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L'Espagne doit gérer la sécheresse et la pénurie d'eau
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Madrid: pour l'instant du moins, pas de restrictions de consommation d'eau imposées aux particuliers Photo LatinReporters.com |
MADRID, mercredi 10 août 2005 (LatinReporters.com) - La pénurie
d'eau, malgré quelques avis de tempête, et les incendies sont
les deux menaces principales que font peser sur l'Espagne les effets conjugués
de la sécheresse et de la canicule.
Des températures comprises entre 30 et 40 degrés ou plus sont
fréquentes depuis fin juin. En outre, les pluies n'ont jamais été
aussi rares au cours des 60 dernières années. Depuis octobre
dernier, elles ont diminué de 35 à 50% selon les régions
par rapport aux moyennes annuelles ordinaires.
D'où multiplication des incendies, dans lesquels treize pompiers ont péri cette
année en Espagne. Sans tenir compte des derniers sinistres
en Galice et dans les provinces d'Avila et de Jaen, 94.079 hectares
de forêts, de pinèdes, de pâturages, de cultures et de broussailles ont
déjà brûlé en 2005.
Arrêté au 7 août, ce chiffre du ministère
espagnol de l'Environnement multiplie presque par trois celui relatif à l'Espagne
diffusé ce mercredi à Bruxelles par la Commission
européenne, qui ne contemple toutefois que les feux de forêts.
D'où aussi diminution des réserves d'eau. Les lacs de barrage
sont actuellement à 45% de leur capacité au niveau national,
mais seulement à 23% en Catalogne et 13% dans la région de
Murcie.
La vice-présidente du gouvernement socialiste, Maria Teresa Fernandez
de la Vega, assure que l'approvisionnement en eau est assuré "jusqu'à
la fin de l'année hydrologique", qui se clôture le 30 septembre.
Mais dans trois semaines à peine, on sera précisément
en septembre. La télé et la radio diffusent des conseils pour
économiser l'eau. Curieusement, des restrictions contraignantes de consommation n'auraient
été édictées, selon le journal El Pais, qu'en
Catalogne et dans la province aragonaise de Huesca.
De 1979 à 1982, puis de 1990 à 1996, la sécheresse avait
déjà frappé durement l'Espagne. L'ouverture d'un nouveau
cycle pourrait donner raison à l'Agence européenne de l'environnement.
En août 2004, l'un de ses rapports estimait la péninsule ibérique
particulièrement touchée par le réchauffement climatique
global.
En juin dernier, les Nations unies décrivaient l'Espagne comme le
pays "le plus aride d'Europe". La ministre espagnole de l'Environnement,
Cristina Narbona, précisait alors que 31,5% de la superficie nationale
est en voie de désertification. Les régions de Valence et de
Murcie, ainsi que la province andalouse d'Almeria et l'archipel des Canaries
sont les plus menacés.
Au nord d'Almeria s'étend d'ailleurs le seul désert d'Europe
occidentale. On y tournait dans les années 60 les westerns spaghettis
qui ont fait la gloire de Clint Eastwood, Sergio Leone et Ennio Moricone.
Pour gérer l'eau raréfiée par des sécheresses
répétées, le gouvernement espagnol doit, outre les facteurs
climatiques, prendre en compte aussi des aspects démographiques, économiques
et politiques.
Quasi la moitié des 40 millions d'Espagnols vit sur l'arc méditerranéen,
sur le littoral ou à l'intérieur des provinces côtières.
Or, il s'agit de la partie de l'Espagne la moins arrosée par les pluies.
C'est en outre aussi l'arc méditerranéen qui reçoit
l'essentiel des 50 millions de touristes, gros consommateurs d'eau, qui visitent
chaque année l'Espagne.
Autre paradoxe, économique cette fois: Valence et Murcie, donc deux
des régions les moins humides d'Espagne, assurent 68% des exportations
agricoles espagnoles, grâce à des cultures sous serres plastifiées,
qui absorbent des tonnes d'eau.
Proscrire l'agriculture intensive dans ces régions -où l'ensoleillement
génère plusieurs récoltes annuelles- ou y décourager
radicalement le tourisme provoquerait une catastrophe économique et
sociale capable de déstabiliser tout gouvernement, de gauche ou de
droite.
Quant aux facteurs politiques influant sur la gestion de l'eau, on peut rappeler
que des régions relativement plus arrosées du Nord, l'Aragon
et la Catalogne (gouvernées par des majorités de gauche), s'opposent
au détournement partiel des eaux de l'Ebre, le plus grand fleuve espagnol,
vers Valence et Murcie (où les majorités régionales
sont de droite...).
Le détournement de l'Ebre était le grand projet hydrologique
du gouvernement conservateur de José Maria Aznar. Les socialistes
de José Luis Rodriguez Zapatero, vainqueurs des législatives
de mars 2004, l'ont enterré, invoquant notamment la politique écologique
de l'Union européenne.
Le transvasement d'eau d'un autre fleuve, le Tage, à partir de la région
(socialiste) de Castilla-La Mancha vers Murcie et Valence, par le canal Tajo-Segura
en service depuis 1979, a été marqué en cette année
de sécheresse par un net rabais du volume dévié, après
une dispute interrégionale arbitrée par le gouvernement national.
Pour relever tous ces défis, M. Zapatero et ses ministres ont élaboré
le plan AGUA (agua signifie eau). Il prévoit la construction de 15
usines à forte capacité de dessalement d'eau de mer sur les
côtes méditerranéennes. Les 130 nouveaux barrages -Franco
en avait déjà érigé des centaines- que prévoyait
le plan hydrologique des conservateurs de M. Aznar seront réévalués
et soumis à un crible politique, économique et écologique.
Le plan AGUA prône aussi le recyclage et le réemploi d'eaux
usées (obligatoire, par exemple, sur les 300 parcours de golf espagnols)
et la modernisation des systèmes d'arrosage des cultures. Cette modernisation,
passant notamment par l'extension des systèmes de goutte-à-goutte
contrôlés par ordinateur, est stratégique. L'agriculture
absorbe en effet 80% de l'eau distribuée en Espagne. L'industrie en
consomme 10% et les ménages le reste.
Enfin, le plan AGUA envisage une hausse des tarifs. Le gouvernement se retranche
à nouveau ici derrière le bouclier européen, affirmant
que les directives de Bruxelles insistent sur la responsabilité financière
des consommateurs (principe "pollueur payeur") dans la gestion et la conservation
de ce qui risque de devenir l'or bleu.
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