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Espagne - Attentats de Madrid: 2 ans après, "on ne sait pas"...
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Le Marocain Youssef Belhadj : "porte-parole militaire d'Al-Qaïda"? Photo Dirección General de la Policía |
par Christian Galloy
Analyste politique, directeur de LatinReporters.com
MADRID, samedi 11 mars 2006 (LatinReporters.com) - Deux
tiers des Espagnols estimeraient "qu'on ne sait pas encore" ce qui s'est
réellement passé le 11 mars 2004, date des attentats de Madrid,
selon un sondage publié samedi par le journal de centre droit
El Mundo.
Il y a deux ans, 10 bombes posées par des islamistes dans 4 trains
de banlieue faisaient 191 morts et quelque 2.000 blessés.
A propos de ces attentats, les plus meurtriers
jamais perpétrés en Europe, la justice espagnole est sur le
point, après deux ans d'instruction, de renvoyer devant un tribunal
entre 30 à 40 des 116 suspects. La plupart sont Marocains. Vingt-cinq
sont en prison préventive et 42 autres en liberté sous contrôle
judiciaire.
Le juge d'instruction Juan del Olmo estime que l'enquête a mis à
jour une structure internationale, avec ramifications en
Espagne, en France,
en Belgique et en Italie. Extradé par la Belgique vers l'Espagne le
1er avril 2005, le Marocain Youssef Belhadj aurait, selon le juge, joué
un rôle important dans la planification des
attentats de
Madrid.
Youssef Belhadj fut considéré par la police espagnole -quoique
le doute demeure- comme la personne encagoulée qui revendiquait sur
une vidéo les attentats du 11 mars 2004 en s'identifiant comme "Abou
Doujanah l'Afghan, porte-parole militaire d'Al-Qaïda en Europe". Cette
revendication, ainsi que d'autres émises aussi au nom d'Al-Qaïda,
présentait les attentats de Madrid comme des représailles à
l'appui de l'Espagne, alors gouvernée par le conservateur José
Maria Aznar, à l'invasion et à l'occupation de l'Irak.
"On sait pratiquement tout" sur les attentats de Madrid, affirmait vendredi
Maria Teresa Fernandez de la Vega, vice-présidente du gouvernement
socialiste espagnol de José Luis Rodriguez Zapatero. Le sondage du
journal El Mundo conteste cette certitude officielle.
Principales questions et réponses du sondage d'El Mundo:
"Croyez-vous qu'après deux ans on sait ce qui s'est réellement
passé le 11-M?" [11 mars 2004; ndlr]
Non: 66%. Oui: 28,4%. S'abstient ou ne sait pas: 5,5%.
"Croyez-vous que les terroristes prétendaient influer sur les élections?"
[Les législatives du 14 mars 2004, trois jours après les attentats,
furent gagnées par les socialistes de M. Zapatero, contrairement aux
prévisions de tous les sondages; ndlr].
Oui: 59%. Non: 32,1%. S'abstient ou ne sait pas: 9%.
"Croyez-vous à un lien entre les attentats et des membres des services
secrets du Maroc?" [Les relations du gouvernement de M. Aznar avec le
Maroc étaient extrêmement tendues; ndlr].
Non: 29,5%. Oui: 28,3%. S'abstient ou ne sait pas: 42,2%.
"Croyez-vous à un lien entre le 11-M et l'ETA?" [Le gouvernement
de M. Aznar avait attribué les attentats de Madrid aux séparatistes
basques de l'ETA; ndlr].
Non: 57,6%. Oui: 28,8%. S'abstient ou ne sait pas: 13,6%.
"Qui a manifesté le plus d'intérêt à découvrir
la vérité?"
La presse: 49,7%. La police: 13,5%. La justice: 11,6%. Le Parlement: 6,2%.
S'abstient ou ne sait pas: 19%.
Le précédent des GAL
Sous la houlette de son directeur Pedro J. Ramirez, El Mundo fait pratiquement
cavalier seul, parmi les médias, dans sa conviction que les attentats de Madrid ne répondraient
pas aux seuls intérêts de radicaux islamistes.
Dans les années 1980 et 1990, d'abord dans le quotidien Diario 16
(qui n'existe plus), puis dans El Mundo, actuellement 2e journal le plus
influent et le plus diffusé d'Espagne, Pedro J. Ramirez et son équipe
avaient déjà mené une longue lutte solitaire pour découvrir
les dessous des GAL (Groupes antiterroristes de libération). De 1983
à 1987, les GAL assassinèrent 28 Basques liés à
l'organisation séparatiste ETA ou soupçonnés
de l'être.
Les révélations de deux journalistes de l'équipe de
Pedro J. Ramirez, Melchor Miralles (aujourd'hui producteur exécutif d'un film
en tournage qui s'intitulera GAL) et Ricardo Arques, permirent au juge Baltasar
Garzon (célèbre persécuteur d'Augusto Pinochet) de faire
condamner et emprisonner, au titre des GAL, un ministre de l'Intérieur,
un secrétaire d'Etat à la Sécurité et divers
responsables policiers. Le gouvernement socialiste présidé
à l'époque par Felipe Gonzalez fut ainsi directement impliqué
dans un terrorisme d'Etat sans équivalent dans l'histoire contemporaine
de l'Europe démocratique.
Parmi une multitude d'indices nourrissant ses doutes sur les attentats de Madrid,
El Mundo a notamment relevé qu'un colonel de la garde civile impliqué
dans l'un des dossiers dérivés des GAL et appartenant encore aux services espagnols
de renseignement aurait sous-estimé les avertissements de confidents
sur la fourniture d'explosifs à des groupes islamistes par des trafiquants
espagnols ayant accès aux dépôts de dynamite de mines
des Asturies. Ces présumés trafiquants sont parmi les inculpés
des attentats de Madrid.
Arriver au pouvoir "dans un train de banlieue"
El Mundo a parfois suggéré l'hypothèse, non incluse
toutefois dans le sondage publié samedi, de la responsabilité
par omission, dans le massacre de Madrid, d'éléments des services
secrets espagnols liés aux socialistes. Contrôlant à distance des radicaux
islamistes qui préparaient manifestement un attentat, ces éléments
auraient, selon cette hypothèse, omis de les freiner.
Pedro J. Ramirez y a ajouté une éventualité moins alarmiste.
Le 5 mars dernier, il écrivait être convaincu "de la participation
de membres des appareils policiers et de services de l'Etat, sinon dans la
perpétration de l'attentat, du moins dans sa distorsion postérieure
au service d'intérêts politiques".
Présidé par Mariano Rajoy, le Parti populaire (PP, conservateur),
principale formation de l'opposition, relaie et assume les interrogations
d'El Mundo. Néanmoins, même le PP désapprouva l'un de
ses élus qui accusait récemment le socialiste Zapatero d'être
arrivé au pouvoir "dans un train de banlieue".
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