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L'hebdomadaire satirique El Jueves accusé d'injure à la famille royale
Espagne: la saisie d'une caricature sexuelle de Felipe et Letizia provoque sa mondialisation
MADRID, samedi 21 juillet 2007 (LatinReporters.com) - La
démocratie directe de l'Internet ridiculise la justice espagnole.
Et dans la foulée la famille royale, en la personne du prince héritier
Felipe et de son épouse Letizia. La saisie ordonnée le 20 juillet
en Espagne de l'hebdomadaire satirique El Jueves pour sa caricature sexuelle
du couple princier provoque en effet, outre un tollé journalistique,
la mondialisation sur le web de cet instantané naturiste.
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Couverture de l'hebdomadaire satirique El Jueves dont la justice espagnole a ordonné la saisie le 20 juillet 2007 pour injure à la famille royale en la personne du prince héritier Felipe et de son épouse, la princesse Letizia
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Extraordinaire jurisprudence digitale. Car voilà les censeurs avertis
que ce qu'ils prétendent cacher peut, en réaction, être
dévoilé à la planète entière par les internautes.
Ni Mahomet ni Jésus ni les rois ne sont à l'abri des claviers
d'ordinateurs.
En couverture du numéro 18-24 juillet 2007 d'El Jueves, le prince
héritier Felipe de Bourbon, fils du roi Juan Carlos et déjà
père de deux filles, remplit en tenue d'Adam et la mine réjouie
son devoir sexuel conjugal, disant à sa femme, la princesse et ex-journaliste
de télévision Letizia Ortiz: "Tu te rends compte? Si tu
tombes enceinte... Parmi ce que j'ai fait dans la vie, c'est ce qui ressemblera
le plus à un travail!"
Cette autocritique imaginaire de la fonction héréditaire est liée au titre qui surplombe la caricature: "On
note que les élections arrivent, ZP! 2.500 euros par enfant".
ZP désigne Zapatero. Le président socialiste du gouvernement
espagnol a promis une prime de 2.500 euros par enfant né ou adopté
depuis début juillet.
Est-ce parce que la panacée de l'immigration pour conjurer le vieillissement
de la population, accéléré par l'avortement et l'extrême maigreur des
allocations familiales, n'améliore pas la convivialité que José
Luis Rodriguez Zapatero verse soudain dans le populisme nataliste? Peut-être,
mais son souci le plus immédiat est électoraliste. Les prochaines
législatives, qui pourraient être anticipées, se dérouleront
au plus tard en mars 2008 et il s'agit de couper l'herbe sous le pied au
Parti Populaire (PP, droite) qui fut le premier à promettre une prime
substantielle de naissance.
"Notre idée était de nous moquer
de la mesure électoraliste de Zapatero et des 2.500 euros" affirme
José Luis Martin, co-éditeur de cette sorte de Charlie-Hebdo
espagnol qu'est l'hebdomadaire iconoclaste El Jueves.
Mais le juge Juan del Olmo, celui-là même qui instruisit le
procès des attentats islamistes de Madrid, a vu dans la caricature
"une atteinte à l'honneur et à la dignité des personnes
représentées" tombant sous le coup des articles 490 et 491
du code pénal. Ces articles protègent la famille royale. Ils
prévoient notamment de six mois à deux ans de prison pour injure
à ses membres "dans l'exercice de leurs fonctions"
et une amende "hors de ces circonstances".
La différence de peines obligera-t-elle la justice à préciser
lors du procès si la caricature montre ou non le prince Felipe "dans
l'exercice de ses fonctions"? En attendant, le juge Del Olmo ordonnait vendredi
"comme mesure de précaution urgente le retrait et la prohibition"
du dernier numéro d'El Jueves. Donc la saisie de cet hebdomadaire
apprécié depuis trente ans et tiré selon les circonstances
à entre 60.000 et 100.00 exemplaires.
"Celui qui va au-delà des limites dans l'exercice d'un droit fondamental
ne peut pas être protégé par ce droit pour éviter
les conséquences de ses actes" argumente dans son arrêt le juge
Del Olmo, tentant ainsi de tracer la frontière entre droit à
la liberté d'expression et droit au respect de la dignité personnelle.
Le juge a agi sur instance du ministère public. L'initiative judiciaire
n'est pas partie du Palais royal. Le parti socialiste de M. Zapatero dit
respecter les décisions et l'indépendance de la justice. Ses
deux principaux alliés parlementaires ne sont pas du même avis.
Selon les écolos-communistes de la Gauche Unie (IU), la saisie serait
en effet "excessive et anachronique" et bousculerait "sérieusement
la liberté d'expression". La Gauche Républicaine Catalane (ERC)
parle, elle, "d'une honte inconcevable en Europe", qui démontrerait
"la faiblesse de l'institution monarchique", priée par ce parti de
se démarquer explicitement de la saisie.
Diffusant, comme pour railler la justice, la caricature de Felipe et Letizia
sur leur site Internet depuis vendredi et dès samedi dans leur version
imprimée, les principaux journaux espagnols qualifient la saisie d'El
Jueves d'inutile et surtout de contre-productive.
"[Le juge] Del Olmo élève au rang de nouvelle mondiale une
plaisanterie grossière visant la couronne" titrait samedi sur trois
colonnes à la une le quotidien de centre droit El Mundo. Il souligne,
comme d'autres, que l'arrêt de saisie voulant protéger la famille
royale a eu aussitôt un immense impact international. Dans tous les
continents, Australie y compris, Internet a permis de rire des ébats
princiers.
"La nouvelle était vendredi la plus lue sur le web de la
BBC, l'une des principales références informatives internationales"
précise El Mundo, selon lequel "même le pire ennemi de la couronne
n'aurait pu provoquer un tel effet". A cet égard, plus que la caricature, c'est la résurgence
du débat sur le bien-fondé ou non d'être protégée par la censure,
en vigueur pendant près de 40 ans de dictature franquiste, qui devrait inquiéter la
monarchie espagnole, restaurée de par la volonté du général Franco.
Le journal El Pais, proche du gouvernement socialiste, avertit que le ministère
public estime que nul ne devrait diffuser la caricature incriminée
sous peine de risquer de tomber sous le coup de la loi. Mais qualifiant "d'indéfendable" aujourd'hui et
en la matière le recours au code pénal, El Pais publie aussi
le dessin, jugé à l'unanimité de mauvais goût,
quoique désormais indispensable à la compréhension de
l'affaire.
La montée au créneau de l'organisation internationale Reporters Sans Frontières (RSF) est
remarquée. "La liberté de caricaturer est l'une des composantes
de la liberté d'expression" dit-elle dans un communiqué, ajoutant
qu'elle espérait "une attitude plus raisonnable de la part d'une grande
démocratie européenne comme l'Espagne".
El Jueves annonce qu'il répliquera la semaine prochaine avec sa meilleure
arme, l'humour. Après l'opération de marketing lancée
par le juge Del Olmo, son tirage devrait exploser.
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