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Après avoir boycotté les législatives, l'opposition réclamera leur nullité
Démocratie absolutiste au Venezuela: tous les élus pour Chavez
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Hugo Chavez: l'écharpe présidentielle jusqu'en 2030? © Rep. Bolivariana de Venezuela |
CARACAS, lundi 5 décembre 2005 (LatinReporters.com) - Déjà
laboratoire d'un "socialisme du 21e siècle", selon l'expression du
président Hugo Chavez, le Venezuela
est devenu le banc d'essai d'une paradoxale démocratie absolutiste après l'élection, aux législatives
de dimanche, des 167 députés de l'Assemblée nationale.
Le boycottage du scrutin par l'opposition a permis que tous les élus
soient des chavistes.
"Selon les chiffres dont nous disposons, les 167 élus à l'Assemblée
nationale sont tous des partisans du président Hugo Chavez", déclarait
dimanche soir William Lara, président du Mouvement de la Ve République
(MVR), le parti présidentiel.
Le revers de ce triomphe est l'abstention. Le Conseil national électoral
(CNE) admet que 75% des 14,5 millions d'électeurs ont boudé
les urnes. "Selon notre centre d'étude, l'abstention fut de 82%" renchérit
l'un des leaders de l'opposition, César Pérez Vivas, secrétaire
général des démocrates-chrétiens de l'historique
COPEI (Comité de Organización Política Electoral Independiente).
Suivis par plusieurs mouvements de moindre importance, le COPEI et l'AD (Acción
Democrática, membre de l'Internationale socialiste), deux partis qui
dominèrent le Venezuela pendant des décennies, ont boycotté
les législatives.
Ils contestent la fiabilité des machines à voter électroniques,
qu'ils soupçonnent en outre de ne pas garantir le secret du vote.
La composition partisane du Conseil national électoral et l'impossibilité
d'accéder aux listes d'électeurs, que seuls les candidats chavistes
auraient pu consulter pour cibler leur campagne, furent aussi invoquées
pour justifier le boycott.
César Pérez Vivas croit en conséquence que "les élections
de dimanche étaient viciées" et il réclamera leur nullité
devant le Tribunal suprême, doutant toutefois d'obtenir raison "dans
le bricolage juridique aux ordres du chef de l'Etat".
Hugo Chavez, lui, bousculé par une tentative de putsch en avril 2002,
voit dans le boycottage "un coup d'Etat électoral" dont le président
américain George W. Bush serait l'instigateur. Le président
vénézuélien ajoute que le COPEI et l'AD étaient
"déjà morts" avant le scrutin. Les sondages préélectoraux
offraient en effet peu d'espoir à l'opposition.
Le ministre vénézuélien des Affaires étrangères,
Ali Rodriguez, s'étonne pour sa part que l'opposition puisse à
la fois se dire victime d'un régime dictatorial et se priver, par
le boycottage, "d'un espace d'expression aussi important que l'Assemblée
nationale".
Aux législatives de juillet 2000, l'opposition, toutes tendances confondues,
avait conquis 79 des 165 sièges de députés, contre 86
aux partisans du président Chavez, avec une participation électorale
de 56%. Au cours des cinq prochaines années, les 167 fauteuils de
l'Assemblée nationale (deux de plus qu'en 2000 pour refléter
l'accroissement démographique) seront donc monopolisés par
les chavistes.
Un tel contrôle permettra, le cas échéant, de réviser
la Constitution sans redouter l'arithmétique parlementaire. On prête
au parti MVR l'intention de supprimer, dans la Charte suprême, tout
frein à un nombre indéfini de mandats présidentiels
consécutifs. Dans ce contexte, Hugo Chavez prétend qu'il faudra
sans doute travailler "jusqu'en 2030" à l'instauration du "socialisme
du 21e siècle". Ex-lieutenant-colonel putschiste porté à
la présidence par les urnes en 1998, Chavez aura 76 ans en 2030. Son
ami et allié cubain Fidel Castro,
au pouvoir depuis quasi un demi-siècle, en a actuellement 79.
Une ombre d'absolutisme démocratique plane ainsi sur le Venezuela.
Absolutisme, car toutes les orientations et décisions dépendent
d'un seul homme qui contrôle en outre, désormais, 100% des parlementaires.
Démocratique, car ce pouvoir sans cesse grandissant a été
confié à Hugo Chavez par les électeurs vénézuéliens
dans un régime de multipartisme. Les fraudes supposées dénoncées
par l'opposition lors de divers scrutins n'ont jamais été confirmées
par les observateurs de l'Organisation des Etats américains et de
l'Union européenne.
Il n'empêche que gouverner avec l'appui d'à peine 25% (selon
le CNE) ou 18% (selon le COPEI) du corps électoral n'accroîtra
pas le crédit national ni international de Hugo Chavez. L'abstention
électorale record est pour lui une défaite qui relativise sa
victoire. Gérer cette situation complexe est un nouveau défi
qu'il doit relever.
"Le choix d'aller ou non vers le totalitarisme est entre les seules mains
de Chavez" estime Alberto Garrido, analyste politique d'El Universal. Ce
journal est proche de l'opposition, mais M. Garrido n'en croit pas moins
qu'aucun parti ne représenterait réellement "le sentiment national
d'opposition". Selon lui, les partis actuels "sont au niveau zéro"
et ceux qui ont prôné le boycottage des législatives
devraient "prouver que cette action répond à un projet futur
qu'on puisse comprendre et opposer au projet de Chavez".
Cet avis désabusé et l'abstention électorale confirment
peut-être l'opinion d'analystes latino-américains, qui croient
que la véritable majorité au Venezuela serait aujourd'hui celle
des "Ni...Ni", un magma sociologique sans représentation politique
et ne s'identifiant ni à Hugo Chavez ni aux partis actuels d'opposition.
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