyva, en le rencontrant le 22 décembre dernier, "Tirofijo" lui
affirmait n'avoir jamais reçu la
proposition de la France,
de la Suisse et de l'Espagne destinée à faciliter un échange
humanitaire dont bénéficierait notamment la Franco-Colombienne
Ingrid Betancourt, otage des FARC depuis le 23 février 2002.
Présentée le 12 décembre dernier et acceptée
aussitôt par le président Uribe, la proposition porte sur la
démilitarisation temporaire, garantie par des observateurs internationaux,
d'un territoire de 180 km² dans le sud-ouest colombien, autour de la
localité d'El Retiro. Emissaires gouvernementaux et des FARC y négocieraient
la libération de 59 otages politiques et militaires de la guérilla
en échange de la libération de quelque 500 guérilleros
actuellement prisonniers.
S'indignant, le 23 février, des quatre ans de captivité d'Ingrid
Betancourt, l'Union européenne et le ministre français des Affaires
étrangères, Philippe Douste-Blazy, pressaient les FARC d'accepter
la proposition élaborée par Paris, Berne et Madrid.
En révélant la visite d'Alvaro Leyva chez les FARC, l'hebdomadaire Semana (qui a sans doute interrogé le candidat présidentiel) indique que "Tirofijo" se refuserait à recevoir des représentants des trois pays européens et qu'il ne verrait aucune possibilité d'un échange humanitaire sous la présidence d'Alvaro Uribe, encore moins en période électorale. A ce propos, un communiqué du Secrétariat
de l'état-major central des FARC daté du 29 décembre
était intitulé
"Avec Uribe, il n'y aura pas
d'échange humanitaire".
Sur un plan plus large que cet échange, le chef historique des FARC
estimerait que la reconnaissance de l'existence d'un conflit armé
et social par Bogota, qui dit n'affronter que des terroristes, serait un préalable
à toute négociation politique visant à instaurer la
paix.
Un point nouveau et surprenant avancé par "Tirofijo" serait que si
une telle négociation s'ouvrait, les Etats-Unis devraient y participer
en tant que partie au conflit. Les FARC seraient mêmes disposées
à éradiquer manuellement des plantations de coca en coordination
avec Washington.
Le programme "Arche de Noé" avec lequel Alvaro Leyva brigue la présidence
de la Colombie se définit comme un projet de réconciliation
de tous les Colombiens. Il n'exclut personne. L'armée, la guérilla,
le gouvernement, l'Eglise et même les paramilitaires sont conviés
au dialogue. Alvaro Leyva présente comme un atout ses contacts avec
des chefs paramilitaires qui les ont sollicités.
Ceux qui s'embarqueraient sur cet "Arche de Noé" devraient reconnaître qu'il existe
effectivement en Colombie un conflit interne et que ce conflit à des
causes objectives sociales, économiques et politiques.
Ce programme a pour priorité d'obtenir la fin des combats dans un
délai de six mois. L'ouverture d'un processus de paix basé
sur un consensus entre belligérants serait alors peut-être possible.
Moins d'un mois après ses entretiens avec "Tirofijo", Alvaro Leyva
recevait du chef suprême des FARC une longue lettre datée du
20 janvier dernier. Elle est publiée aussi par Semana.
Le leader de la guérilla tente d'y justifier l'échec du processus
de paix ouvert pendant trois ans et demi, grâce notamment aux bons offices
d'Alvaro Leyva, sous la présidence d'Andres Pastrana, chef de l'Etat
colombien de 1998 à 2002.
L'élément essentiel de cette lettre de neuf pages est sans
doute le paragraphe final. Manuel Marulanda, alias "Tirofijo", y dit que
"Nous devons chercher des points de coïncidence et unir nos critères
et nos efforts au travers de candidats de convergence qui permettent des
changements au sein des trois pouvoirs [législatif, exécutif
et judiciaire], ainsi qu'au sein des forces armées...".
Sans préciser s'il se réfère aux prochaines législatives du 12 mars,
à la présidentielle du 28 mai, à l'éventualité
d'élire dans le futur une Assemblée constituante pour refondre
la Constitution ou à tous ces processus à la fois, le chef
des FARC semble disposé à appuyer les prochains combats électoraux
du Mouvement national de réconciliation d'Alvaro Leyva.
Du coup, ce dernier apparaît quasi comme le candidat de la guérilla à
la présidence. Toute information sur le sort d'Ingrid Betancourt que diffuseraient prochainement
les FARC, notamment une éventuelle vidéo dans laquelle elle s'exprimerait,
devra être analysée dans ce contexte.
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