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Espagne: retombées socio-politiques du triomphe à l'Euro 2008 de football
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Entre le gardien de but Iker Casillas (à gauche) et le sélectionneur national Luis Aragones, José Luis Rodriguez Zapatero soupèse la coupe de l'Euro 2008 (Madrid, 1er juillet 2008, photo Presidencia del Gobierno) |
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MADRID, mercredi 2 juillet 2008 (LatinReporters.com) -
C'est logiquement une grosse bouffée de nationalisme que fait souffler sur l'Espagne
son triomphe à l'Euro 2008 de football, le premier du genre en 44
ans. Tout aussi logiquement, Basques et Catalans ont moins applaudi. Mais
l'unité nationale en sort-elle tout de même renforcée?
"Evidemment, cela [la victoire] ne fera pas de tort" a répondu prudemment
aux journalistes José Luis Rodriguez Zapatero, président du
gouvernement socialiste espagnol.
Selon M. Zapatero, "un triomphe de ce niveau suppose une affirmation,
un orgueil pour le pays. Au cours de toute la période démocratique,
l'Espagne n'avait rien obtenu de semblable" en football. Recevant l'équipe
victorieuse le 1er juillet au palais gouvernemental de La Moncloa, le leader
socialiste lui a lancé un appuyé "Je veux vous dire que
vous avez réussi à rendre heureux toute l'Espagne et tous les
Espagnols".
Le compliment est d'autant plus sincère que l'ivresse débordante
des médias et des aficionados masque une troublante retombée
de la soudaine crise économique: pour la première fois, la
popularité du chef de l'opposition conservatrice, Mariano Rajoy, vient
de surpasser celle de M. Zapatero, 43% contre 42%, dans le baromètre
de la Cadena Ser, la radio espagnole la plus écoutée.
Le demi-dieu Iker Casillas, capitaine et gardien de but des rouges nationaux qui
ont ramené de Vienne la coupe de l'Euro, a lui aussi flairé
que la victoire pouvait être un baume politique immédiat. "Cette
coupe est importante pour aider le football espagnol et l'Espagne en tant
que pays, pour encourager les gens qui ont des difficultés" déclarait-il
dès son retour à Madrid.
"Je suis content d'être Espagnol" ajoutait le lendemain Casillas
devant le roi Juan Carlos. Le souverain, qu'on avait vu à la télévision
vibrer, ainsi que M. Zapatero, dans la tribune d'honneur du stade de Vienne
lors de la finale gagnée 1-0 le 29 juin par l'Espagne contre l'Allemagne,
reconnaissait après le match que "nous attendions une telle joie
depuis longtemps". Un plus de popularité découlant d'une
association à un triomphe national est bienvenu pour le roi d'un pays
où des franges pas nécessairement radicales de la gauche déploient
encore le drapeau républicain lors de manifestations.
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Euphorie de la presse espagnole: "Ce n'est plus un rêve, c'est une réalité... Nous sommes champions!" titrait le 30 juin le quotidien sportif Marca. |
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L'incantation "España! España!" a fait rugir au sud
des Pyrénées les radios, les télés et la rue
pendant tout le mois de juin. C'est même un "Arriba España!",
semblable dans la forme- mais certes pas dans l'esprit- au vieux cri de ralliement
franquiste, qu'a hurlé au micro David Villa, meilleur buteur de l'Euro,
devant les dizaines de milliers d'aficionados qui acclamaient le 30 juin
sur la plaza de Colon, au centre de Madrid, le retour de l'héroïque
sélection nationale.
"Fierté de la nation espagnole"
Si l'influent quotidien de centre gauche El Pais a évité jusqu'à
présent de calibrer les retombées socio-politiques du triomphe
espagnol, ses confrères ne s'en sont pas privés.
Sous le titre "La sélection, fierté de la nation espagnole"
l'éditorialiste de l'également influent El Mundo (droite
libérale) écrivait le 30 juin: "La sélection a agi
dans cet Euro 2008 comme catalyseur d'un sentiment commun d'unité.
Rarement comme en cette occasion les citoyens sont sortis dans la rue
en levant des drapeaux pour fêter les triomphes et pour montrer aussi
leur fierté d'être Espagnols. Ce que nous avons vu si souvent
avec envie dans d'autres pays, nous l'avons vécu cette fois dans le
nôtre, avec naturel, civiquement, sans complexes".
