VOIR AUSSI |
Espagne - Logement: les "terriers" socialistes décriés
|
Madrid: de vieux immeubles sociaux disposent parfois de piscines... Loin des 30 m² proposés par l'actuel gouvernement socialiste... © LatinReporters.com |
MADRID, mercredi 13 avril 2005 (LatinReporters.com) -
Un tollé social et politique a contraint la ministre espagnole du
Logement, la socialiste Maria Antonia Trujillo, à remiser son projet
de construire des logements sociaux d'à peine 25 ou 30 m², qualifiés
de "terriers" par l'Organisation des consommateurs et usagers (OCU).
Les logements sociaux en Espagne ont aujourd'hui de 60 à 120 m². Dès
l'investiture, en avril 2004, du gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero,
la ministre Trujillo promettait d'en faire construire 180.000 par an. Elle
n'en a mis que 51.000 en chantier en 2004.
Relevant que les normes légales actuelles ne prévoient pas qu'un jeune "puisse
n'avoir besoin que d'un appartement de 30 m²", la ministre Trujillo annonçait
lundi, en inaugurant à Barcelone la Foire internationale de la construction,
son intention de modifier ces normes trop "corsetées".
Selon la ministre, les modules habitables de 25 à 30 m² exposés
dans cette foire seraient une "innovation" avalisée par son succès
supposé dans des pays nordiques "avancés" et ils s'adapteraient
au "cycle vital des personnes", puisque "l'annexion du logement modulaire
d'à côté" pourrait couvrir d'éventuels nouveaux
besoins familiaux.
"Non à ces terriers!" s'est aussitôt exclamée la porte-parole
de l'OCU, Ileana Izverniceanu. Elle redoute la généralisation de tels
logements, conçus en principe pour une seule personne, mais qui risqueraient de
devenir l'habitat de familles ne pouvant rien s'offrir de plus digne.
Comme tous les adversaires des mini-logements proposés par la ministre
Trujillo, l'OCU affirme qu'il faut réduire le coût des appartements,
mais non leur dimension. Le prix moyen des logements a augmenté en
Espagne de 150% depuis 1997. Cette flambée résulte d'une forte
demande encouragée par les taux hypothécaires historiquement
bas et d'une gestion spéculative des sols par les mairies espagnoles,
y compris socialistes, qui tirent de l'immobilier l'essentiel des revenus
municipaux.
En prônant des logements sociaux de 30 m², le gouvernement veut "escroquer
les familles". Cette mesure "rétrograde, épouvantable et injuste
réduira davantage la natalité en Espagne" estime Eduardo Hertfelder,
président de l'Institut de politique familiale.
La principale formation de l'opposition, le Parti populaire (PP, conservateur),
qualifie de "honteux" et de "contraire au droit constitutionnel à
un logement digne" le projet de la ministre Trujillo. Le PP exige qu'elle
s'explique devant le Congrès des députés... "après
avoir vécu une saison dans 30 m²" suggère le secteur Nouvelles
générations du grand parti conservateur.
Le tollé vient aussi de la gauche
La Généralité (gouvernement autonome régional)
de Catalogne, pourtant présidée par un socialiste, affirme, par la voix
de sa directrice générale au Logement, Carme Trilla, que des
appartements de 30 m² rappellent "un type de constructions de certaines époques
du franquisme... Nous ne marchons pas sur cette voie".
"On n'a pas besoin d'appartements plus petits. Derrière ce débat
se cachent les intérêts de constructeurs, qui savent qu'un appartement
plus petit leur permet en réalité de gagner plus au mètre
carré" ajoute Carme Trilla.
Les deux grands syndicats nationaux s'opposent aussi à la ministre
Trujillo. Les Commissions ouvrières (pro-communistes) notent que "l'espace
vital est évidemment supérieur à 25 m²" et les jeunes
de l'Union générale des travailleurs (UGT, socialiste) dénoncent
un projet "discriminatoire" qui "porte atteinte au droit à un logement
digne".
Dans la presse, le journal madrilène conservateur ABC est le plus
critique. Dans un éditorial intitulé "La ruche de Trujillo",
il estime "difficile de prendre au sérieux la solution extravagante,
à la japonaise" de la ministre socialiste du Logement.
Malgré l'appui de son propre parti et d'associations d'architectes
et de constructeurs, Maria Antonio Trujillo a remisé son projet, reléguant
ses mini-logements sociaux au rang de simple "idée à débattre".
La législation ne serait donc pas modifiée. Pourtant, estime la ministre,
"la dignité d'un logement ne se mesure pas à ses mètres
carrés".
Vous pouvez réagir à cet article sur notre forum
ARTICLES ET DOSSIERS LIÉS
L'Espagne construit plus de logements que France, Allemagne et Italie réunies
Dossier Espagne
Tous les titres
|
|