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Rupture définitive du "cessez-le-feu permanent" des séparatistes basques
Espagne : l'ETA reprend les armes "sur tous les fronts" et Zapatero mobilise contre ce "délire totalitaire"
par Christian Galloy
MADRID, mardi 5 juin 2007 (LatinReporters.com) -
"ETA renonce au cessez-le-feu permanent et a décidé d'agir sur tous les fronts en défense de l'Euskal Herria ["Patrie basque" comprenant aussi le Pays basque français]
à partir du 6 juin à 00h00. Vive l'Euskal Herria libre!
Vive l'Euskal Herria socialiste!" Ces mots qui annoncent
un été chaud concluent le dernier communiqué des terroristes
indépendantistes basques. Le chef du gouvernement espagnol, le socialiste
José Luis Rodriguez Zapatero, en appelle à la mobilisation
des démocrates contre ce "délire totalitaire".
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Trois membres de l'ETA annonçant le 22 mars 2006 sur une vidéo diffusée par la télévision publique basque un "cessez-le-feu permanent" désormais définitivement enterré. - Vidéo-Photo ETB |
"Nous renouvelons notre décision de défendre par les armes
le peuple agressé par les armes" dit le communiqué des séparatistes
publié le 5 juin par les journaux basques Gara et Berria. Déjà
ébranlé par l'attentat sans préavis du 30 décembre
dernier contre l'aéroport de Madrid, le
"cessez-le-feu permanent"
annoncé par l'ETA le 22 mars 2006 est maintenant formellement
enterré.
"Le talent de Zapatero s'est converti en fascisme" lancent les indépendantistes
contre le président du gouvernement. José Luis Rodriguez Zapatero
avait ouvert officiellement en juin 2006 (et même probablement, dans
la discrétion, plusieurs mois auparavant) un dialogue avec l'ETA.
Ce processus dit de paix suspendu (ou seulement ralenti?) après
l'attentat du 30 décembre,
qui a tué deux immigrés équatoriens et détruit
un parking de plusieurs étages et des centaines de véhicules,
apparaît désormais comme définitivement liquidé.
Annonciateur de l'ultime décision des terroristes, "l'impôt
révolutionnaire" était à nouveau réclamé
massivement ces dernières semaines aux chefs d'entreprises basques.
C'est un revers grave pour M. Zapatero. Il avait fait de ce "processus de
paix" avorté l'un des piliers de la législature. A dix mois
des prochaines élections législatives de mars 2008, son Parti
socialiste ouvrier espagnol (PSOE) était battu en nombre global de
voix aux municipales du 27 mai dernier par le Parti populaire (PP, droite)
qui avait fait campagne contre les concessions du gouvernement à l'ETA
et à la galaxie indépendantiste basque. Plusieurs observateurs
croient que cette défaite et les turbulences actuelles inciteront
M. Zapatero à convoquer des élections anticipées pour
l'automne, avant la consolidation du renouveau du PP.
Dans une intervention institutionnelle radio-télévisée,
quelques heures à peine après la diffusion du communiqué
de l'ETA, José Luis Rodriguez Zapatero a promis de répondre
aux terroristes par "l'unité des forces démocratiques, l'Etat
de droit, l'efficacité des forces de sécurité et la
coopération internationale". Le dirigeant socialiste a affirmé
que "la force de la démocratie et de la parole vaincra toujours le
délire totalitaire". Se référant implicitement à
de prochains attentats, il a prévenu que "la douleur durera ce que
la loi, la démocratie et la liberté tarderont à en finir avec la violence".
Chef de l'opposition conservatrice et président du PP, Mariano Rajoy
a aussitôt exigé de M. Zapatero "de la clarté, des faits
et des preuves de sa volonté de rectifier" sa politique à l'égard
de l'ETA, loin de toute "ambiguïté" et "sans la moindre concession
ni négociation". Selon M Rajoy, qui prit la tête de
gigantesques manifestations contre le dialogue avec les terroristes, "l'ETA
sera vaincue par la loi et l'Etat de droit, sans raccourci".
Dans leur communiqué, les indépendantistes prétendent
"qu'au cessez-le-feu permanent offert par l'ETA, le gouvernement espagnol
a répondu par des arrestations, la torture et tout type de harcèlement.
Les conditions démocratiques minimales nécessaires à
un processus de négociation n'existent pas".
L'ETA estime que "nous vivons actuellement en Euskal Herria une situation
d'exception". Elle qualifie "d'antidémocratiques" les élections
municipales et partiellement régionales du 27 mai, auxquelles la justice espagnole a empêché de participer "des milliers de citoyens et la gauche patriote". Effectivement,
sur les 256 listes de candidats présentées au Pays basque et
en Navarre par l'Action nationaliste basque (ANV) que soutenait Batasuna,
vitrine politique de l'ETA, à peine 123 furent acceptées. Ce
tamisage judiciaire favorisé par le gouvernement à la recherche
d'une politique médiane avait irrité tant les indépendantistes
basques que la droite nationale espagnole. A ce propos, le PP de Mariano
Rajoy a dénoncé le retour de l'ETA, via l'ANV, dans une quarantaine
de mairies basques et navarraises.
L'ETA s'en prend par ailleurs à une complicité supposée
entre le Parti nationaliste basque (PNV) et les socialistes de M. Zapatero.
Contrôlant le gouvernement régional basque depuis un quart de
siècle, le PNV, considéré comme modéré
quoique ne cachant pas des aspirations souverainistes, est qualifié
dans le communiqué de parti "à la soif d'argent insatiable".
La France visée aussi?
"L'autodétermination" et la "territorialité" restent, aux
yeux des indépendantistes, les clefs du problème basque. Ils
réaffirment leur ambition "de cheminer vers un Etat indépendant
appelé Euskal Herria" incluant la Navarre et les trois provinces du
Pays basque espagnol (Alava, Biscaye et Guipuzcoa), ainsi que les trois provinces
du Pays basque français (Labourd, Soule et Basse-Navarre). Ces sept
entités seraient appelées à former ce que l'ETA (mais
aussi le PNV) appelle en basque "Zazpiak bat", soit "Sept en une".
Théoriquement, la France est donc visée aussi par le retour
de l'ETA au terrorisme actif. Reçu le 31 mai dernier à Madrid
par M. Zapatero, le président français
Nicolas Sarkozy affirmait
devant la presse que "l'ETA, c'est un problème espagnol et nous avons
toujours veillé, en France, à ce que ce ne soit pas un problème
français." Ce qui n'empêchera pas Madrid et Paris de poursuivre,
a précisé M. Sarkozy, leur "collaboration exemplaire" contre
le terrorisme.
Depuis 1968, les attentats de l'ETA ont fait 855 morts
(chiffre du site Internet de la Garde civile),
plus de 2.400 blessés et des pertes matérielles et financières évaluées en 2004
dans une étude du juge Baltasar Garzon
à 12 milliards d'euros. Les victimes de l'ETA
ont été frappées, pour plus de 90% d'entre elles, après
la mort de Franco (novembre 1975) et le rétablissement en
Espagne,
qui amnistiait ses détenus politiques, d'une démocratie offrant
au Pays basque la plus large autonomie financière, administrative et
politique de son histoire. La revendication de l'indépendance y est
tolérée même sur le plan électoral si elle ne
s'appuie pas sur l'assassinat politique ou toute autre forme de violence.
Aux élections régionales basques du 17 avril 2005, le Parti
communiste des terres basques (PCTV-EHAK), qui servait alors d'enseigne électorale
à la mouvance de l'ETA, avait obtenu 12,5% des suffrages.
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