Le même éditorialiste ajoute: "Le refus des mairies de Barcelone
et de Bilbao -avec un grand poids nationaliste au sein de leurs corporations-
d'installer des écrans géants pour que les aficionados puissent
suivre la finale historique ne demeure, vu les faits, qu'une simple anecdote.
Cela n'a en outre n'a pas empêché que, le titre conquis, des
milliers de citoyens avec des drapeaux espagnols inondent la capitale catalane,
Bilbao, Vitoria. Même des lieux aussi emblématiques qu'Ermua
[localité basque rendue tristement célèbre par les pistoleros
indépendantistes de l'ETA; ndlr ] ont célébré
le succès espagnol".
"De la même manière que s'est gravée dans notre mémoire
collective l'inauguration des Jeux [olympiques] de Barcelone [de
1992], avec le Prince [héritier Felipe] comme porte-drapeau
de la délégation espagnole, il est très probable que
dans quelques années nous nous rappelions de l'esprit de Vienne que
nous ont transmis nos footballeurs, esprit qui a fait affleurer ce patriotisme
démocratique qui ici ne bourgeonne que de temps à autre.
C'est pourquoi la finale contre l'Allemagne était gagnée d'avance,
quelqu'en fût le résultat. Mais en outre, nous l'avons emporté"
poursuit El Mundo.
Et son éditorialiste de conclure: "Il est vrai que le football
a démontré à nouveau son pouvoir d'entraînement,
mais à cette occasion il y a quelque chose de plus. Les chiffres d'audience
stimulés par la sélection parlent d'eux-mêmes. Ils sont
les plus élevés de l'histoire de la télévision
en Espagne. La rue a fini par s'identifier à des joueurs qui reflètent
la transformation de notre pays".
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Revoir sur Tele Cuatro l'unique but de la victoire de l'Espagne sur l'Allemagne, marqué par Fernando Torres, surnommé El Niño (L'Enfant) |
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L'éditorialiste de l'important quotidien conservateur ABC joue sur
le même registre en affirmant que "La sélection est parvenue
à se transformer durant ces semaines en un authentique phénomène
sociologique. Deux éléments avalisent cet argument : la récupération
au niveau national de l'illusion des aficionados du football, le sport ayant
la plus grande capacité de mobilisation au monde et qui génère
le plus de passions; et, deuxièmement, la fierté de millions
de citoyens d'exhiber sans complexes ridicules ni pudeurs absurdes leur
condition d'Espagnols et leur fierté pour le drapeau national".
ABC note que "Des milliers de familles dans toute l'Espagne ont accroché
sur leurs balcons des drapeaux sang et or comme signe d'identification sincère
avec la sélection et ses objectifs sportifs ou, plus simplement, avec
l'idée de l'Espagne perçue comme une grande nation, comme une
grande puissance sportive dans le monde. A leur tour, des centaines de milliers
de citoyens se sont rassemblés dans les rues et sur les places, dans
des bars, des centres de loisir, des auditoires ou des salles multi-sports
et jusque dans des arènes pour suivre ensemble, avec une même
voix d'encouragement, l'évolution de l'équipe espagnole. Il
ne s'agit certes pas de données anecdotiques".
Une victoire allemande aurait été célébrée
au Pays basque et en Catalogne
Au Pays basque, le ton change. Le journal Gara, proche des séparatistes
de l'ETA, souligne "l'intérêt des médias madrilènes
à profiter de cette victoire [à l'Euro 2008] pour faire
l'apologie du nationalisme espagnol et de sa monarchie". S'il reconnaît
que les Basques avaient déserté les rues pour suivre à
la télévision la finale Espagne-Allemagne, Gara ajoute,
contredisant El Mundo, qu'à de rares exceptions près les localités
basques demeurèrent calmes après la victoire espagnole, car
c'est un succès allemand qu'on souhaitait y célébrer.
En Catalogne, le jour de la finale, le drapeau allemand flottait même
à Barcelone sur la façade du siège de la Gauche républicaine
catalane (ERC), parti indépendantiste qui est pourtant l'allié
des socialistes de M. Zapatero au sein du gouvernement régional. Comme
au Pays basque, des feux d'artifice avaient été préparés
pour fêter un éventuel triomphe allemand. Joan Ridao, député
d'ERC, explique que la victoire de l'Espagne le "laisse indifférent".
Il souhaite que des sélections catalanes soient autorisées
à participer à des compétitions internationales.
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