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"Rapport des sages" remis à Kofi Annan, secrétaire général de l'ONU
Alliance des civilisations entre Occident et théocraties musulmanes?
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A la une de la presse turque du 14 novembre 2006: Kofi Annan (à droite), l'Espagnol Zapatero (debout) et son homologue turc Erdogan |
ISTANBUL / MADRID, mardi 14 novembre 2006 (LatinReporters.com) - Pour
éviter le choc entre l'Islam et l'Occident, le règlement du
conflit israélo-palestinien est essentiel, mais le monde musulman
doit se démocratiser et il faut sensibiliser davantage les jeunes
et les médias au muticulturalisme. Ces recommandations dominent le
rapport sur
l'Alliance des civilisations présenté le 13 novembre
à Istanbul sous le patronage de l'ONU, de l'Espagne et de la Turquie.
Peu original, car insistant sur des évidences, prônant des
remèdes connus et biaisé par un antioccidentalisme qui attribue
le péché originel à "l'impérialisme européen"
relayé par l'agressivité américaine, le rapport contribuera
néanmoins à maintenir l'attention des responsables politiques
sur l'urgence à refroidir une chaudière alimentée par le conflit
irakien et la popularité de la nébuleuse terroriste Al-Qaïda
dans les pays musulmans. Rédigé en anglais et en arabe, le
rapport a en outre la valeur d'affirmer que "le terrorisme ne peut jamais
être justifié".
Elaboré par un comité de 20 "sages" co-présidé
par l'Espagnol Federico Mayor Zaragoza, ancien directeur général
de l'UNESCO, et par le Turc Mehmet Aydin, ministre d'Etat et professeur de
théologie, le rapport a été remis à Istanbul à
Kofi Annan, secrétaire général de l'Organisation des
Nations unies (ONU).
Parmi les 20 "sages" formant, selon le jargon onusien, un "Groupe de haut
niveau" figurent aussi l'ex-président iranien (de 1997 à 2005)
Mohammad Khatami, l'ancien ministre français des Affaires étrangères
Hubert Védrine, le conseiller spécial du roi Mohammed VI du
Maroc André Azoulay, l'historienne britannique spécialiste
des religions Karen Amstrong et le secrétaire général
ibéro-américain Enrique Iglesias.
Le 18 décembre prochain à New York, lors du transfert de pouvoirs
à son successeur coréen Ban Ki-Moon, M. Annan devrait présenter
un plan basé sur le rapport des "sages". Le secrétaire général
sortant n'exclut pas de rester lié à l'ONU pour superviser
l'application de ce plan qui visera à concrétiser l'Alliance
des civilisations.
A Istanbul, Kofi Annan était entouré du président du
gouvernement espagnol, le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero,
et du Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan. L'Alliance des civilisations
avait été proposée le
21 septembre 2004 à l'Assemblée
générale des Nations unies par M. Zapatero, qui en partage
aujourd'hui la paternité avec M. Erdogan. Mais c'est à l'initiative
de Mohammad Khatami que l'ONU avait décrété l'année
2001 "année du Dialogue des civilisations", avec des recommandations
que tente désormais d'approfondir et de compléter le projet
dit d'Alliance.
Tant José Luis Rodriguez Zapatero que son homologue turc estiment
que la future -mais incertaine et difficile- adhésion à l'Union
européenne d'une Turquie peuplée de 65 millions de musulmans
prouverait de manière éclatante la possibilité d'une
cohabitation pacifique entre l'Islam et l'Occident. La Turquie fut toutefois
laïcisée dès 1922 par Mustafa Kemal "Atatürk". En
outre, elle n'est pas un pays arabe. Jamais colonisés et donc sans
complexes historiques à exorciser, les Turcs dominèrent
les Arabes dans l'empire ottoman pendant plusieurs siècles, infiniment plus longtemps que
le firent ensuite les Européens. Ce qui se dit à Istanbul et
Ankara n'est donc pas parole sainte à Riyad ou Damas et encore moins
parmi les sympathisants d'Al-Qaïda.
"Bien que la religion soit souvent exploitée de façon cynique
pour attiser les passions, alimenter la méfiance et soutenir les cris
alarmistes selon lesquels le monde fait face à une nouvelle 'guerre
de religion', le fond de la question est politique", affirment les 20 "sages"
dans leur rapport.
Ils soulignent en premier lieu le conflit israélo-palestinien en
tant que "symbole de ce fossé". "Tant que les Palestiniens vivent sous occupation, exposés aux humiliations et aux frustrations quotidiennes, tant que des Israéliens sont tués par des bombes dans des bus et des discothèques, les passions resteront
partout enflammées" a prévenu Kofi Annan.
Le rapport incrimine aussi, comme facteur clef de la montée de l'extrémisme dans certains pays musulmans, la répression de l'opposition non violente et la lenteur
des réformes.
Au nom du pluralisme politique, les "sages" appellent les dirigeants des
pays musulmans à ouvrir un espace à la pleine participation
des partis politiques non violents, qu'ils soient religieux ou séculaires.
Les gouvernements occidentaux sont en contrepartie invités à
être cohérents dans leur soutien au pluralisme, en respectant
notamment le résultat des élections.
S'il condamne "l'interprétation distordue du Coran" par des partisans
de la violence, le rapport sur l'Alliance des civilisations ne critique pas
la prééminence politique du même Coran, via lequel
s'interpénètrent dans la quasi totalité des pays musulmans le spirituel et le
temporel, amalgame contre lequel l'Occident lutta pendant des siècles au nom
de la liberté individuelle.
A propos de cette théocratie implicitement admise dans le rapport,
le manifeste "Ensemble contre le nouveau totalitarisme, l'islamisme"
signé en mars dernier par douze intellectuels de divers pays, dont l'écrivain
Salman Rushdie, estimait que les démocrates sont ou seront appelés
à combattre les "théocrates" dans une lutte comparable à
celles livrées contre "le fascisme, le nazisme et le stalinisme".
Les "sages", eux, recommandent la rédaction d'un ixième "Livre
blanc" sur le conflit israélo-palestinien et la convocation, "le plus
rapidement possible", d'une ixième "Conférence sur le processus
de paix au Moyen-Orient". M. Zapatero veut en saisir la réunion de
décembre du Conseil de l'Union européenne.
Le rapport sur l'Alliance des civilisations prône aussi, notamment,
des coproductions audio-visuelles islamo-occidentales, "la présentation
objective de la diversité" plutôt que "l'usage irresponsable"
de la liberté de presse (plusieurs journaux espagnols y voient un
appel à l'autocensure) et l'intensification de l'échange d'étudiants,
l'organisation d'une sorte d'Erasmus entre universités occidentales
et de pays musulmans.
A cet égard, une bourse du gouvernement espagnol avait financé
les quatre années d'études, à l'Universidad Autonoma
de Madrid, du Tunisien Serhane Ben Abdelmajid Fakhet, désigné
par la justice comme "instigateur et coordinateur" des attentats islamistes
qui firent 191 morts et près de 2.000 blessés le 11 mars 2004
dans quatre trains desservant la banlieue madrilène...
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